retrospective

The Sinking of Japan

Il s’agit ici de la première version de ce film catastrophe, réalisée en 1973, peu après la sortie du roman de Komatsu Sakyo sur lequel il s’appuie (également intitulé : La Submersion du Japon), et non de son « remake » tourné en 2006 par Shinji Higuchi. Pas d’images de synthèse dans ce film, par conséquent, mais de bons vieux décors « à la Godzilla » – des maquettes que le cinéaste va s’amuser à réduire en miettes au fur et à mesure de l’engloutissement de l’archipel nippon, digne de celui de la mythique Atlantide.
Le Pays du Soleil Levant, comme tout le monde le sait, se situe à un endroit particulièrement sensible de l’écorce terrestre. Sa position à proximité du lieu où les plaques continentales asiatiques et pacifiques se rencontrent rend son territoire sujet à de fréquents tremblements de terre, et les volcans abondent sur son pourtour. THE SINKING OF JAPAN part du principe que du fait de vifs mouvements tectoniques, l’ensemble des îles japonaises est condamné à sombrer au fond du Pacifique en l’espace de quelques mois à peine ! Il s’agit donc pour les autorités scientifiques et pour le gouvernement de parvenir à sauver le maximum de leurs concitoyens en un laps de temps éminemment bref : on ne transvase pas cent millions de personnes du jour au lendemain sans rencontrer quelques petites difficultés d’ordre logistique ! A commencer par la définition du lieu où se rendront tous ces réfugiés. Aucun pays au monde n’étant prêt à accueillir sur son territoire un tel flot d’immigrants, les responsables japonais se voient donc contraints de marchander des accords avec toutes les nations susceptibles de recevoir sur leur territoire ce peuple privé de pays. Ce qui ne va pas sans susciter quelques réticences…
Le fait que ce film emploie les mêmes effets spéciaux que ceux utilisés dans les « Kaiju Eiga » traditionnels, de type Mothra ou Godzilla, tombe à point. THE SINKING OF JAPAN n’est rien d’autre en effet qu’un film de Godzilla sans Godzilla. On sait que ce monstre (et ses comparses !) entend matérialiser la peur du nucléaire que ressent le peuple japonais depuis la Seconde Guerre mondiale (et le passage de deux bombardiers américains dans le sud de l’archipel…). Plus largement, les monstres gigantesques qui écument le sol du pays, réduisant en bouillie sur leur passage les constructions humaines petites ou grandes, symbolisent les catastrophes naturelles qui frappent régulièrement ce coin du globe : typhons, tsunamis, tremblements de terre, éruptions volcaniques, etc. Les Japonais ont une perception intense du caractère éphémère de toute chose, de la fragilité de l’existence humaine quand replacée à l’échelle de la nature qui l’abrite. Le film de Moritani se contente par conséquent de faire l’économie de la créature monstrueuse pour se focaliser sur les catastrophes proprement dites et leurs conséquences humaines. Il effectue un gros-plan sur la peur informulée de tout résident de cette contrée extrême-orientale : la peur de l’anéantissement pur et simple !
Malheureusement, en dépit de ces belles intentions, le film se révèle assez soporifique. Pour commencer, il faut attendre plus d’une demi-heure avant de pouvoir assister à la première séquence catastrophe digne de ce nom. De plus, l’absence de personnage central réduit la capacité du spectateur à s’attacher émotionnellement aux individus qui défilent devant lui. Hormis le Premier Ministre nippon, les acteurs ont la fâcheuse tendance de n’être que de passage dans ce long-métrage. Le rythme d’ensemble du récit n’est pas, lui non plus, à la hauteur des ambitions affichées.
Il n’en reste pas moins que THE SINKING OF JAPAN constitue un moment important de la psyché japonaise, fortement troublée par les images cataclysmiques contenues dans ce film. Il est donc important de l’avoir vu ne serait-ce qu’une fois pour mieux comprendre les références qui peuvent le concerner dans d’autres œuvres. A commencer par THE WORLD SINKS EXCEPT JAPAN (2006), de Minoru Kawasaki, le réalisateur de THE CALAMARI WRESTLER. Ce film parodique part du postulat diamétralement inverse à celui du métrage de Moritani : cette fois, c’est l’ensemble des terres émergées qui sombre au fond des océans, à l’exception de l’archipel japonais !

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