Lausanne Underground Film Festival 2010

Trash Humpers

Cérémonie de clôture de la neuvième édition du LUFF, 23 octobre 2010. Jörg Buttgereit, président du Jury, décerne le Grand Prix du festival à ce qu’il considère comme le seul film réellement underground de la sélection. Tourné en VHS, dotée d’une image pourrie et allant à l’encontre de toutes les conventions hollywoodiennes, TRASH HUMPERS ressemble à un paquet de merde, et a bien été reçu comme tel par le public. Voilà des propos assez déconcertants de la part du réalisateur de NEKROMANTIK, mais il faut pourtant avouer qu’ils sont totalement appropriés à la nouvelle provocation filmique qui semble donc avoir été déféquée par Harmony Korine.
L’idée du film provient des souvenirs d’enfance du réalisateur, lorsqu’il contemplait les restes de poubelles éventrées, jonchant les voies publiques de Nashville, Tennessee. De plus, il lui arrivait de croiser régulièrement des vieux pervers qui rodaient dans son voisinage. Combinant ses deux éléments, TRASH HUMPERS détaille l’errance d’une bande de vieillards qui trompent leur ennui en baisant des poubelles, en se frottant contre des arbres ou des poteaux, et en se livrant à des actes de destruction aussi vains que gratuits, quand ils ne se contentent pas de répéter en boucle les mêmes phrases.
Alors, TRASH HUMPERS film poubelle reflet d’une société creuse, sublime expérimentation formelle masturbatoire, ou film culte en devenir ?
Avec un concept aussi simpliste, on pouvait craindre un essoufflement très rapide et une répétition fastidieuse des situations. Pourtant, le film n’est pas aussi ennuyeux, ni même aussi trash, que les quelques lignes de résumé le laissaient entrevoir. Certes, TRASH HUMPERS tourne en rond dans la mesure où il n’y a pas d’intrigue et l’on a bien l’impression de revoir toujours les mêmes séquences. Mais en fait, le film tourne sur lui-même à la manière d’une spirale qui, en resserrant toujours plus son étreinte, finit par éliminer progressivement ses protagonistes jusqu’à ne plus se focaliser que sur un seul, sans pour autant tenter d’apporter plus d’explications sur leurs motivations.
Très loin des normes visuelles du cinéma actuel avec ses images cristallines, TRASH HUMPERS a été tourné et monté en VHS, sans tentative pour améliorer le rendu vidéo dégueulasse lié à un tournage de nuit, à la lueur blafarde de l’éclairage public. Mais son aspect très daté années 80 n’en fait pas pour autant un film passéiste. Bien au contraire, il s’ancre parfaitement dans notre époque et ne se distingue pas énormément des milliers de vidéos sans intérêt disponibles sur le net. Assez proche, mais dans un esprit fictionnel, du concept de Jackass, le film peut aisément se découper en séquences et supporter une vision en épisodes : il n’est pas plus gênant de manquer le début que de le quitter au bout d’un quart d’heure. Bref, l’intérêt du film est plus que limité et sa vision complète totalement facultative, voire même déconseillée au plus grand nombre.
Génie pour les uns, provocateur sans talent pour les autres, Harmony Korine, figure majeure du cinéma indépendant américain, scénariste pour Larry Clark (KIDS, KEN PARK) et réalisateur des controversés GUMMO et JULIAN DONKEY-BOY, signe avec son quatrième long métrage une nouvelle œuvre dérangeante dont l’intérêt est proche de zéro. Paradoxalement, le film se propage dans les festivals, ricochant dans la presse, permettant à chacun d’éructer rapidement son dégoût ou d’y aller de sa logorrhée. Destiné à rester dans la confidentialité, TRASH HUMPERS est le genre de film dont on va beaucoup parler, mais que peu de gens iront voir, ce qui n’est pas forcément un mal, à moins que…

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