The Oregonian

Un texte signé Quentin Mazel

Américain  - 2011 - Calvin Lee Reeder
Interprètes : Robert Longstreet, Lindsay Pulsipher

C’est dans la catégorie Nouvelle Vision, de l’Hallucination Collective de Lyon, que nous avons pu découvrir l’étrange et perturbant, THE OREGONIAN. Si chaque année il est possible de découvrir un OVNI, voici celui de cette année.
Une jeune fille quitte la ferme ou elle vit. Après un accident de voiture elle découvre un monde inconnu.
Calvin Lee Reeder est un réalisateur qui s’est fait connaître grâce à des courts-métrages, assez décalés dirons-nous. Ainsi après, PILEDRIVER, LITTLE FARM, THE RAMBLER et THE SNAKE MOUNTAIN COLADA, le réalisateur américain passe à un autre format, celui du long métrage. Il travaille toujours avec Lindsay Pulsipher, actrice dans la série TRUE BLOOD ; c’est elle qui sans surprise tient le premier rôle.
THE OREGONIAN fait partie de ces films particulièrement compliqués à comprendre, il est donc d’autant plus difficile d’en parler. Ne le cachons pas, THE OREGONIAN tient plus du film expérimental que du cinéma « traditionnel » :Absence totale de narration, d’intrigue, de dialogue…Ainsi c’est principalement un travail plastique et sonore qui construit le film.
L’œuvre de Lee Reeder est avant tout un travail sur l’expérience de la réception cinématographique. D’ailleurs, tout dans THE OREGONIAN et dans les précédents travaux du réalisateur est fait pour agresser le spectateur. Un travail minutieux sur l’emploi du larsen, de la sur-amplification mais aussi sur la plastique de l’écran, qui ici, est vu comme une toile et non comme un cache. Il renvoie ainsi à des considérations très proches du cinéma expérimental d’avant garde et cette notion de réception. THE OREGONIAN se veut avant tout comme une expérience de cinéma, et le sens du film se veut uniquement dans la perte totale de la maîtrise de l’individu sur ce qu’il regarde et entend. Le spectateur, subit et éprouve jusqu’à vivre, une immersion viscérale du film.
Tous les sens du spectateur sont sollicités par le film, et c’est dans l’agression de ces sens que, le spectateur leur découvre une nouvelle conscience et existence.
C’est de cette façon qu’il semble possible de comprendre et d’interpréter le fond de cette œuvre qui est une projection métaphorique du spectateur sur ce personnage féminin. C’est grâce à ce personnage et avec lui qu’il va découvrir un univers visuel et sonore dont l’effet est proche de celui que provoquent les produits illicites.
THE OREGONIAN paraît en ce sens comme le substrat d’ une autre forme d’immersion cinématographique. C’est dans la radicalité du traitement de ses sens sollicités que le spectateur s’immerge et vit cet univers. Précisons-le, l’exercice de cette expérience sensible du cinéma n’est pas sans douleur et certains n’y prendront aucun plaisir.
Pour pouvoir comprendre réellement le film de Calvin Lee Reeder il faut sans conteste se référer au reste de son travail. On y trouve en effet, un univers permanent, où plusieurs personnages récurrents, comme cette vieille femme aux rires moqueurs ou encore ces musiciens de blues, coexistent, et où un certain nombre de lois régissent un monde bien particulier et bien difficile à décrire.
Les influences de Lee Reeder, sont assez nombreuses et celle de David Lynch semble être la plus évidente. D’autres comme Elias Merhige avec son BEGOTTEN ou encore la fantasmagorie de Jodorowsky semblent alimenter l’univers décalé du réalisateur américain. Cependant, les références qui seront sûrement les plus évidentes, sont les travaux des Activistes Viennois et particulièrement ceux de Rudolf Schwarzkogler et de Hermann Nitsch. Ce sont, les concepts d’immonde et de grotesque présents dans les œuvres de Rudolf Schwarzkogler et de Hermann Nitsch que ce mouvement paraît souvent proche. C’est tout au moins la source qui semble avoir influencé l’univers de Lee Reeder. C’est ainsi comme un dosage parfait de l’agression transgressive et de l’humour grotesque que cette univers se définit sûrement le mieux.
IL en résulte que THE OREGONIAN nous impose la confrontation à un univers étrange et hostile auquel il n’est pas possible de se préparer.
Bien entendu, la radicalité du traitement intrinsèque à ce travail ne plaira pas à tout le monde, mais cela semble être la condition sine qua non de la notion d’avant-garde et de cinéma expérimental. Dans le fond THE OREGONIAN est proche d’un « tripe » sous LSD. Cela ne se raconte pas ; cela se ressent et se vit !


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- Article rédigé par : Quentin Mazel

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