Tunnel Rats

Un texte signé Frédéric Pizzoferrato

Allemagne, Canada - 2008 - Uwe Boll
Titres alternatifs : 1968 - Tunnel Rats
Interprètes : Michael Paré, Wilson Bethel, Mitch Eakins, Erik Eidem, Jane Le

Cinéaste bien connu des « forumers » d’Internet, l’Allemand Uwe Boll s’est gagné une réputation de tâcheron en réalisant une série d’adaptations de jeux vidéo à la notoriété désastreuse. Pourtant, l’acharnement envers Boll relève davantage du phénomène de mode que d’une véritable objectivité car ses premiers métrages, pour fauchés et stupides qu’ils soient, ne méritent pas une telle haine. Après HOUSE OF THE DEAD, ALONE IN THE DARK, BLOODRAYNE, FAR CRY et autre IN THE NAME OF THE KING, le réalisateur comprit toutefois qu’il devait changer son fusil d’épaule et arrêter d’adapter (ou massacrer) la moindre franchise vidéo ludique à sa disposition. Boll livra donc le très bête et méchant POSTAL, l’excellent drame carcéral STOIC et ce TUNNEL RATS qui le voit se frotter à un des sujets les plus bateau du cinéma américain, à savoir la guerre du Viet Nam. On pouvait craindre le pire (une guerre filmée à la manière, justement, d’un « shoot ‘em up ») ou simplement une relecture barbare d’un quelconque sous-RAMBO…il n’en est rien, TUNNEL RATS se révélant un drame guerrier à la fois sobre, violent et solide.
L’intrigue se déroule en 1968 dans la jungle de Cu Chi. Un sergent dur à cuire nommé Hollowborn (joué par Michael Paré, jadis étoile montante du divertissement avec LES RUES DE FEU ou PHILADELPHIA EXPERIMENT ensuite reconverti dans le bis et acteur fétiche de Uwe Boll qui le caste dans chacune de ses productions) reçoit pour mission de nettoyer un réseau de tunnels souterrains creusés par les Vietcong. Ces derniers les utilisent pour se déplacer et commettre des raids meurtriers à l’encontre des soldats américains. Sous le sol de la jungle va rapidement se dérouler une guérilla meurtrière dont peu reviendront vivant.
TUNNEL RATS démontre les progrès accomplis par Uwe Boll, capable, lorsqu’il est motivé, de torcher un métrage tout à fait honnête et de belle facture. La première moitié du film confronte les militaires à leur nouvel environnement, alors qu’ils sont jeunes et plein de rêves. Leur seul souhait est de rentrer chez eux pour réaliser leurs ambitions mais ils se trouvent catapultés dans une guerre absurde où ils ont toutes les malchances de mourir sans gloire, oubliés de tous au fond d’une jungle humide et inhospitalière. Uwe Boll, classiquement, présente donc ses différents protagonistes, sans éviter certains clichés mais avec une sincérité notable, en mettant l’accent sur la bêtise de la guerre. Contrairement aux grosses productions épiques tournées sur le même sujet (de APOCALYPSE NOW à RAMBO II en passant par PLATOON et FULL METAL JACKET), l’œuvre de Boll se focalise sur des scènes de la vie quotidienne et sur quelques escarmouches sans importance pour le cours de l’Histoire mais où des dizaines de jeunes gens perdront la vie. Même si il se place résolument du côté des soldats américains, le cinéaste s’invite aussi dans le camp Vietcong et transforme les soldats ennemis en êtres humains authentiques, ayant également leurs histoires, leurs rêves et leur haine. On retrouve davantage, dans cette description des horreurs de la guerre, la hargne de LETTRES D’IWO JIMA ou du OUTRAGES de DePalma, que l’iconographie hollywoodienne classique à base d’hélicoptère et de napalm. Une belle surprise de la part d’un Boll qu’on n’imaginait pas aussi nuancé. La conclusion, dépressive et anti-spectaculaire, résume à elle seule toute l’absurdité des conflits armés et achève le métrage sur un note poignante laissant la part belle à l’émotion. Notons aussi la réussite d’une bande sonore efficace ponctuée de quelques hits rétro comme l’imparable « In The Year 2525 » de Zager et Evans utilisé lors du générique de début.
Adoptant un rythme assez lent, TUNNEL RATS se veut inconfortable, pessimiste et non spectaculaire, refusant les actes héroïques et les scènes d’action « bigger than life » au profit d’une tonalité grave et émouvante. Même sa violence gore, dans laquelle Boll aurait pu se complaire, reste sèche et déplaisante, démontrant une fois de plus la futilité de la guerre où les notions d’humanité et d’héroïsme disparaissent pour laisser place à la barbarie des meurtres, viols et autres exécutions sommaires.
En résumé une œuvre de qualité, non dénuée de défauts, mais prenante et redoutablement efficace. Une jolie surprise à ne pas manquer, même pour les détracteurs du cinéaste qui pourraient être agréablement surpris.


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- Article rédigé par : Frédéric Pizzoferrato

- Ses films préférés : Edward aux Mains d’Argent, Rocky Horror Picture Show, Le Seigneur des Anneaux, Evil Dead, The Killer


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