Tuer n’est pas jouer
Etats-Unis - 1965 - William Castle
Titres alternatifs : I saw what you did
Deux adolescentes gardent la petite sœur de l’une d’elles une nuit où leurs parents s’absentent. Les trois jeunes filles s’adonnent à un canular consistant à appeler des inconnus dont elles auront pioché le numéro dans l’annuaire en susurant « Je sais ce que tu as fait. » Pas de chance pour elles, les adolescentes se retrouvent impliquées dans une sordide histoire de meurtre. Le meurtrier persuadé d’avoir affaire à des témoins gênant va alors tout faire pour retrouver les adolescentes qui bien sûr ignorent tout du danger qu’elles encourent.
TUER N’EST PAS JOUER est sans peut-être une mauvaise idée de titre puisqu’un James Bond porte déjà ce titre. Le titre original est bien plus inquiétant puisqu’il s’agit de I SAW WHAT YOU DID. Autrement dit exactement la phrase que prononce l’adolescente au téléphone qui attire sur elle le tueur. Un titre inquiétant qui s’accompagne d’une affiche vendant un thriller horrifique.
Le film est réalisé en 1965 par William Castle. Ce dernier est connu pour avoir réalisé LA NUIT DE TOUS LES MYSTÈRES (encore une piètre traduction de ) HOUSE OF HAUNTED HILL. Ancien forain, William Castle a toujours eu le souci de donner au spectateur des sensations fortes, de l’effrayer par des effets parfois dignes de l’attraction foraines. Ainsi des squelettes accrochés au plafond tombaient sur les spectateurs en plein milieu de la projection de ses films par exemple. Pour I SAW WHAT YOU DID il proposait d’interviewer les spectateurs à la sortie de l’avant-première. Il est amusant de constater que cette pratique est très répandue aujourd’hui.
Au casting on retrouve Joan Crawford en fin de carrière, toujours aussi magnétique en vamp prête à tout pour obtenir l’homme qu’elle désire y compris jeter une adolescente en pâture à un tueur. Cette ancienne gloire de l’age d’or Hollywoodien a fini sa carrière avec de nombreuses séries B sur fond de polar, le film resté en mémoire de cette période de sa carrière étant QU’EST-IL ARRIVÉ À BABY JANE, film culte qui la confrontait à son éternelle ennemie, Bette Davis. L’homme de ses désirs dans TUER N’EST PAS JOUER n’est certes pas un prince charmant, au contraire, c’est un homme violent envers les femmes qui n’a visiblement aucun désir pour la pauvre Joan Crawford qui n’en laissera démordre pour autant. Le rôle de l’époux violent interprété par John Ireland qui parvient à séduire les femmes en dépit du danger qu’il représente. Ancien de Broadway, John Ireland a joué pour l’essentiel de sa carrière dans des westerns et des films d’aventures avant de se lancer dans les années 50 dans la mise en scène.
Face à ces deux poids lourds du cinéma hollywoodien, les adolescentes sont jouées par des jeunes premières qui ne connaîtront pas de carrière notable. Andi Garrett incarnant la jeune Libby Mannering est pourtant superbe dans son incarnation de la terrible jeune ingénue. Captivante par son regard pétillant, elle a le charme d’une mini Audrey Hepburn mais ne connaîtra cependant jamais sa carrière.
Pur thriller à l’atmosphère sombre, le film met en lumière les pulsions violentes d’un homme qui pour chercher à masquer son crime n’aura de cesse d’essayer d’en commettre d’autres. Cette machinerie funeste est assez classique dans le film noir. Elle a cependant cette originalité de lorgner du côté du slasher. En effet, les héroïnes sont deux adolescentes qui au lieu de garder la petite fille, jouent à un jeu dangereux. On y retrouve la morale du slasher, car, leur désinvolture attire à elles un tueur impitoyable et dangereux. Et puis il y a la mécanique macabre du slasher avec un enchaînement de meurtres aussi gratuits que cruels, comme celui de cette pauvre épouse ou encore celui de la voisine. Ces meurtres n’étant là que pour accentuer la notion de danger, comme dans l’ouverture d’un slasher ! Et comme dans les slashers, le film suit le point de vue d’adolescentes, y amenant leur légèreté, leur insouciance en opposition à la froideur mortelle du tueur.
Ce mélange des genres (le slasher et le film noir) détonnant n’est finalement pas si étonnant de la part de son réalisateur. Celui-ci étant connu pour son humour macabre, son amour pour les effets dramatiques et les retournements de situation rocambolesque. Et bien qu’on retrouve tout cela dans le film, on y trouve également un regard presque cynique sur les rapports entre les hommes et les femmes qui était déjà présent dans LA NUIT DE TOUS LES MYSTÈRES.
Ainsi on retrouve la thématique de la jalousie chère à William Castle qui en avait fait le thème principal de LA NUIT DE TOUS LES MYSTERES. Dans ce film s’opposent deux époux en plein conflit faisant subir les conséquences de celui-ci à leur entourage. Dans TUER N’EST PAS JOUER, c’est la jalousie de la femme campée par Joan Crawford qui va provoquer une grande partie du drame, c’est aussi la jalousie maladive du tueur qui va le pousser à tuer son épouse. En somme, chez Castle les histoires d’amour finissent généralement mal.
Intéressant par son mélange des genres et la manière dont le film place des adolescentes dans le rôle-titre du film, TUER N’EST PAS JOUER préfigure la mode des slashers à venir. En lui-même, le film manque de subtilité, notamment dans sa manière de décrire ses personnages qui restent très caricaturaux. Néanmoins, il reste une excellente série B à la fois divertissante et intéressante dans ce qu’elle raconte de l’histoire du cinéma et de comment le cinéma hollywoodien s’est intéressé aux adolescents avant de leur donner, dans les années 70, des rôles de premier plan.
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- Article rédigé par : Sophie Schweitzer
- Ses films préférés : Le bon, La brute et le Truand, Suspiria, Mulholland Drive, Les yeux sans visage, L'au-delà