The Prowler

Un texte signé Éric Peretti

USA - 1981 - Joseph Zito
Titres alternatifs : Rosemary’s Killer, The Graduation
Interprètes : Vicky Dawson, Christopher Goutman, Cindy Weintraub, Lisa Dunsheath, David Sederholm, Tom Bray, Diane Rode, Bryan Englund, Farley Granger, Lawrence Tierney

Lorsque Joseph Zito se rend, avec une bobine contenant quelques minutes horrifiques de piètre qualité selon ses propres dires, au Festival de Cannes en 1980, il n’avait à son actif de réalisateur que deux films d’exploitation passés totalement inaperçus. Lors de la projection de cette bande promotionnelle à de potentiels acheteurs, il rencontre un dénommé Carl Kaminski qui, visiblement impressionné par ce qu’il visionne et au plus grand étonnement de Zito, lui demande de venir le voir dès son retour aux Etats-Unis afin de lui présenter des clients qui lui permettront de poursuivre sa carrière. A ce moment là, les juteuses recettes au box office de VENDREDI 13 incitent l’industrie cinématographique à la production de films dotés d’un petit budget, sans tête d’affiche et dont l’immuable trame simpliste tient en une phrase : un tueur masqué et/ou défiguré décime des adolescents stupides. C’est ainsi que, peu de temps après son retour de Cannes, grâce à cette hasardeuse rencontre, Joseph Zito se retrouve engagé pour mettre en scène un film d’horreur à petit budget provisoirement titré THE GRADUATION.
1945, après avoir bravé la mort sur les champs de bataille, des milliers de soldats américains rentrent au pays pour y retrouver leurs proches. L’un d’eux, largué par sa fiancée, Rosemary, alors qu’il était sur le front, se venge en empalant cette dernière, ainsi que son nouvel amant, sur une fourche. 1980, l’étudiante Pam MacDonald organise un bal de fin de scolarité, le premier depuis le double meurtre non élucidé survenu 35 ans plus tôt et à la suite duquel le Major Chatham, le père de la victime qui est aujourd’hui un vieillard voyeur en fauteuil roulant, avait prohibé ce genre de manifestation. Alors que le shérif Fraser quitte la ville pour aller à son week-end de pêche, laissant son jeune adjoint Mark London seul pour gérer les affaires courantes, le tueur sort ses rangers et son treillis du placard, affûte sa baïonnette et sort massacrer les fêtards…
Situé à mi chemin entre ces deux sous-genres que sont le film de psycho killer et le slasher, THE PROWLER, qui sera renommé ROSEMARY’S KILLER dans une grande partie de l’Europe et au Japon, respecte à la lettre les codes de ce genre de production. On y trouve donc, entre de longues plages d’attente meublées par d’insipides dialogues et d’improbables situations, quelques plans en caméra subjective suivis d’autant de meurtres brutaux. Bien que le scénario soit on ne peut plus simple avec ses personnages stéréotypés et ses fausses pistes volontaires, il est malgré tout difficile de saisir les motivations exactes du tueur.
S’il n’y a pas de vedettes au générique, on retrouve malgré tout deux vieilles figures assez connues du septième art. Le premier, Farley Granger, qui débuta en assassin amateur de frissons chez Hitchcock dans LA CORDE (1948), joue le rôle du shérif Fraser. Quant au second, dans le rôle du Major Chatham, il s’agit de l’impressionnant Lawrence Tierney, véritable gueule du cinéma qui, en plus d’avoir déjà tourné pour Zito à deux reprises, incarna lors de sa longue carrière les gangsters John Dillinger, dans le film éponyme en 1945, et Joe Cabot dans RESERVOIR DOGS (1992).
Mais la véritable star du film, celui qui permet à cette bande, certes sympathique mais sans réelle originalité, de se démarquer d’autres productions similaires et d’être toujours citée dans les ouvrages spécialisés, n’apparaît pourtant pas à l’écran. Il s’agit bien évidemment de Tom Savini, le maestro du gore, qui orchestre les meurtres sanglants du script avec tant de crédibilité que, des années après la sortie du film, quelqu’un demandera à Joseph Zito s’il a réellement tué ses acteurs. Extrêmement brutales, les mises à mort ne sont pas comiques, et pourtant l’idée d’un tueur à la fourche pouvait prêter à la rigolade, mais très douloureuses. Ici on meurt dans d’atroces souffrances que ce soit le corps transpercé par une fourche ou le crâne traversé de part en part par une baïonnette. Egorgé, on se vide longuement de son sang pour agoniser dans d’ultimes spasmes, et quand la poudre parle, c’est pour violemment projeter les corps sans vie sur le sol. Bref, les effets spéciaux rehaussent le métrage et restent gravés dans les mémoires bien après la projection. Le film bluffera d’ailleurs les producteurs de la saga VENDREDI 13 qui recruteront le duo Zito – Savini pour la mise en chantier du quatrième opus, le fameux Chapitre Final, permettant à l’illusionniste du gore de revenir en force sur la franchise, après avoir contribué au succès de celle-ci à ses débuts, et de repousser toujours plus loin les limites de l’horreur grâce à son talent.
Quant à Joseph Zito, après avoir réalisé quelques bons films d’action pour Chuck Norris et Dolph Lundgren tout en planchant sur une adaptation de Spider Man pour la firme Cannon dans les années 80, il ne tournera quasiment plus, ce qui est bien dommage car le bonhomme, à défaut d’avoir du génie, possède un certain talent pour la mise en scène musclée. En attendant son hypothétique retour derrière les caméras, apprécions l’efficace simplicité de THE PROWLER avant qu’Hollywood, en mal d’inspiration, ne décide d’en faire un stérile remake tape à l’œil.


Votre soif de lecture n'est pas rassasiée ?
Téléchargez les anciens numéros de Sueurs Froides


Inscrivez-vous à la liste de diffusion et accédez au
téléchargement des anciens numéros de Sueurs Froides :
- Une tranche d'histoire du fanzinat français
- 36 numéros de 1994 à 2010
- Près de 1800 films critiqués
Un index est disponible pour chercher un film ou un dossier
CLIQUEZ ICI.

- Article rédigé par : Éric Peretti

- Ses films préférés :

Share via
Copy link