Turbo kid

Un texte signé Philippe Delvaux

Dans un monde post apocalyptique désormais retourné à la barbarie et soumis à la loi du plus fort, un adolescent tente de survivre dans une contrée régie par l’infâme Zeus et ses sbires. Après sa rencontre avec une étrange jeune fille, Apple, et un aventurier, il tentera de venger la mort de ses parents, assassinés par Zeus.

Le post apocalyptique a toujours été le refuge des petits budgets. Dans la foulée de MAD MAX, les italiens ont tenté nombre de démarquages désargentés, pour un résultat sombrant souvent dans le Z, au rang desquels on citera le TEXAS GLADIATOR de Joe d’Amato. Ce dernier propose en effet certains points communs avec TURBO KID : minimalisme des décors et accessoires pour mieux épargner un budget famélique.

Turbo Kid grandit ainsi dans une contrée dévastée qui a tout du terrain vague, de la déchetterie locale et de l’usine abandonnée. Soit le terrain de jeux parfait du post apo lambda.

TURBO KID fait partie de cette mouvance de péloches tournées vers le passé du cinéma. Une tendance lourde qui déborde le 7e art et contamine les arts populaires des années 2000. Le secteur musical est ainsi déjà englué depuis des années dans une mythification de son passé, et spécialement des années ’80. Et toute une frange du cinéma, spécialement celui de genre, lui a emboité le pas, soit en remakant tout ce qu’il était possible de « mettre à jour », soit en livrant des œuvres ouvertement référentielles. On ne listera pas tout ici, un ouvrage spécialisé n’y suffirait pas, mais on citera quand même le DOOMSDAY de Neil Marshall, qui oeuvrait dans le même type d’univers avec, certes, nettement plus de moyens et d’ambition.

Ici, le référent est presque plutôt le sketch « Bioman » des Inconnus. Soit un décalage assumé, qui se rit de bon cœur des approximations des oeuvrettes qu’il pastiche. Pas de dénigrement ici pourtant, car on sent les auteurs amoureux du genre, de leur sujet et de leur traitement. Mais, pas dupes, ils assument le côté nanardesque des post apo qu’ils revisitent et nous en offrent une vision parfois loufoque. Ainsi de cette idée qui aurait pu se révéler casse-gueule, mais qui s’avère au final excellente, de remplacer les auto customisées d’un MAD MAX par… des vélos. Après tout, dans un monde dénué désormais d’essence, quoi de plus logique ?

L’autre bonne idée, c’est celle de l’héroïne du récit, personnage étrange, fantasque et surtout mutine. Apple ne renvoie pas qu’à la pomme de discorde d’Eve. En milieu de métrage, son prénom fera évidence en raison d’une révélation scénaristique bien trouvée.

La déférence aux années ’80 se marque encore avec le choix de confier le rôle principal à un adolescent plutôt qu’à un condensé de virilité burinée. On se situe dès lors dans un univers à la Amblin, lequel a aussi connu un revival ces derniers temps. Enfin, le side-kick des héros, l’aventurier tanné par le soleil n’est pas sans évoque un avatar d’Indiana Jones. N’en jetez plus, on a bien compris vers quelle époque portait le cœur des auteurs. Et ça fonctionne parfaitement, et bien entendu plus encore auprès de la frange du public qui a connu l’époque des originaux et pour lequel TURBO KID agit à la manière d’une madeleine de Proust.

TURBO KID est une comédie et réussit parfaitement son coup : on rit des péripéties, de la loufoquerie et de l’appareil référentiel. Il n’oublie cependant pas le volet aventure, qu’il épice d’une louche de violence convenablement graphique. Un post apo sans bras tranchés et autres joyeusetés perd de son sel !

TURBO KID est lié au Brussel International Fantastic Film Festival puisque c’est son marché de coproduction « Frontière » qui a permis la rencontre des auteurs et producteurs, tandis que le 33e BIFFF en programmait le résultat, lequel a mis le feu à l’audience qui n’en demandait pas tant. Un potentiel prix du public, qui fut cependant coiffé par une autre comédie elle aussi décalée et référentielle : LIZZA, THE FOX FAIRY. Et en septembre, TURBO KID ouvrait la Nuit de l’Etrange festival 2015.

Retrouvez nos chroniques du BIFFF 2015


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- Article rédigé par : Philippe Delvaux

- Ses films préférés : Marquis, C’est Arrivé Près De Chez Vous, Princesse Mononoke, Sacré Graal, Conan le Barbare

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