Tomié : Unlimited

Un texte signé Stéphane Bex

La jeune Tsukiko assiste impuissante à la mort accidentelle de sa sœur, la belle Tomié qu’elle jalouse en secret. Un an plus tard, la morte revient frapper à la porte de la maison, faisant comme si de rien n’était, et déclare vouloir mener de nouveau une vie normale. Mais rien ne va plus être vraiment comme avant.

Tomié est un personnage récurrent dans le folklore horrifique nippon, déployé sur grand ou petit écran (TOMIE, TOMIE : BEGINNING, TOMIE : REVENGE d’Oikawa en 1999 et 2005, TOMIE : REPLAY de Mitsiushi en 2000) et objet d’un manga à succès de Junji Itô publié entre 1987 et 2000. Les habituels fantômes aux longs cheveux noirs y sont écartés pour laisser place à une étrange jeune femme se déplaçant de ville en ville, manipulant ceux qui l’entourent et ne craignant même pas la mort. En 2011, Noboru Iguchi, l’auteur des délirants THE MACHINE GIRL (2008), ROBO-GEISHA (2009), MUTANT GIRL SQUAD (2010), DEAD SUSHI (2012), d’un sketch dans l’anthologie THE ABCs OF DEATH (2012) et du bien sale ZOMBIE ASS : THE TOILET OF THE DEAD (2011) s’attelle à rajouter un épisode à la saga, sous l’égide du label Sushi Typhoon fondé en 2010 et caractérisé par ses budgets minimes et son esprit foutraque autant que décomplexé.

TOMIE : UNLIMITED n’échappe pas à la règle et conserve les mêmes qualités que les précédents métrages d’Iguchi, sans pour autant en supprimer les défauts : recours généreux à un gore qui vient rappeler à la fois les expériences de Frank Henenlotter (BASKET CASE, FRANKENHOOKER) ou de Brian Yuzna (SOCIETY) mais effets numériques carrément ratés et problème de rythme en milieu de métrage.
S’appuyant largement sur quelques épisodes du manga, le film d’Iguchi choisit de se concentrer sur deux lieux principaux : la famille de la timide Tsukiko, étouffée par sa sœur, et le lycée dans lequel Tomié vient également effectuer son retour. La partie la plus réussie est sans conteste celle qui concerne le domaine familial où névrose et perversion sont reines. Moins cru sans doute mais plus jouissif que VISITOR Q de Miike, le film enchaîne les situations troublantes et les comportements déviants : punition et flagellation, lesbianisme incestueux, fétichisme de la chevelure, décapitation maternelle, démembrement d’un cadavre, Iguchi s’en donne à cœur joie pour dynamiter l’institution familiale et instaurer Tsukiko dans son rôle de martyre.
La partie centrale, consacrée au lycée, qui fait quelque peu songer à la saga de Freddy initiée par Craven manque en comparaison de l’intensité du huis-clos premier, manque dissimulé par l’énergie un peu exténuante avec laquelle Iguchi fait courir ses personnages. Le dernier acte, marqué par un retour familial, est plutôt réussi, livrant quelques clés psychologiques et s’ouvrant sur une réflexion méta-filmique qu vient éclairer le titre et autorise la saga à se poursuivre dans le futur.

S’il n’est pas le meilleur métrage d’Iguchi – on peut facilement lui préférer le plus graphique ROBO-GEISHA ou le plus délirant DEAD SUSHI -, TOMIE : UNLIMITED n’est pas à dédaigner et dépasse le niveau d’épisode d’une saga à succès. On retiendra particulièrement du métrage son introduction parodique, ponctuée par le loufoque sautillement d’un appareil photographique devenu autonome ou encore le leitmotiv de l’excroissance à l’épaule de Tomié, personnification loufoque et barrée de la némésis de l’héroïne. Bref, même si le film n’innove pas dans la body horror, il reste rafraîchissant, délicieusement idiot parfois et fleure bon la bisserie et le Z nippon sans entrave.


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- Article rédigé par : Stéphane Bex

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