Vampire Girl vs. Frankenstein Girl

Un texte signé Claire Annovazzi

Japon - 2009 - Yoshiro Nishimura, Naoyuki Tomomatsu
Titres alternatifs : Kyuuketsu Shoujo tai Shoujo Furanken
Interprètes : Yukie Kawamura, Eri Otoguro, Takumi Saitou, Kanji Tsuda

Triangle amoureux dans un lycée : Monami, une nouvelle arrivée très discrète, et Keiko, la lolita gothique de la classe, se disputent les faveurs de Jyugon. Keiko, dont le père est professeur de sciences et directeur adjoint du lycée, profite de son influence et use de son caractère bien trempé pour obliger Jyugon à devenir son petit ami. Mais celui-ci est attiré par le charme naturel et mystérieux de Monami. Le jour de la Saint-Valentin, celle-ci lui offre un chocolat fourré avec son propre sang, souhaitant… en faire un vampire, comme elle. La nouvelle relation qui s’installe alors entre eux va rendre Keiko folle de jalousie. Pendant ce temps, dans les sous-sols du lycée, le père de cette dernière s’adonne à d’étranges expériences…

À l’origine de ce projet, il y a un manga du même nom, imaginé par Shungiku Kawamura. La bande dessinée japonaise étant par essence un genre très cinématographique dans le découpage de l’action et le cadrage des images, son adaptation sur grand écran n’est jamais aisée. Il est très facile de se contenter de reproduire la mise en scène du mangaka. Ou bien on peut choisir l’exagération, l’outrance.
C’est la direction qu’ont choisi les deux réalisateurs, Yoshiro Nishimura et Naoyuki Tomomatsu. Bien que VGvsFG soit leur première collaboration, les deux hommes ne pouvaient que s’entendre. Tandis que le premier a œuvré notamment sur TOKYO GORE POLICE (2008), film au titre évocateur, le second a réalisé par exemple STACY : ATTACK OF THE SCHOOLGIRL ZOMBIES (2001), titre bien alléchant également. Autant dire que le cinéma de genre est leur domaine de prédilection. Tous deux sont aussi d’une très grande polyvalence, ce qui leur a permis de prendre en charge quelques uns des postes les plus importants sur le tournage. On peut donc supposer qu’ils ont ainsi conservé un grand pouvoir de décision, Tomomatsu étant également le scénariste, et Nishimura supervisant les maquillages et le montage.

Justement, le montage est un parfait exemple de ce dont sont capables les deux hommes. On navigue facilement entre les deux extrêmes : le découpage peut être rapide et saccadé, les plans se succédant très vite, ou bien la caméra peut s’attarder longuement sur la même scène au ralenti – voir pour cela la magnifique scène où Monami danse lentement sous une pluie de sang jaillissant de la gorge déchirée d’une de ses pauvres victimes. Entre les deux, une multitude de rythmes divers, sans lien apparent avec la narration, ce qui donne vaguement l’impression d’être sous acides.
Mais alors que le sujet principal du film reste quand même l’affrontement des deux nymphettes, les scènes de combat sont charcutées afin de camoufler les non-prouesses techniques des actrices. N’espérez pas assister à des cabrioles aériennes ou à une chorégraphie stupéfiante. Heureusement, l’inventivité visuelle et scénaristique des deux compères palie ce manque, nous offrant des rixes gores plus réjouissantes les unes que les autres. Personne n’aurait pu imaginer avant ce film qu’une visseuse sans fil puisse devenir une arme aussi indispensable.
Leur fertile imagination nous est par exemple donnée à voir durant la scène de transformation de Jyugon. Celui-ci se met alors à observer le monde d’un autre œil, les gens autour de lui se réduisant à des arborescences de vaisseaux sanguins. Sa vision des couleurs est modifiée, et les images sont déformées au rythme de ses pulsations cardiaques. Quelques CGI, réalisées avec peu de moyens mais suffisamment rares et efficaces pour qu’on les apprécie tout de même, nous permettent de rentrer dans l’esprit du futur vampire et de prendre part à sa métamorphose.
Et si la profusion de sang, de cadavres et de membres découpés est réglementaire du genre, leur mise en scène est agréablement outrancière, ce qui en fait un film gore original.

VGvsFG ne s’affranchit pas pour autant de la longue tradition des films d’horreur qui l’ont précédé. Il utilise et actualise quelques uns des personnages importants du bestiaire fantastique : le vampire et la créature de Frankenstein, bien sûr, mais aussi la figure si sympathique du valet monstrueux et celle plus inquiétante du savant fou. De plus, on peut voir dans Monami une version ténébreuse du Petit chaperon rouge, analogie soulignée par le port d’une cape noire, souvenir de sa mère.
Le film est aussi ancré dans la culture pop japonaise et ses clichés. Les décors participent à cette navigation en terrain connu : le lycée, témoin de nombres d’intrigues romantiques ou fantastiques, aussi bien dans le manga qu’au cinéma, et la tour de Tokyo. Quant aux personnages, ce sont souvent de simples stéréotypes, mais dont les caractéristiques principales sont exagérées : les ganguro – normalement de jeunes japonaises à la peau bronzée par les UV et aux cheveux décolorés – deviennent des fanatiques de la culture afro-américaine et veulent ressembler à des blacks ; les adeptes de la scarification vouent un culte à leur cutter – peut-être un clin d’œil à TOKYO GORE POLICE – et participent à des championnats de taillade de poignet ; l’infirmière, une bombe sexy, se révèle être une véritable psychopathe ; le savant fou s’habille comme un acteur de théâtre kabuki ; le professeur principal est un pervers limite pédophile qui aime exercer arbitrairement son autorité sur ses élèves… Est aussi abordée rapidement la question de la prostitution lycéenne, phénomène bien connu au Japon.
Bref, malgré des influences occidentales ponctuelles, ce film reste avant tout une production japonaise, et les spectateurs peu familiers de cette culture risqueront d’être déboussolés et de ne pas comprendre certaines références.

Au milieu des stéréotypes cités plus haut, le sang en lui-même est le personnage principal du film, d’abord du fait de son incroyable profusion – c’est à se demander combien de litres de sang un être humain normal peut contenir – ensuite par l’utilisation scénaristique qui en est fait. Le sang de Monami a une vie propre, un dessein et des aptitudes plutôt originales, et c’est l’existence même de ce sang qui va entraîner la suite des événements et l’affrontement entre Monami et Keiko.
On apprend par ailleurs à s’attacher au personnage de Monami, vampire solitaire depuis si longtemps qu’elle en a oublié son âge, malgré son apparence physique de sage lycéenne. Mais il faut se garder d’oublier sa nature profonde : elle sait nous rappeler qu’elle est avant tout un monstre assoiffé de sang.

Avec une trame scénaristique qui pourrait tenir sur un timbre-poste, VGvsFG nous offre pourtant un spectacle visuel époustouflant, une orgie gore complètement délirante où l’humour le plus stupide et les massacres sanguinolents font bon ménage. Un must-see pour les amateurs de pellicule asiatique déviante.


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- Article rédigé par : Claire Annovazzi

- Ses films préférés : Une Balle dans la Tête, Fight Club, La Grande Bouffe, Evil Dead, Mon Voisin Totoro


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