retrospective

Un Tueur Nommé Luke

Un alcoolique (Luke Askew) est engagé pour assassiner une personne dont on convoite l’héritage. Ce qu’il ne sait pas, c’est qu’il s’agit d’un enfant, comme celui qu’il a perdu lors d’un pari stupide.
Les anti-héros alcooliques du western, américain et européen, sont nombreux. Citons ceux des petits CHEVAUCHE ET TUE/POUR UN WHISKY DE PLUS et KIDNAPPING ou celui de EL PURO LA RANCON EST A TOI de E. Mulargia, inoubliable quant à lui par sa noirceur extrême. Aux USA, les classiques de Howard Hawks RIO BRAVO et EL DORADO comportent aussi de célèbres personnages de ce type.
UN TUEUR NOMME LUKE traite donc d’un thème récurrent, qui n’a rien de bouleversant. Mais, on le sait depuis LA MORT ETAIT AU RENDEZ-VOUS (sans doute trop tributaire de Sergio Leone cependant), Giulio Petroni n’est pas un manchot. Et son traitement fait toute la différence. Ce, dès le scénario, passionnant. Petroni signe même là son meilleur film.
Tout d’abord parce que le personnage de Luke est vraiment intéressant. Sorte de clochard méprisé par une bande de Mexicains, épave hantée par l’un des passés les plus sombres du genre tout entier, Luke bénéficie aussi du physique particulier de Luke Askew. Pour une fois on n’a pas droit à un beau gosse mal rasé. Askew est laid, trop blond, sans charisme particulier. Un homme normal pourrait-on dire. Dans la première partie du film, il n’est même plus bon tireur –même si l’on se doute que cela ne durera pas. Son passé perçu à travers de nombreux flash-backs est terrifiant puisque, en proie à l’ivresse, il a tué son propre fils d’une balle en pleine tête lors d’un défi imbécile à la Guillaume Tell. Ce n’est donc pas ce drame qui l’a fait plonger dans l’alcool, mais bien l’alcool qui est responsable de tous ses malheurs. Luke est un coupable dépressif, détruit par les regrets et par son vice. Au début du film, il n’est qu’une ruine prête à tout pour se payer de l’acool. A la fin, il est redevenu un homme, avec sa dignité et sa morale. UN TUEUR NOMME LUKE conte donc l’histoire d’une rédemption.
La scène où il découvre l’identité de celui qu’il doit tuer est réussie. C’est une très bonne idée de scénario. Les méchants du western spaghetti sont prêts à tout pour des raisons bassement matérielles, même à faire descendre un enfant comme ici. On se souvient de la stupeur d’Henry Fonda lorsque Leone lui proposa son rôle de IL ETAIT UNE FOIS DANS L’OUEST où dès son entrée en scène il exécutait froidement un gamin.
Parmi les méchants, du beau monde : l’excellent et très classe Luigi Pistilli en militaire corrompu, la bestiale et sensuelle Chelo Alonso en prostituée et l’efficace William Bogard en chef des Mexicains.
La mère de l’enfant, qui sait toucher le coeur de Luke sans doute autant que son fiston, n’est autre que la magnifique Magda SATANIK Konopka. Toujours un ravissement de voir cette charmante créature,même si on la préfèrera évidemment dans le film de Piero Vivarelli où elle est vraiment renversante. Dommage qu’elle n’ait pas connu une carrière plus importante.
Riz Ortolani fait dans la musique d’inspiration hispanisante ; son seul nom est gage de qualité.
Tout comme celui de Giulio Petroni à la réalisation très soignée, tout en sobriété. A bien y réfléchir, il n’a jamais fait, techniquement, de petit western, même si son Providence est certainement mineur quant au fond.
UN TUEUR NOMME LUKE a tout pour plaire : un héros différent, des victimes attachantes et une belle brochette d’ordures à massacrer.

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