Velvet Goldmine

Un texte signé Claire Annovazzi

USA/UK - 1998 - Todd Haynes
Interprètes : Jonathan Rhys Meyers, Christian Bale, Ewan McGregor, Toni Collette

1984 – Arthur Stuart est chargé par son journal d’enquêter sur un canular vieux de dix ans. Au début des années 70 et au somment de sa gloire, la star du glam rock Brian Slade orchestra sa mort sur scène. Une fois l’arnaque découverte, la carrière et la réputation de Slade descendirent en flèche. Arthur doit maintenant essayer de retrouver Slade et de savoir ce qu’il est devenu. Mais en remontant le chemin des souvenirs, Arthur va replonger dans son propre passé.

C’est bien connu que tous les réalisateurs rêvent de faire leur CITIZEN KANE (1941). On peut dire que Todd Haynes y est parvenu littéralement. Reprenant la structure de base du classique du cinéma – même si la mort est fausse, elle est le prétexte à une enquête qui va permettre de multiplier les flash-backs –, le réalisateur tente de décrire une période révolue, et finalement peu connue même de ceux qui ont vécu à cette époque : le glam rock. Limitée dans le temps et dans l’espace – essentiellement le Royaume Uni dans la première moitié des années 70 – cette mouvance du rock a toutefois vu l’émergence de personnalités dont les noms ne sont pas inconnus, comme David Bowie, ou Iggy Pop. Ce sont justement ces stars que Haynes dépeint à travers ses personnages de fiction Brian Slade et Curt Wild.

Jonathan Rhys-Meyers prête son physique androgyne à un Brian Slade iconique, montrant, sous le maquillage et les paillettes, comment un jeune homme à la recherche de repères devient le représentant d’une génération tout aussi perdue, avant de partir en fumée – ou plutôt en poudre, blanche – et de mettre fin à sa carrière. Il laisse assez peu passer ses émotions, ne permettant jamais au spectateur de décider s’il apprécie ou non le personnage, et lui conservant ainsi son aura de mystère.
Ewan McGregor a pour sa part choisi un étrange mélange d’Iggy Pop, Mick Jagger et Kurt Cobain pour son interprétation et son look en tant que Curt Wild, affirmant par là même son caractère décidément rock & roll. Il pousse également la chansonnette, pour le malheur de nos oreilles sensibles parfois.
Loin encore de Bruce Wayne (BATMAN BEGINS, 2005) ou même de Patrick Bateman (AMERICAN PSYCHO, 2000), le Arthur, naïf et influençable, de Christian Bale sert de fil conducteur au film, et en est par ailleurs un personnage plus central qu’il n’y paraît au premier abord.

Le fabuleux trio d’acteurs, secondé par des talents comme Eddie Izzard ou Toni Collette, illustre à merveille l’adage “sexe, drogue et rock & roll” à travers un script dans lequel la musique est partie prenante. Même en dehors de passages obligés sur scène, ou de répétitions en studio, la musique est omniprésente et mise en image par Todd Haynes dans des clips baroques, sortes de parenthèses imaginaires dans le déroulement de l’histoire, mais pas inutiles. En effet, les paroles même des morceaux choisis ne sont pas innocentes et traduisent les émotions et pensées des personnages. Ici, VELVET GOLDMINE rejoint presque la tradition des comédies musicales. Il est par ailleurs intéressant de noter que, parmi les personnages secondaires, Haynes a recruté ce qui ressemble le plus aux descendants actuels – en 1998 – du glam rock, à savoir les membres du groupe Placebo, qui s’en donnent à cœur joie.
La drogue, donc, est aussi plus que suggérée, comme l’est le sexe. Un sexe débridé, qui ne craint aucun tabou. Et si le film est loin d’être pornographique, il n’est pas à mettre devant les yeux de personnes étroites d’esprit. Comme dans nombre de ses films, Todd Haynes explore les frontières de la sexualité et du genre, glorifiant une certaine forme de liberté, mais sans jamais en nier les conséquences. Partouze, homosexualité, travestissement, il n’est pas une controverse qui ne soit ici abordée. Mais plutôt que de les utiliser à des fins de provocation, elles servent seulement à illustrer l’époque libérée que Haynes souhaite évoquer.

Le script de VELVET GOLDMINE, même si sa structure en est peu originale, n’en est pas moins un des plus étranges. Plongeant tête la première dans son sujet, Todd Haynes soigne chaque plan, en faisant chaque fois ressortir ce qui entre en résonance avec le glam rock. Pendant certaines scènes, on assiste même à ce qui s’apparente à de la peinture, tant les couleurs, les formes, la disposition, la composition en général, en sont travaillées.
Au milieu de tout ça, il cite à foison le travail d’Oscar Wilde, dont une interprétation fictionnelle est donnée, l’auteur anglais étant considéré ici comme le père du glam rock. En mettant les mots même de l’écrivain dans la bouche des personnages, et en créant une filiation remontant à Wilde.
Le plus étonnant, peut-être, est justement dans cette généalogie que Todd Haynes, dans un éclair de génie, associe à une broche que les extraterrestres ont laissé dans le berceau du petit Oscar Wilde quand ils l’ont déposé sur le pas d’une porte – sic –, et qui passe de personnage en personnage tout le long du film. Pourquoi éclair de génie ? Parce que Haynes connaît bien son sujet, et il ne lui a pas échappé les rapports plus ou moins étroits que le glam rock entretenait avec la science-fiction – voir par exemple le personnage de Ziggy Stardust créé par David Bowie, et les multiples allusions à la planète Mars dans les noms des groupes et les titres des chansons de l’époque.

Alors, VELVET GOLDMINE, faux biopic musical sur David Bowie, ou film de SF qui ne dit pas son nom et où les aliens sont des bisexuels en bottes à plateforme ? Vaste discussion. Il faut absolument voir pour juger !


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- Article rédigé par : Claire Annovazzi

- Ses films préférés : Une Balle dans la Tête, Fight Club, La Grande Bouffe, Evil Dead, Mon Voisin Totoro


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