Triangle

Un texte signé Vincent Trajan

Royaume-Uni - 2011 - Christopher Smith
Interprètes : Melissa George, Joshua McIvor, Jack Taylor, Rachael Carpani, Michael Dorman

Décidemment, ce bon vieux Christopher Smith est en plein forme en ce moment. Après être entré par la grande porte du cinéma horrifique avec des petits films sans prétention mais bourrés de bonnes idées comme CREEP ou SEVERANCE, l’anglais a réussi un joli coup l’année dernière avec son terrible BLACK DEATH qui a mis tout le monde d’accord (on a pu voir le long métrage à l’affiche du Fantasia Festival de 2010 ou du Festival du Film Britannique de Dinard). Fort du véritable engouement (mérité) autour de Christopher Smith, il n’en fallait pas moins pour que (res)sorte son film, TRIANGLE, initialement mis en boîte en 2009 pour le marché du direct-to-Dvd.

Le pitch est assez simple : Jess (Melissa George), une mère célibataire, est invitée sur un voilier par des amis. Pris par une tempête aussi soudaine que violente (le grain blanc), l’équipage se retrouvera vite en totale perdition. C’est alors qu’une immense croisière apparaît pour sauver les naufragés, mais ce qui semblait être un paquebot salvateur va s’avérer être un bateau fantôme, sans équipage…
Fort de ce fil conducteur aussi étrange qu’accrocheur, Christopher Smith va mettre sur pied un habile scenario à la fois complexe et cohérent qui va réussir à dépasser de la tête et des épaules pas mal de productions du genre, aux budgets plus élevés que la sienne (UN CRI DANS L’OCEAN, LE VAISSEAU DE L’ANGOISSE…).

C’est sûr, on va vite s’apercevoir que TRIANGLE pêche parfois par un manque de moyens financiers évident (notamment dans les effets CGI), et ce qui aurait pu plomber définitivement la bobine va en fait se trouver transcendé par un récit au cordeau et des interprétations toujours justes. L’équipe du film va reprendre à son compte cet « handicap » financier, pour mettre en avant les différents personnages du film, et interagir avec le personnage principal, interprété par une Melissa George impeccable.
De plus, Christopher Smith aura la bonne idée de rendre hommage à des films influents comme SHINING (la cabine n°247, les motifs géométriques sur les murs et les tapis, les déplacements dans les couloirs, la déco des années 20 de la croisière…), MEMENTO, ou UN JOUR SANS FIN et ce, sans jamais tomber dans le plagiat ou la facilité. Mieux encore : l’homme va se permettre de mettre une patte très personnelle dans son film (notamment dans les cadrages et les ambiances à la limite de la claustrophobie) et entreprendre d’articuler chaque scène en fonction de la psyché de Jess. Audacieux, hein ?
Ainsi, les actions dans les différentes arcanes du paquebot reflèteront l’état d’esprit du personnage principal (la machinerie du bateau pour les crises d’angoisse, le pont pour l’espoir, les voilures blanches pour le rêve…), si bien que le bateau deviendra presque un personnage à part entière de TRIANGLE. Un tour de force s’il en est.

Conscient que la trame générale du film est assez casse-gueule sur le long terme, Christopher Smith va intelligemment dépasser le cadre de son sujet et habilement amener le spectateur dans un univers aux multiples facettes, avec un jeu de miroir – au sens propre comme au figuré – bien ficelé qui va amener à une question simple (et si difficile à la fois) : peut-on échapper à sa destinée ? L’ombre de la série LOST plane parfois au dessus de nos têtes…
A partir de ce moment-là, TRIANGLE va prendre une nouvelle tournure (« une nouvelle boucle » apprendra t-on dans le making-of) et permettre au personnage de Jess de gagner en intensité et nous dévoiler une personnalité très complexe et ô combien fascinante…
Et c’est d’ailleurs là que va se trouver toute l’intelligence d’un récit qui nous tiendra en haleine durant 1h40 !
On sent que malgré le petit budget alloué à la production (le montage financier et les galères de tournage ont bien failli avoir raison du film), l’équipe a su privilégier la qualité de son histoire et de ses personnages pour nous servir un métrage de qualité et rudement bien amené (on pense souvent à MEMENTO) qui ne souffre d’aucun défaut majeur.
Au final, la réussite est totale. Tout simplement…

Avec ce film, Christopher Smith se pose une fois de plus comme l’un des fers de lance du cinéma anglais et (dé)montre un savoir faire indéniable. Tout comme BLACK DEATH, TRIANGLE permet à ce réalisateur plein de talent de s’ouvrir de nouveaux champs d’action cinématographique et de présenter un nouveau visage à chacun de ses films tout en gardant une forte personnalité. Et ça mesdames et messieurs, ça s’appelle le talent…


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- Article rédigé par : Vincent Trajan

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