This Giant Papier-Mâché Boulder Is Actually Really Heavy

Un texte signé Philippe Delvaux

Nouvelle Zélande - 2016 - Christian Nicolson
Interprètes : Christian Nicolson, Sez Niederer, Daniel Pujol

Trois amis de passage à une convention de science-fiction se retrouvent projetés dans un vieux film de série Z. Très vite, Jeffrey, un geek tendance boulet-looser se prend au jeu et n’arrive plus à discerner la réalité, le voilà qui se prend dorénavant pour le commandant spatial Kasimir. Très nettement moins portés sur la culture geek, Tom, un dragueur impénitent, et Gavin, un avocat bougon qui a renié son passé de fan, tentent de sortir de cette mauvaise aventure et de ramener leur amis à la raison. Mais pour cela, ils devront se confronter à Lord Froth, noir seigneur de toutes les galaxies. Heureusement, ils seront aidés en cours de route par Emmanor, qui n’est pas la princesse Léïa mais c’est tout comme.

Et voici le projet bricolo-rigolo-méta-geek du moment : une comédie néo-zélandaise qui joue des codes de la culture SF-cheap.

De la Nouvelle-Zélande nous est venu Peter Jackson. Mais si comparaison il y a ici, ce sera plus avec son BAD TASTE (ici en plus gentillet) qu’avec ses très friqués et mieux maitrisés LORD OF THE RINGS. THIS GIANT PAPIER-MACHE BOULDER IS ACTUALLY REALLY HEAVY est un micro-budget do-it-yourself bidouillé pendant 5 ans avec des potes non rémunérés, mais qui finit par se frayer un chemin et se retrouver récompensé dans les festivals. Une belle aventure !

Christian Nicolson a initialement pitché l’idée à un concours local de films amateurs dont le premier prix était un budget de production équivalent à 100.000€ (excusez du peu !). Cependant, arrivé second, il ne reçoit… rien du tout… mais décide de se lancer quand même dans l’aventure en grapillant l’argent où il le peut. Au final, THIS GIANT PAPIER-MACHE BOULDER IS ACTUALLY REALLY HEAVY n’aura couté que 50.000€, cinq ans de production et beaucoup de sueur à son réalisateur-homme-à-tout-faire. Ce dernier doit même subroger un des acteurs principaux après trois jours de prise de vue, ce dernier quittant le tournage dès qu’il comprend que celui-ci s’étalera nécessairement loin au-delà des deux mois prévus. De fait, le tournage durera… deux ans.

Au final, THIS GIANT PAPIER-MÂCHÉ BOULDER IS ACTUALLY REALLY HEAVY est une parodie du cinéma SF. On reconnaitra tous de larges pans de STAR WARS et de STAR TREK, mais aussi de manière plus générale, des hommages à toutes ces petites productions désargentées des années ’50 à ’80, lorsque l’imaginaire et la débrouille devaient palier des budgets le plus souvent défaillants. Sinon, THIS GIANT PAPIER-MACHE BOULDER IS ACTUALLY REALLY HEAVY paie un tribut évident aux Monty Python: on y croise des lapins (moins voraces que celui du SACRE GRAAL cependant) et surtout l’acolyte de Lord Froth est affublé d’un problème de diction qui n’est pas sans évoquer celui du Ponce Pilate de LA VIE DE BRIAN. Pour le reste, chacun cherchera les références en fonction de sa propre cinéphilie (allez, on avoue, il y a aussi cet hommage aux courses poursuites de BENNY HILL).

La bonne idée du film est de ne jamais masquer ses bricolages : les acteurs sont projetés dans une série Z, dès lors tous les costumes, accessoires et décors sont fabriqués d’objet de récupération et s’exhibent en tant que tel. Le comique découle de ce que Tom et Gavin, les deux protagonistes qui ne sont pas happés par la « magie » de cet univers, perçoivent, tous comme nous, la supercherie tandis que les autres vivent à fond dans cet univers factice. On rigole donc de bon cœur de ces pistolets laser issus d’un mixer, de ce vibro-couteau (oui, il y a une allusion sexuelle) à base de presse-agrume, d’un vaisseau spatial plus cheap que le plus désargenté Ed Wood… On rit, mais on apprécie aussi l’inventivité continuelle de ces décors, accessoires, costumes et coiffures. L’équipe s’est amusée, et nous avec.

Les effets spéciaux réemploient la grammaire visuelle de l’ère prénumérique, recréant des effets spéciaux… euuuuh ben « spéciaux ».

La photographie n’est pas en reste et adopte, elle aussi, le ton méta : le noir et blanc ici, les couleurs saturées des années ’60 là, nos héros s’en étonnant d’ailleurs régulièrement.

THIS GIANT PAPIER-MACHE BOULDER IS ACTUALLY REALLY HEAVY fait donc partie de toute cette frange de métacinéma qui joue des codes du cinéma de genre. En France, l’œuvre matricielle serait sans doute LA CITE DE LA PEUR. Plus récemment, et rien que pour le BIFFF, nous avions déjà eu THE EDITOR ou TURBO KID. Le festival avait également jadis programmé le mieux budgété GALAXY QUEST. Mais les exemples abondent désormais. Il n’est pas inintéressant de relever l’anecdote suivante. Juste avant THIS GIANT PAPIER-MÂCHÉ BOULDER IS ACTUALLY REALLY HEAVY, le BIFFF programmait BAD BLACK, le dernier no budget made in Wakaliwood. Rappelons que Wakaliwood produit en Afrique des films tournés avec rigoureusement rien (ses producteurs prétendent ainsi que BAD BLACK aurait couté 60 dollars). Bref, de la série Z de chez Z, dont les débuts étaient peut-être tournés au premier degré, mais dont, le succès du net aidant, ses producteurs savent que leurs films seront reçus avec un décalage certain par le public. Notre digression n’est donc qu’apparente puisqu’on note à l’évidence la possibilité discursive entre l’œuvre africaine qui ne peut qu’être prise au 25e degré et celle, néo-zélandaise qui en serait une parodie.

Dans l’ensemble, THIS GIANT PAPIER-MACHE BOULDER IS ACTUALLY REALLY HEAVY est souvent drôle et inventif. Nous n’avons pas boudé notre plaisir. Si vous êtes au moins un peu geek, vous vous amuserez bien.

Cependant on n’éludera pas ici les points qui fâchent : THIS GIANT PAPIER-MACHE BOULDER IS ACTUALLY REALLY HEAVY est empesé de deux défauts.

Le premier est qu’il est alourdi de longueurs. Car s’il est drôle, le procédé n’est pas inépuisable. Une fois compris l’univers et la mécanique comique, il aurait été nécessaire de nourrir le film d’autre chose pour maintenir et relancer notre intérêt. Hélas, Christian Nicolson n’a rien d’autre à nous proposer. THIS GIANT PAPIER-MACHE BOULDER IS ACTUALLY REALLY HEAVY se contente de parodier la culture geek. Certes avec inventivité, mais cela ne suffit pas. Vient un moment où les décors et accessoires en carton-pâte finissent par lasser. Les péripéties s’enchainent de manière assez gratuite et sans réelle progression. Certes, c’était le lot de nombre de série Z, mais clairement, le problème de rythme dont souffre le film ne procède pas d’une volonté consciente d’un réalisateur qui souffre ici des mêmes limites que celles de ceux dont son film se moque/rend hommage. Jouissant d’une totale liberté, le réalisateur s’est fait plaisir… et l’étire sur 112 minutes. C’est sans doute ici qu’on note l’intérêt du regard extérieur d’un producteur, d’un monteur, d’un distributeur, bref de tout qui peut effectuer un retour vers le réalisateur pour pointer les éventuels problèmes de ce genre. Ces longueurs ne sont pas rédhibitoires, comprenons-nous bien, et il est quand même possible de jouir sans réserve du spectacle. Mais elles diminuent cependant la réussite du projet.

Ensuite, THIS GIANT PAPIER-MACHE BOULDER IS ACTUALLY REALLY HEAVY est limité par son sujet: film de démarquage de la culture geek SF, il ne parlera qu’à ceux à qui s’adresse cette culture. Si vous ne kiffez pas au moins STAR WARS et STAR TREK, passez votre chemin. Si par contre vous collectionnez toutes ces antiques séries télé bricolées avec trois francs six sous, alors THIS GIANT PAPIER-MACHE BOULDER IS ACTUALLY REALLY HEAVY vous tend les bras. Un film de niche donc, et qui y restera confiné faute d’avoir voulu transcender son matériau.

THIS GIANT PAPIER-MACHE BOULDER IS ACTUALLY REALLY HEAVY a été présenté en séance de minuit au 35e BIFFF.


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- Article rédigé par : Philippe Delvaux

- Ses films préférés : Marquis, C’est Arrivé Près De Chez Vous, Princesse Mononoke, Sacré Graal, Conan le Barbare


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