Unrest

Un texte signé Franck Boulègue

Etats-Unis - 2006 - Jason Todd Ipson
Interprètes : Corri English, Brian Cross, Joshua Alba, Jay Jablonski, Derrick O’Connor…

On ne peut pas s’empêcher, devant UNREST, de penser à L’HOPITAL ET SES FANTOMES, la formidable série télévisée réalisée par Lars von Trier au milieu des années quatre-vingt-dix. Pourtant, alors que le trublion danois avait résolument choisi le chemin de l’humour pour nous balader à travers les couloirs du service de neurochirurgie du « Rigshospitalet » de Copenhague, Jason Todd Ipson (qui a pour sa part abandonné des études de médecine afin de se tourner vers la réalisation de films) a quant à lui opté pour une approche beaucoup plus sérieuse de son sujet. De l’absence de ruptures de ton qui s’ensuit naît parfois une certaine monotonie, voire un aspect vaguement sentencieux, heureusement atténués par un chapelet d’idées de mise en scène dignes d’intérêt.

Alison Blanchard (Corri English) débute sa première année d’études de médecine au sein d’un hôpital qui constituera désormais l’essentiel de son environnement. A défaut d’avoir encore perçue l’aide financière destinée à lui fournir un logement indépendant, elle se voit contrainte de loger sur place, isolée, dans une chambre située à l’extrémité de longs couloirs baignés d’obscurité. Ses allers et venues dans ces corridors désertés, ses déplacements de flaque de lumière en flaque de lumière – prodiguées par des plafonniers avaricieux de leurs efforts -, sont suivis par Jason Todd Ipson à l’aide de longs travellings silencieux qui nous communiquent joliment la peur du noir qui surgit en Alison dans ces circonstances.

Comme tout médecin qui se respecte, cette dernière se voit contrainte d’étudier l’anatomie humaine « grandeur nature », en procédant à la dissection systématique d’un cadavre. Elle effectue cette tâche en compagnie d’une brochette d’étudiants dont les personnalités vont du mystique (Carlos – Joshu Alba) au facétieux (Rick – Jay Jablonski), en passant par le bourreau de son cœur (Brian – Scott Davis). Son quotidien se restreint alors à ces quelques lieux (sa chambre, le laboratoire d’anatomie, la bibliothèque universitaire), ce qui confère au film un aspect de vase-clos étouffant en adéquation avec le thème du récit. On ne voit que rarement la lumière du jour, l’essentiel de l’action se déroulant dans ce bâtiment impersonnel.

Tout se passerait pour le mieux (!) si le cadavre destiné à leurs coups de scalpel n’était celui d’une américaine ayant réalisé une fantastique découverte au Brésil. « Norma » (c’est ainsi qu’ils choisissent de la baptiser, l’anonymat des corps donnés à la science étant préservé coûte que coûte – on apprend ainsi qu’ils sont acheminés par avion jusqu’aux salle de dissection du pays sur des distances supérieures à 500 « miles », de manière à ce que personne ne soit contraint de découper son voisin de pallier) a en effet mis à jour un site sacrificiel lié aux Aztèques, regroupant les dépouilles mortelles de quelques 50.000 victimes. En remuant ce passé enfoui (à tel point enfoui que l’archéologie moderne nous indique que les Aztèques n’ont jamais quitté le Mexique !), Norma a déchaîné les esprits de ces innombrables sacrifiés, qui entendent bien réclamer vengeance. Rapidement possédée, elle finit par tuer son propre enfant à la gloire de Tlazolteotl, la déesse au nom de laquelle cette boucherie s’est tenue. Avant de se suicider…
… et de se retrouver ainsi sur la table de dissection d’Alison.

Dès les premiers instants de leur « relation » d’un genre particulier, des phénomènes étranges se produisent aux alentours, jetant la jeune étudiante à la recherche de l’identité de « son » cadavre. Plusieurs membres du personnel hospitalier, de même qu’une poignée d’élèves, trouvent rapidement la mort dans d’affreuses conditions. Cela convainc Alison de la nécessité de se débarrasser au plus vite de Norma ainsi que de l’entité qui la possède…

UNREST est sensé avoir été tourné, pour partie, avec d’authentiques cadavres. Franchement, même si cela s’avérait être le cas, cela ne changerait pas grand chose à l’histoire. A moins que l’on ne croie à la thèse développée dans ce film : à savoir que l’âme ne saurait trouver la paix tant que le corps n’a pas été correctement enterré, qu’il faut respecter ces cadavres sous peine d’en pâtir chèrement. Alison, qui se prétend agnostique au début du récit, se voit contrainte d’abandonner cette vision du monde, jugée irréaliste, au fur et à mesure de la progression de l’intrigue. Libre à nous de ne pas la suivre sur ce chemin.

Globalement, il faut reconnaître que ce long-métrage ne fait pas bien peur. A sa décharge, notons qu’il a été réalisé à l’aide de moyens réduits. On peut cependant signaler une poignée de scènes plutôt révulsantes dans lesquelles Alison et Brian se voient forcés de plonger dans une cuve de « Formaldehyde » (un produit qui tue les bactéries et conserve les cadavres, à l’instar d’un réfrigérateur) remplie de tronçons de corps dans des états de décomposition plus ou moins avancés. Il s’agit probablement là de la pièce de résistance de UNREST, de son moment phare.

Sous ses allures de téléfilm légèrement « boosté », UNREST n’apporte donc rien de fondamentalement neuf au film d’horreur. On peut d’ailleurs regretter qu’il ne se soit pas davantage consacré à la portion médicale de son intrigue, autrement plus convaincante que cette histoire de possession Aztèque venue du Brésil. Toutefois, l’ambiance globale n’est pas inintéressante, et dans l’ensemble, le film se tient. Un bon petit spectacle de début de soirée, donc, histoire de se mettre en bouche pour des réjouissances autrement plus sanguinolentes.


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- Article rédigé par : Franck Boulègue

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