Tokyo Vampire hotel

Un texte signé Philippe Delvaux

Japon - 2017 - Sono Sion
Interprètes : Kaho, Shinnosuke Mitsushima, Ami Tomite, Megumi Kagurazaka, Yumi Adach

Le jour de ses 22 ans, Manami va se retrouver au cœur de l’affrontement de deux clans de vampires, les Dracula et les Corvin, qui s’opposent depuis des siècles. Mais tout ceci ne lui arrive peut-être pas par hasard…

TOKYO VAMPIRE HOTEL est une série en neuf épisodes, tournée par Sono Sion et diffusée sur Amazon. Mais le cinéaste en a aussi extrait un long métrage pour le circuit des festivals, qui a été programmé à l’Etrange festival 2017 et au BIFFF 2018. Etait-ce une bonne idée ?

On va immédiatement abattre les cartes : non. Avec sa nouvelle production, Sono Sion se gaufre dans les grandes largeurs.

Il n’est guère aisé de condenser en un long métrage un matériau qui se déploie sur de nombreux épisodes. L’exercice a régulièrement été tenté et n’est pas souvent probant. Le résultat se montre souvent bâtard : il coupe et ramasse trop pour se révéler compréhensible du néophyte, et n’offre que des redites à l’amateur de la série.

En l’espèce, nous ne jugerons pas ici de la seconde hypothèse, faute d’avoir déjà pu se confronter à la série, mais nous confirmons les problèmes de l’œuvre prise indépendamment.

En version « long métrage » (pas loin de deux heures et demi quand même), TOKYO VAMPIRE HOTEL souffre d’enjeux simplistes, de personnages abandonnés et de gros problèmes de rythme.

Personne n’en disconviendra, Sono Sion a livré d’authentiques chefs d’œuvre : HIMIZU, COLD FISH, GUILTY OF ROMANCE, STRANGE CIRCUS, et on en passe. Mais, depuis qu’il a accéléré la cadence, on voit poindre parfois des opus plus faibles. Certes, TOKYO TRIBE est une folie visuelle à la mise en scène enlevée, il n’empêche que son contenu restait parfaitement creux. Eh bien, c’est le même problème de TOKYO VAMPIRE HOTEL, si ce n’est que ce dernier ne peut pas le travestir derrière ladite mise en scène.

TOKYO VAMPIRE HOTEL recycle des formules de plusieurs œuvres précédentes : la direction artistique provient d’ANTIPORNO (il faut croire qu’il restait pas mal de bidons de peintures de couleurs primaires en stock à la Nikkatsu), l’héroïne qui passe la moitié du film à s’encourir perpétue la course de TAG (qui, elle, reposait au moins sur un signifiant) et l’interminable affrontement des clans ne fait guère que prolonger celui de WHY DON’ YOU PLAY IN HELL.

Et tout ça au service de quoi ? Une énième histoire d’affrontement entre deux clans de vampire pour contrôler le monde (lequel – attention SPOILER, passez à la phrase suivante si vous voulez vous garder la surprise – disparait soudainement dans un cataclysme parfaitement inexpliqué et absolument plus exploité par la suite : au final, il semblerait bien que le monde réapparaisse eu égard à la prise de contrôle de la Roumanie évoquée par un protagoniste). Bref, les vampires se tapent dessus, mais on s’en fout un peu. TOKYO VAMPIRE HOTEL est hélas donc de ces films vains, qui ne tablent que sur un spectacle visuel pour tenter de masquer leur absolue vacuité.

Mais tout cela pourrait à la rigueur passer si le spectacle délivrait ses promesses. Et le bât blesse à nouveau : En formule « long métrage », TOKYO VAMPIRE HOTEL souffre de graves problèmes d’écriture et de rythme. On construit des éléments de tension ou de narration dont la résolution est ensuite expédiée. D’autres idées restent trop peu exploitées, voire sont abandonnées en cours de route.

Enfin, et ce n’est pas le moindre des problèmes, le film opère en son milieu un changement d’axe. On suit de prime abord le calvaire de Manami, empêtrée malgré elle dans une guerre de vampire, puis dans une seconde partie, ce personnage passe à l’arrière-plan au profit d’une acolyte des vampires. Certes, il n’est pas interdit de procéder à ce type de changement, certains films reposent même sur de tels basculements. Mais ici, la bascule opère mal et l’effet se révèle peu probant. Le personnage de Manami n’a in fine quasi rien à offrir en dehors de son statut de victime, et les autres restent tout autant mal dégrossis.

Enfin, les codes culturels japonais se révèlent parfois un peu ridicules aux yeux occidentaux : « en guise de punition collective, vous avez 10 minutes pour former des couples et franchir la porte. » Non, sérieux ?

On le répète, nous n’avons ici donné notre avis que sur le long métrage issu de la série et peut-être celle-ci pourrait-elle offrir bien mieux que ce qui, en l’état, se révèle un ratage pour Sono Sion. Aux dubitatifs, on enfoncera le clou : présenté à une salle pleine de l’Etrange festival où Sono Sion est un quasi résident, devant un public conquis d’avance, TOKYO VAMPIRE HOTEL n’a recueilli que de forts parcimonieux applaudissements, timides, voire gênés. Allez Sono sans rancune, on te reverra l’année prochaine en meilleure forme !


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- Article rédigé par : Philippe Delvaux

- Ses films préférés : Marquis, C’est Arrivé Près De Chez Vous, Princesse Mononoke, Sacré Graal, Conan le Barbare


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