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The Visit – Une rencontre extraterrestre

L’Étrange Festival a toujours eu la capacité singulière d’agréger des œuvres très distinctes les unes des autres, mais qui, mises ensemble, s’articulent avec une étonnante aisance, avec une cohérence propre à l’identité de l’évènement. Souhaitant mettre en avant des documentaires dans leurs sélections, les programmateurs ont cette fois-ci intégré directement à la compétition le denier film de Michael Madsen, THE VISIT – UNE RENCONTRE EXTRATERRESTRE. Un acte fort de sens pour un très beau film.
Après un premier documentaire intitulé HIMMELNATTENS KEJSER portant sur la légende de l’empereur aveugle au japon, Michael Madsen se fit connaître du grand public avec INTO ETERNITY ayant reçu pléthore de récompenses. Un film documentaire usant d’artifices du récit fictionnel  éclairages et mouvements de caméra élaborés, ralentis, narrateur en voix off  qui retrace l’histoire d’Onkalo, une grotte gigantesque creusée par l’homme et située en Finlande dans le but de stocker les déchets nucléaires pour 100 000 ans, soit le temps de ne plus représenter un danger pour l’humanité. Le film s’attarde sur la dimension pharaonique de la construction, les plus vieux vestiges humains, comme les pyramides, ayant moins de 5 000 ans.
Le film se sert d’Onkalo comme prétexte pour conduire le spectateur à réfléchir sur la place de notre société dans l’histoire de l’humanité, à repenser et mettre en perspective les implications des actes humains sur de longues périodes. Le film traite ainsi principalement de l’inadéquation des temporalités entre un monde au-dessus du sol parfaitement instable et mouvant, régi par un temps court, et la nécessité d’un lieu, ici le sous-sol, permettant le stockage de déchets radioactifs, qu’il faut penser en termes de sérénité et d’inviolabilité. La crainte de ne pas être compris par les générations futures, en particulier celles d’un avenir lointain, empreignait le film et les problématiques qu’il faisait émerger.
Avec THE VISIT, Michael Madsen procède de manière assez similaire que pour INTO ETERNITY à la différence près que ce n’est pas la question du temps qui est abordée, mais celle de l’espace.
Le film nous offre ainsi l’opportunité de rencontrer divers acteurs tels que des scientifiques de la NASA, le personnel du bureau des affaires spatiales des Nations unies, des officiers militaires de l’armée américaine, et ce, afin de simuler la première rencontre de l’homme avec une forme de vie intelligente provenant de l’espace. Le film étant un documentaire sur une simulation, il se situe donc à la frontière entre réalité et fiction. Un travail déjà entamé avec INTO ETERNITY qui consistait à brouiller les cartes entre les deux genres et surtout à refuser l’aspect figé de la réalité généralement décrite dans les documentaires.
Encore une fois, Michael Madsen use de techniques cinématographiques issues de la fiction pour construire son film. Travelings, ralentis, mises en scène sur fond noir, jeux d’éclairage, « reconstitutions » structurent en effet le film pour nous dépeindre au mieux le visage d’une humanité à la fois unique et diverse confronté à l’ultime Autre. On retrouve parfois ce qu’avait proposé Godfrey Reggio il y a quelques années comme dispositif de captation avec VISITORS. Enfin, la superbe photographie et les musiques de Johann Strauss en référence à 2001 L’ODYSSEE DE L’ESPACE de Stanley Kubrick renforcent cette confusion que nous évoquions, entre réalité et fiction, et nous plongent dans un univers lointain et captivant.
Si le film s’avère profondément spéculatif et ne décrit finalement que peu d’éléments « réels », puisque celui-ci n’est basé que sur une simulation, on y apprend toutefois les différentes « procédures d’accueil » prévues par les institutions ou la manière dont les experts pensent la question, bien que ce ne soit pas le plus important.
En effet, le sujet n’est, encore une fois, qu’un moyen de questionner la nature profonde de l’humanité, sa place dans l’espace, c’est-à-dire dans sa dimension « géométrique » et sociable. Comment pouvons-nous comprendre des intentions ? Devons-nous parler ouvertement des choses dont l’humanité n’est pas fière ? Qu’est-ce que l’Homme et comment devons-nous le décrire ? Qu’est-ce qui fait sa singularité ? Mais surtout, est-il digne d’intérêt ?
Le film n’a ainsi pas pour but d’apporter des réponses ufologiques ou de décrire la manière dont un tel évènement pourrait se dérouler comme le proposent certains « documentaires » fictions sur le câble. Exemple : très gros volcan, très grosse vague, très grosse tornade… Le film de Michael Madsen est beaucoup plus pertinent puisqu’il vise à formuler les bonnes questions et à trouver l’angle de vue adéquat pour comprendre les perspectives abyssales d’un tel évènement. La manière d’interroger la possibilité réelle de comprendre des Êtres en tout point de vue différents de nous est en ce sens très intéressante.
THE VISIT n’est donc pas un documentaire comme les autres, prétextant une rencontre extraterrestre pour aborder des questions philosophiques plus profondes. Une belle découverte en somme. Second volet d’une trilogie amorcée avec INTO ETERNITY, on ne peut qu’attendre le troisième film avec impatience. Après le temps, l’espace, que peut bien encore nous réserver Michael Madsen ?

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