Une Poignée de Salopards

Un texte signé Patryck Ficini

Italie - 1978 - Enzo G. Castellari
Titres alternatifs : Quel maledetto treno blindato, The Inglorious Bastards
Interprètes : Bo Svenson, Fred Williamson, Peter Hooten, Ian Bannen

Alors qu’ils prennent la fuite, des déserteurs américains descendent d’autres yankees déguisés en Allemands et sont bientôt contraints de prendre leur place pour une mission à haut risque où ils devront s’emparer du précieux contenu d’un train allemand…
UNE POIGNEE DE SALOPARDS est l’une des réponses italiennes aux fameux DOUZE SALOPARDS de Robert Aldrich. Une réponse bizarrement tardive, réalisée alors que le cinéma italien traitait le plus souvent la seconde guerre mondiale sous l’angle déformant et trashy du porno-svastika. Peut-être la mise en chantier du film de Enzo G. Castellari est-elle due à CROIX DE FER, signé par Sam Peckinpah l’année précedente. Pourquoi pas ? Les ralentis et la chorégraphie si particulière qu’il prête souvent à ses gunfights ont parfois valu la comparaison au réalisateur italien. Un jugement à nuancer toutefois puisqu’à la même époque, le collègue Umberto Lenzi signa LA GRANDE BATAILLE et DE L’ENFER A LA VICTOIRE. Peut-être aussi, tout simplement, le film de guerre est-il immortel (comme la guerre elle-même) et n’a-t-on donc pas à être surpris. C’est même l’un des genres qui traversent le mieux les époques, avec évidemment des mutations et des variations (le Vietnam-movie qui supplante les autres périodes dans les années 80). C’est peut-être son statut de film historique paradoxalement proche de nous temporellement qui rend le film de guerre indémodable.
UNE POIGNEE DE SALOPARDS est un titre qui définit assez bien la bande de anti-héros dirigée par Bo Svenson, impérial et d’une classe affolante en uniforme. Des déserteurs, un voleur, un tueur (Fred Willliamson, l’inoubliable PARRAIN DE HARLEM pour Larry Cohen, avec autant de charisme qu’un Clint Eastwood )… Une sacrée troupe de fripouilles sympathiques qui aurait pu jouer dans… un western spaghetti ! Le fait de faire de « salopards » les héros d’un film aurait d’ailleurs peut-être été peu pensable pour les Américains avant le boom du western européen (LES DOUZE SALOPARDS datent de 1967). Malgré des exceptions notables comme VERA-CRUZ… de Aldrich, il n’y a pas de hasard ! Juste retour des choses, interaction d’un cinéma à l’autre, tout cela est plutôt une bonne chose au fond. Et dire que certains, vaguement méprisants, parlerons de simple sous-produit pour un film comme ce Castellari !
Pour en revenir au casting, tous les rôles sont dans le ton, très bien interprétés du premier au dernier. Inconcevable que des gars comme Svenson et Williamson ne soient jamais devenus des méga-stars du gros film de genre U.S mais uniquement de grandes vedettes de série B. C’est aussi avec joie qu’on retrouve Raimund Harmstorf, sorti des CROC-BLANC, et Michel Constantin en partisan, excellent ici comme chez Georges Lautner (IL ETAIT UNE FOIS UN FLIC, LA VALISE).
Avec UNE POIGNEE DE SALOPARDS, Castellari se révèle aussi à l’aise que dans le polar violent (TEMOIN A ABATTRE, UN CITOYEN SE REBELLE) ou le western (DJANGO PORTE SA CROIX, KEOMA). Le réalisateur confirme ici son statut de véritable maître du film d’action. La mise en scène est très soignée, digne à tous égards de l’efficacité américaine (avec, selon Nocturno, infiniment moins de moyens, même si Fred Williamson dans Amarcord a parlé d’un budget confortable pour un film italien). Les nombreuses scènes d’action sont fortes et violentes (mais sans excès). L’infiltration d’une forteresse SS est remarquable. Les explosions en chaîne du final (pont qui saute, train qui démolit une gare…) sont impeccables, on se croirait vraiment dans un sacré blockbuster. Castellari réserve ses ralentis (et son sens particulier du montage des gunfights) pour la fin, créant ainsi une spectaculaire emphase émotionnelle dans l’illustration de la mort tragique d’une bonne partie de nos anti-héros. Castellari domine suffisamment son sujet pour que l’œuvre trouve grâce aux yeux des plus rétifs au film de guerre.
Si UNE POIGNEE DE SALOPARDS joue souvent sur le registre de la comédie (le pick-pocket aux cheveux longs, les filles nues sous la cascade, peu farouches jusqu’à ce qu’elles prennent peur à la vue d’un Noir – Williamson, bien sûr), il s’oriente finalement vers la mission-commando et la tristesse de morts stupides au nom d’une guerre qui l’est encore plus.


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- Article rédigé par : Patryck Ficini

- Ses films préférés : Django, Keoma, Goldfinger, Frayeurs, L’Au-delà


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