Un Week-end au NIFFF pour fuir le soleil puis la pluie

SAMEDI – DIMANCHE

Pour le commun des mortels, ce premier samedi de juillet est surtout apprécié comme le retour du soleil après une sérieuse série de jours pourris. Pour les festivaliers, c’est la venue imminente du fruit d’une année de travail lâché en pâture en une demi-journée. Une pensée aux organisateurs qui voient l’entier de leur labeur s’évanouir dans le tumulte d’un week-end très attendu.
Loin de l’effervescence qui agite les bureaux de presse et les techniciens, je m’enfonce en tout début d’après-midi dans la salle de l’Appolo3 pour découvrir la face cachée du cinéma coréen. Le documentaire d’Yves Montmayeur, LES ENRAGES DU CINEMA COREEN, apporte un regard instructif sur ce cinéma bien plus subtil qu’il n’y paraît. Il dévoile au travers d’interviews de grands réalisateurs comment se sont tissées les subtiles relations entre le cinéma de genre et les dénonciations politiques. L’héritage historique n’est jamais oublié, même dans le plus enlevé des films d’actions. Alors que d’autres ont choisi de se cloîtrer pour une vision complète de Master of Horror II – tout de même cinq heures de projection – j’en profite pour discuter et flâner dans les alentours directs du festival. Tailler une bavette, compulser son catalogue, tremper ses lèvres dans une mousse bien fraîche, dévisager les habitués de la cantine à la recherche d’une tête célèbre : bref le lot bien agréable du festivalier lambda. La reprise est attendue; YOU THE LIVING, déjà projeté jeudi soir, attise la curiosité. La nouvelle création de Roy Andersson rappelle tout de suite son premier coup de maître. Même trop. Et si chaque tableau de la première moitié de cette œuvre frise la perfection, on en vient ensuite à regretter la mise en forme radicale de SONGS FROM THE SECOND FLOOR. Malgré tout, son style sans faille séduit et marque. Un tout grand moment du festival vient de se dérouler. A la grisaille travaillée d’une Suède à l’antipode d’un catalogue Ikea, s’oppose la comédie DASEPO NAUGHTY GIRLS. Le virage à cent quatre-vingt degrés s’opère sans douleur. Une salle ravie par de régulières références au folklore suisse n’en peut plus d’applaudir et de se bidonner. Début fracassant pour les collégiennes dans un déluge de couleur et de ballets. Fidèles à leurs tics asiatiques, les héros ne sauront pas être que fous. Famille et légère mise en cause du système social embourberont ce film coréen dans une fin confuse. Ne boudons pas notre plaisir. D’autant plus que la suite s’annonce plutôt fun. Direction la Grand Place pour un premier open air. Au pas de course car les Master of Horror II et leur gargantuesque appétit ont fait prendre du retard aux organisateurs. Ce déplacement au pas de charge est parfaitement dans le ton de ce qui nous attend. La fine équipe de SHAUN OF THE DEAD présente HOT FUZZ. Attention top chrono : deux heures d’action et de comédies non-stop. Voulant savourer le vilain plaisir de fumer en assistant à une projection, j’ai dû louper cinq répliques au bas mot en laissant aller mes yeux vers le papier à rouler. HOT FUZZ, c’est de l’intensif pur jus. Le sans faute d’un team professionnel. Une comédie oui, mais qui ne prête le flan à aucune critique. Le retour vers les salles se fait bien plus calmement, saoûlé par les hyperactifs britishs. Les Pakistanais auront l’honneur de notre dernière séance. Bien vendu, il n’y avait plus de billets pour les accrédités avant l’ouverture des bureaux le matin même. Bien vendu, trop bien pour tout dire. Histoire de zombies sans grand intérêt, HELL’S GROUND ne séduit pas. Les grandes envolées imaginatives typiques de ces productions fauchées font défaut, hélas. Finalement, j’aurais mieux fait de me rendre au classique FLESH FOR FRANKENSTEIN qui passait en relief un étage plus haut. Mais que serait un festival sans le plaisir de faire le mauvais choix lors de l’épluchage fébrile des catalogues ? La soirée dansante nous permettra de tout remettre à plat à grands coups de récents souvenirs. Vacarmes et bières nous mèneront quasiment à l’aube.
Le soleil du dimanche matin sera mon seul compagnon de route vers la projection de presse du film de clôture. Une salle quasiment vide accueille les seuls courageux partants pour I AM A CIBORG BUT THAT’S OK. La blague est facile, j’en conviens, mais « i see the movie but it’s not ok for me ». Bien que le virage ait été amorcé avec LADY VENGEANCE, les fans de Park Chan Wook risquent de tomber de leur siège. Le romantisme à peine agité par quelques pointes de fantastique va en laisser plus d’un pantois. Prisonnière d’un asile d’aliéné, l’héroïne est bien seule parmi tous ces agités du bocal. Prétexte à une poésie assez indigeste, l’univers psychiatrique sera aussi celui par qui vient le sauveur. Il-Soom, malade toujours savamment peigné, sauvera Young-goon de ses déboires à se prendre pour un robot. Littéralement knock-out avant midi, je m’en vais descendre quelques bons cafés parmi une foule encore très diffuse. Deux heures plus tard, une file dense fait face à l’unique entrée des trois cinémas. Accueillis par 28 WEEKS LATER, les derniers endormis du dimanche abandonnent définitivement tout bâillement. Londres décimé par un terrible virus et soutenue par l’armée américaine est le théâtre d’une extermination en règle. Sans respiration, chaque scène d’action amène une réflexion et transcende sans compter les incessants moments de suspense. Dans la lignée des grands films de zombies, l’intelligence du regard le dispute à l’action la plus basique. Alors que la pluie a décidé d’être aussi de la partie à Neuchâtel, vient l’heure de ma dernière séance pour cette édition 2007. Bien malgré moi totalement imperméable à une forme de poésie souvent présente dans le cinéma sud-américain, je passe deux longues heures devant LA ANTENA. Fable sur le pouvoir manipulateur des médias, ce film fait la part belle à ses maîtres. Les références y sont légion, de Mélies à Fritz Lang pour ne citer qu’eux. Le festival se termine en noir et blanc, mais restera le feu d’artifice haut en couleurs tant attendu.


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