Un texte signé Frédéric Pizzoferrato

Italie, Espagne - 1968 - Rafael Romero Marchent
Titres alternatifs : Uno a uno sin piedad
Interprètes : Peter Lee Lawrence, Guglielmo Spoletini, Dyanik Zurakowska, Eduardo Fajardo

retrospective

Un par un sans pitié

Petit western linéaire et sans prétention, UN PAR UN SANS PITIE déroule une intrigue très simple et prévisible basée, comme souvent, sur la vengeance.
Durant la guerre de Sécession, le colonel Grayson est assassiné par quatre de ses hommes qui s’emparent d’une forte somme d’argent et laissent pour mort un Mexicain nommé Charro. Ce-dernier survit à ses blessures mais échoue en prison durant plusieurs années. A sa sortie, il rencontre le fils du colonel, Bill Grayson, décidé à se venger des meurtriers de son paternel. Charro et Bill suivent donc la piste de chacun d’eux, à présent des notables installés à des postes haut placés, et les éliminent méthodiquement. Une relation quasi filiale s’établit entre les deux hommes mais une forte somme d’argent ne va-t-elle pas les séparer ?
D’une durée réduite (à peine 80 minutes), UN PAR UN SANS PITIE ne cherche guère à complexifier une trame narrative prévisible même si le métrage se permet un twist final surprenant. Regrettons quand même la gratuité de ce retournement de situation que rien ne laisse présager. L’essentiel du récit consiste en la recherche et l’exécution des quatre criminels, devenus banquier, propriétaire de saloon, etc. A peine caractérisés, nos « méchants » n’ont droit qu’à une brève présentation et quelques lignes de dialogues avant d’être abattu par le héros, joué par Peter Lee Lawrence. Acteur bien connu des amateurs de spagh’, l’Allemand Peter Lee Lawrence (de son vrai nom Karl Hirenbach) est apparu dans 29 long-métrages, principalement des westerns italo-espagnols comme LES JOURS DE LA VIOLENCE, QUI A TUE FANNY HAND ? et bien sûr le fameux SABATA. L’acteur se suicida en 1974, alors qu’il n’avait que 29 ans. Ici, malheureusement, Peter Lee Lawrence ne parait pas vraiment concerné par son rôle et se montre un peu fade même si son charisme sauve les meubles. Guglielmo Spoletini (alias William Bogart) se révèle pour sa part plus convaincant en Mexicain macho, tiré à quatre épingles, bon vivant et fumant le cigare avec délectation. Sydney Chaplin, le fils de Charlot en personne, apparaît dans une séquence au départ intéressante mais expédiée de décevante manière. En effet, nos deux vengeurs se rendent chez Chaplin, un banquier, alors que celui-ci s’apprête à célébrer ses noces et l’abattent au terme d’une ruse ayant failli mal tourner. UN PAR UN SANS PITIE développe durant 4 ou 5 minutes une sous-intrigue impliquant la future épouse de Chaplin, pas vraiment satisfaite de son mariage, et l’on s’attend à ce que tout cela ait de futures répercussions mais que nenni, on n’en parlera plus du tout ! On sent là clairement les limites d’un métrage probablement écrit et réalisé trop hâtivement pour pouvoir vraiment se démarquer des trop nombreux westerns sortis à la même période.
La mise en scène de Rafael Romero Marchent (AU DELA DE LA HAINE, GARRINGO) se montre, elle, appliquée et professionnelle, sans génie mais avec quelques jolies idées comme l’attaque d’un saloon transformé en véritable forteresse. Si la réalisation de UN PAR UN SANS PITIE ne se hisse pas vraiment au-dessus du tout venant, au moins ne ressent on pas la moindre impression de bâclage, ce qui n’est déjà pas si mal.
L’essentiel réside dans le rythme, soutenu, et l’humour apparaissant parfois au détour d’un métrage globalement dramatique, noir et amoral. Les clichés du spagh’ répondent présents, comme l’abondance de gros plans et ce passage d’une main sortant de la tombe à la manière d’un film d’épouvante gothique mais on retrouve aussi dans UN PAR UN SANS PITIE les péripéties habituelles des séries B américaines. Poursuite de diligence, bagarre de saloon, duel contre un tueur à gages vêtu de noir et armé de deux six-coups, scène de séduction expéditive de belles damoiselles tombant dans les bras virils de notre fougueux justicier, attaque de serpent ou de scorpions,…Les éléments indispensables à un western divertissant s’enchainent avec une belle énergie, quitte à ce que le scénario se permette des ellipses surprenantes ou s’accommode de trou béants, sacrifiant les développement au profit d’une cadence répide. La musique, assez originale, ne colle pas toujours très bien aux images mais reste agréable et change des partitions habituellement utilisées dans le western italien.

En dépit de ses faiblesses UN PAR UN SANS PITIE constitue un honnête divertissement saupoudré d’humour et d’une pincée de violences. Sa faible durée et son rythme alerte, associé à l’immoralité de son coup de théâtre et le charisme de ses interprètes, en font un plat très recommandable pour les affamés de western à l’italienne. Lesquels éviteront toutefois l’imbuvable version française au doublage atroce pour se tourner vers la piste originale, bien plus convaincante.


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- Article rédigé par : Frédéric Pizzoferrato

- Ses films préférés : Edward aux Mains d’Argent, Rocky Horror Picture Show, Le Seigneur des Anneaux, Evil Dead, The Killer

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