The seasoning house

Un texte signé Stéphane Pretceille

Britannique - 2012 - Paul Hyett
Interprètes : Rosie Day, Sean Pertwee, Kevin Howarth

Dans les Balkans, au milieu de nulle part, dans une campagne perdue dans un pays qui ne sera pas nommé, un ancien milicien probablement ayant appartenu à l’armée serbe, dirige de main fer un bordel. Les filles, plutôt jeunes, qui s’y prostituent sont essentiellement des prisonnières civiles capturées lors d’escouades menées contre les populations. Pour leur permettre d’exercer leur activité sans sombrer dans la démence, une dose quotidienne d’héroïne leur est injectée par une fille sourde et muette. Aux alentours des 14 ans, cette jeune fille est en charge de nourrir ces pensionnaires particulières, de nettoyer leurs chambres où elles vivent enfermées, de les apprêter un minimum pour qu’elles soient présentables pour les clients et de les droguer pour que les passes s’enchaînent sans difficultés.

Cette fillette privée d’ouïe et de la parole, accomplissant ses tâches avec indifférence auprès des prostituées, s’attache à l’une d’entre elles qui, grâce à sa connaissance du langage des signes, a réussi à communiquer avec elle, à la réveiller de ce cauchemar sans fin. Souhaitant la protéger contre des clients plus violents les uns que les autres, qui moyennant un supplément financier, peuvent brutaliser les filles, la fillette, baptisée Ange non sans un certain humour par le tenancier du bordel, va se retrouver prise en chasse par ce dernier et son acolyte mais aussi par un groupe de militaires dont les visages évoquent de terribles souvenirs à notre jeune héroïne.

Avec un tel sujet, tous les dérapages étaient possibles, le voyeurisme à outrance et le tortur- porn, stade terminal du film d’horreur qui n’a plus rien à raconter. La surenchère du pire n’aura pas lieu, rapidement le réalisateur prend des sentiers plus classiques, et démontre de vraies qualités de mise en scène, s’attache à donner du caractère aux personnages principaux et prend ses distances avec la recette qui a fait le succès de la franchise SAW et autres. Si ce n’est une scène choc, dans le genre assez insoutenable où une jeune prostituée, le bassin cassé, subit un coït plutôt violent, le ressort principal du film consiste plus à susciter la peur du spectateur, peur que cette jeune sourde et muette soit à son tour malmenée par ces barbares en treillis.

Conte pour adultes où une petite fille privée de la parole, pour préserver sa part d’humanité et se sauver, doit affronter des ogres affamés. Si Paul Hyett, le réalisateur, réussit à rendre son film haletant, l’angoisse suintant des murs de ce bordel infâme, chaque minute passée pour l’héroïne nous faisant craindre le pire pour la suivante, c’est aussi en partie grâce à cette jeune actrice Rosie Day. Héritant d’un rôle sans pouvoir prononcer un mot (excepté des hurlements), elle incarne avec brio son personnage, son visage chafouin, et ses regards terrorisés ou furieux nous entraînent à sa suite dans cette histoire cauchemardesque. On craint pour sa vie et pour ses pauvres filles shootées en permanence, abandonnées au sort de ces psychopathes. C’est à travers les murs, des conduits serpentant le long des couloirs, donnant accès aux chambres par de minuscules ouvertures, que l’héroïne parvient à échapper à ses prédateurs. Ces espaces géographiques étant infranchissables pour ces derniers, l’actrice principale parvient à gagner du répit dans cette traque infernale qui constitue un des passages les plus angoissants du film. A ce sujet, on ne peut s’empêcher de rapprocher ces raccourcis spatiaux au SOUS-SOL DE LA PEUR, film de Wess Craven, qui à sa manière aussi, est un conte de fées pour adultes avertis.

THE SEASONNING HOUSE, présenté comme un survival féminin, constitue une des très bonnes surprises du Paris International Fantastic Film Festival de cette année. Le réalisateur s’étant autant préoccupé de la direction artistique que de la mise en scène sans caméra tremblotante ou d’effets de style aussi agiles qu’inutiles, le résultat est suffisamment efficace pour que le spectateur soit captivé pendant ces 89 minutes.


Votre soif de lecture n'est pas rassasiée ?
Téléchargez les anciens numéros de Sueurs Froides


Inscrivez-vous à la liste de diffusion et accédez au
téléchargement des anciens numéros de Sueurs Froides :
- Une tranche d'histoire du fanzinat français
- 36 numéros de 1994 à 2010
- Près de 1800 films critiqués
Un index est disponible pour chercher un film ou un dossier
CLIQUEZ ICI.

- Article rédigé par : Stéphane Pretceille

- Ses films préférés :

Share via
Copy link