The Woman

Un texte signé Quentin Mazel

USA - 2011 - Lucky Mckee
Interprètes : Pollyanna McIntosh, Angela Bettis, Sean Bridgers

Le dernier long-métrage de Lucky Mckee, THE WOMAN, nous est présenté lors de L’Etrange Festival de Paris. Réussite intellectuelle et cinématographique, le réalisateur de MAY propose un questionnement pertinent et violent sur le genre. Questionnement que l’on aperçoit plus ou moins dans toute sa carrière, mais qui prend la place centrale de ce métrage. Ce thème bien entendu particulièrement subversif a fait couler beaucoup d’encre, comme au festival de Sundance, où le métrage est parfois qualifié de misogyne. À l’image d’un Hernani moderne une partie du public s’était insurgée lors de la projection, cris, insultes et esclandres étaient alors les armes pour cette bataille de THE WOMAN. La séance de l’Étrange Festival constituée d’un public beaucoup plus calme, curieux, et peut-être même instruit nous a permis de découvrir ce métrage dans le calme et la sérénité.
Chris Cleek un avocat profondément dominateur et sexiste capture une femme «sauvage» lors d’une partie de chasse. Il décide alors de là séquestrer dans une remise et tente alors de la «civiliser».
THE WOMAN, est la suite directe du long métrage d’Andrew Van Den Houten, THE OFFSPRING. Le film de Lucky Mckee signe ainsi la cinquième collaboration de Jack Ketchum avec le cinéma.
Pour son film Mckee a fait, une fois de plus, appel à son actrice fétiche, Angela Bettis, pour incarner avec énormément de justesse la femme au foyer soumise. On retrouve aussi Pollyanna McIntosh présente dans le casting de CADAVRE A LA PELLE, de John Landis, elle incarne ici le personnage de la femme «sauvage». C’est enfin Sean Bridgers qui interprète le rôle du père de famille dominateur. Cet acteur peu connu au cinéma propose une interprétation très dynamique et franchement réjouissante. Impassible et manipulateur, l’acteur donne une tonalité bien plus intéressante que celle d’un simple méchant.
THE WOMAN propose de traiter le thème de l’animalité chez l’Homme, sujet tabou dans nos sociétés. Lucky Mckee réinvente ainsi, après le mythe de Frankenstein, le mythe de l’homme sauvage. Le sujet deviendra bien plus subversif quand on découvre que c’est une femme qui est représentante de cette «animalité». Propos des plus actuel et pertinent quand on voit que l’on donne à la femme une animalité «naturelle» dans la publicité d’aujourd’hui.
Lucky Mckee met en place dans la première partie de son film une cellule familiale organisée autour de l’autorité patriarcale. Ainsi, cette famille de trois enfants (un garçon et deux filles) se positionne en fonction de ces valeurs machistes qui sont bien loin de nous (enfin espérons-le). On découvre ainsi cette organisation où, le genre est synonyme de positionnement social. C’est alors que cette femme «sauvage» apparaît. Elle est bien entendu la représentante d’une autre forme d’organisation, où la femme est bien loin de la cuisine et du ménage, et apparaît ainsi comme un symbole de «liberté». C’est la présence particulière de cette femme qui va permettre au spectateur de voir tous les défauts et vices de cette famille tout droit sortie d’une publicité. Elle imposera une sorte de contre poids par sa force symbolique et représentative. Incarnant la tache noire de cette famille, elle est quelque chose d’étrange, de fascinant et de dérangeant. Chaque membre de cette famille confrontée à cet Autre, va alors se positionner en fonction du rayonnement que cette dernière a sur eux. Elle est alors source de fantasme, de fascination, de question et de peur.
Mckee met surtout en avant dans son univers les attentes sociales sur le genre. Que ce soient des attentes vestimentaires, comportementales ou tout simplement en termes de performances. Grâce à un jeu d’imbrication de la cellule familiale dans une société, il crée des attitudes à multiples interprétations sociales. Ces multiples filtres permettent une meilleure compréhension de cette famille, et bien entendu permettent au spectateur de mieux cerner les défauts de ce foyer construit autour de l’aura dominatrice du père.
La fin du métrage débouchera sur l’explosion du personnage du patriarche grâce à une mise en scène radicale de sa barbarie. Une barbarie qui contrebalancera et questionnera la «sauvagerie» de La femme captive. La mort de ce missionnaire autoproclamé paraîtra ainsi des plus justifiée. C’est ainsi que la fin du métrage de Lucky Mckee épousera, d’une certaine façon, les codes du rape and revenge.
La mise en scène de Mckee est très propre, tout se suit très bien et aucun accro ne nous sortira du film. La photographie parfaitement construite met l’accent sur les jeux d’ombres et de lumières. Notre femme «sauvage» est ainsi, retranchée dans les ténèbres comme une vérité cachée aux teintes «exotiques». La césure entre les deux mondes est ainsi radicale, et c’est le regard perçant de cet Autre qui nous fait pertinemment découvrir la «sauvagerie» de cette famille américaine.
Le métrage de Lucky Mckee, dont la réputation est légèrement excessive, se révèle être une jolie réussite. En somme un plaisir pour les yeux et le cœur.

Retrouvez nos chroniques de l’Etrange Festival 2011.


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- Article rédigé par : Quentin Mazel

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