Tomorrow At Seven

Un texte signé Vincent Trajan

Etats-Unis - 1933 - Ray Enright
Interprètes : Chester Morris, Vivienne Osborne, Frank McHugh, Allen Jenkins

Au début des années 30, après un début de carrière tonitruant, mené sur les chapeaux de roues (TRACKED BY THE POLICE, THE GIRL FROM CHICAGO, KID GLOVES, STOLEN KISSES…), le réalisateur Ray Enright se pose comme l’une de valeurs montantes du cinéma américain de l’après crise de 1929 – avec un goût prononcé pour la veine thriller / policier -, et ne cesse d’enchaîner projets sur projets.
Ainsi, fidèle à sa réputation de stakhanoviste du cinéma, l’homme mettra pour l’année 1933, pas moins de 4 films en boîte comme THE SILK EXPRESS ou BLONDIE JOHNSON. Parmi eux : TOMORROW AT SEVEN.
Né de la rencontre avec le talentueux Ralph Spencer (THE GORILLA), TOMORROW AT SEVEN relate les aventures de Neil Broderick (Chester Morris), un jeune écrivain parti sur les traces d’un mystérieux tueur qui a la particularité d’annoncer à ses victimes l’heure de leur mort, en utilisant un as de pique comme carte de visite. Son nom : The Black Ace (“L’As De Pique” en français).

Après le meurtre d’un notable en guise d’ouverture de TOMORROW AT SEVEN, Neil Broderick décide de se rendre dans la demeure d’un richissime industriel, Thorton Drake pour enquêter sur les agissements du mystérieux Black Ace et de le confondre. Au cours de son voyage en train, il y fait la rencontre de Martha Winters (Vivienne Osborne), la fille d’Austin Winters, le collaborateur direct de M. Drake. Arrivés sur les lieux, les deux héros se retrouvent vite confrontés à la menace de L’As de Pique…
En effet, ce dernier vient d’envoyer une de ses fameuses cartes à l’attention de Thorton Drake avec la mention “Demain à 19 heures” (“Tomorrow At Seven”). Il n’en fallait pas moins pour que la police entre en scène avec un duo d’inspecteurs aussi inefficaces qu’explosifs, Clancy (Frank McHugh) et Dugan (Allen Jenkins).
Pour donner du fil à retordre à ce tueur réputé infaillible (et ponctuel !), tous les protagonistes se décident à partir en avion. Après une coupure de courant inopinée à 19 h précises dans le cockpit, c’est avec stupéfaction qu’on découvre le corps… d’Austin Winters !
L’intrigue mise en place dès les premières minutes du film, le huis clos va vite se développer autour d’une seule et même question pour tous les protagonistes, sûrs que l’assassin est l’un d’eux : qui est donc Black Ace ?
C’est donc sur cet axe-là que va se construire le scénario du film, en mettant en avant une enquête policière riche en rebondissements et un climat de suspicion prégnant, typique au thriller de l’époque.

Cependant, malgré une intrigue bien ficelée et une ambiance en huis clos maîtrisée (le train, l’avion, la maison), les frasques des comiques Frank McHugh / Allen Jenkins prennent trop souvent le pas sur le suspense, si bien qu’à la longue, le duo d’inspecteurs relègue au second plan Chester Morris et Vivienne Osborne ! Et même si ce ressort humoristique était initialement prévu pour contrebalancer “le suspense insoutenable” mis en avant par l’ombre de Black Ace dans la grande demeure de Thornton Drake, il faut bien avouer qu’à force de galéjades TOMORROW AT SEVEN en perdrait presque son impact initial.
Ainsi, on sent un déséquilibre flagrant dans la tension dramatique du métrage entre les agissements d’un Black Ace insaisissable (la scène du meurtre dans l’avion), l’arrivée de nouveaux personnages inquiétants (le médecin légiste, la femme de ménage muette…) et les interventions burlesques de Clancy / Dugan qui cassent un peu la dynamique de l’intrigue. Et ce qui aurait pu être un film avec une ambiance pesante, s’avère être au final assez classique avec des parenthèses comiques parfois trop forcées (les scènes d’interrogatoires, les gestuelles appuyées…).
Mais qu’on ne s’y trompe pas : le schéma narratif de TOMORROW AT SEVEN lui, tient bien la route avec ses structures à tiroirs qui laissent entrevoir les côtés obscurs de certains personnages (dont celui du héro Neil Broderick) et ses nombreux retournements de situation (l’arrivée du vrai faux médecin légiste…) pour toujours capter l’attention du spectateur. La collaboration entre Ray Enright et Ralph Spencer tient donc dans l’ensemble toutes ses promesses en prenant la forme d’un métrage certes inégal, mais haut en couleur.

En définitive, même si le charme désuet de TOMORROW AT SEVEN ne peut pas rivaliser avec les réalisations alambiquées et nerveuses des thrillers actuels, force est de constater que ce petit film – qui a maintenant pas loin de 80 ans (!) – possède dans sa construction énormément d’éléments narratifs et de trames scénaristiques qui font encore école aujourd’hui…


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- Article rédigé par : Vincent Trajan

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