The ward

Un texte signé Alexandre Lecouffe

U.S.A. - 2010 - John Carpenter
Interprètes : Amber Heard, Mamie Gummer, Danielle Panabaker, Jared Harris

Nous sommes au milieu des années 60 dans l’Oregon. Kristen une jeune fille d’une vingtaine d’années est arrêtée alors qu’elle vient de mettre le feu à une maison inhabitée. C’est dans un état second que la pyromane est internée dans un hôpital psychiatrique géré par le Docteur Stringer, adepte de thérapies expérimentales. Kristen fait la connaissance des autres patientes, quatre jeunes filles atteintes de névroses et psychoses diverses. Durant la première nuit, la jeune fille croise ce qui semble être un fantôme ; ses colocataires lui affirment qu’il s’agit d’une certaine Alice Hudson, ex-patiente disparue de façon mystérieuse et que cette dernière hante l’hôpital avec des intentions meurtrières. Le lendemain, une jeune internée disparaît subitement…

Dix-huitième long métrage du grand John Carpenter, THE WARD intervient après une petite dizaine d’années de silence cinématographique de la part du réalisateur de HALLOWEEN (1978). Ce fils spirituel de Jacques Tourneur et de Howard Hawks, fan de série B horrifique et de mythologie westernienne qui irrigueront toutes ses œuvres, aura offert au genre fantastique plusieurs films matriciels parmi lesquels NEW YORK 1997 (1981), THE THING (1982), PRINCE DES TENEBRES (1987) ou L’ANTRE DE LA FOLIE (1994). Méprisé dans son pays, souvent en butte aux majors hollywoodiennes, obligé parfois de tourner des films de commande (STARMAN, 1984), John Carpenter aura de plus en plus de difficultés à mener des projets personnels dans les années 90 et disparaitra à l’orée des années 2000, sortant de sa retraite forcée pour signer deux épisodes de l’anthologie télé MASTERS OF HORROR. Ce virtuose de la mise en scène, maniant comme personne le format Cinémascope, ce cinéaste à la fois classique dans ses choix thématiques (les mécanismes de la peur, le huis clos, la déshumanisation…) et moderne dans leur approche souvent politique (voir l’incroyable INVASION LOS ANGELES, 1988) aura marqué le genre de manière indélébile. La France, qui aura la première accordé le statut d’auteur à John Carpenter dès le début des années 80 (merci à Christophe Gans et à l’équipe du magazine Starfix…) n’aura même pas daigné distribuer son dernier opus dans les salles obscures.

Pour son retour cinématographique au genre qui a établi sa grande réputation (le fantastique mâtiné d’épouvante), John Carpenter a donc choisi de situer son long métrage au cœur d’un sous-genre que l’on pourrait nommer « l’hôpital et ses fantômes ». Outre la mémorable série du même titre créée par Lars Van Trier en 1994, les films d’horreur se déroulant en milieu (in)hospitalier sont légion et on peut citer plusieurs réussites récentes du genre : SESSION 9 (2001, Brad Anderson), GOTHIKA (Mathieu Kassovitz, 2003), FRAGILE (Jaume Balaguero, 2005) et dans une moindre mesure, DARK FLOORS (Pete Riski, 2008). THE WARD, après une séquence d’ouverture très efficace et un générique stylisé, s’engage avec modestie sur le chemin très balisé du film de fantôme et de maison hantée sans réellement parvenir à déployer son matériau gothique de façon forte ou originale. Le réalisateur américain multiplie les plans en contre-plongée sur l’immense bâtisse psychiatrique, filme la chambre de Kristen comme un véritable cachot, fait déambuler ses héroïnes le long de sinistres corridors mal éclairés puis dans les sous-sols lugubres de l’hôpital sans vraiment parvenir à faire naitre une palpable tension dramatique et encore moins tout sentiment de peur. La faute en incombant probablement à une mise en scène plutôt banale qui multiplie les « jump-scares » inutiles au lieu de créer un hors champ effrayant et qui ne parvient pas à donner suffisamment d’ampleur à son espace filmique. Ce dernier, malgré l’emploi du format favori de John Carpenter (le 2.35) apparaît étriqué, morcelé, peu identifiable alors qu’il aurait dû constituer un élément primordial, à la fois comme possible reflet de l’univers mental de Kristen et en tant que structure narrative et visuelle donnant sa forme au film. THE WARD est en effet un huis-clos, motif récurent dans la filmographie du réalisateur de ASSAUT (1976) mais qui tourne ici un peu à vide, la menace ne venant que de l’intérieur et ne prenant jamais un aspect protéiforme et donc imprévisible, à la différence de l’inoubliable THE THING. Si l’amateur se plait à reconnaître des thématiques familières de l’œuvre de John Carpenter (l’enfermement, la paranoïa, le vertige de la schizophrénie…) et, au détour d’un plan, à identifier des références « intratextuelles » (notamment à PRINCE DES TENEBRES et à L’ANTRE DE LA FOLIE), THE WARD ne parvient jamais vraiment à décoller et son « twist » intervenant en fin de bobine est à l’image du film : ultra-prévisible et déjà vu. Loin cependant d’être un ratage, THE WARD s’avère une honnête série B dont la seule particularité réside dans le fait qu’il s’agisse du premier long métrage de « Big John » dans lequel le « héros » est une jeune femme. A la fois fragile et combative, rebelle et altruiste, Kristen est un pur personnage carpentérien ; la charismatique Amber Heard (TOUS LES GARCONS AIMENT MANDY LANE de Jonathan Levine, 2006), qui rappelle un peu la jeune Jamie Lee Curtis, l’incarne de façon remarquable.
Espérons que ce retour en demi-teinte sera transformé par le prochain projet du réalisateur américain : FANGLAND, une relecture moderne de Dracula…


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- Article rédigé par : Alexandre Lecouffe

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