Victimes

Un texte signé Yannik Vanesse

France - 2012 - Robin Entreinger
Interprètes : Marjolaine Pottlitzer, Valentin Bonhomme

François, un jeune homme très perturbé, va voir un psychiatre. Il a, en effet, de sérieux problèmes de communication, et il désire s’ouvrir un peu plus aux autres. Mais, au fil des séances, le psychothérapeute comprend rapidement que les pulsions qui animent son patient vont bien plus loin que cela, et qu’il pourrait avoir en face de lui un tueur en série en devenir.

Voici VICTIMES, le premier film de Robin Entreinger qui, avec un budget minuscule et l’aide de Valentin Bonhomme, qui incarne François, décide de s’atteler à un film difficile d’accès racontant la naissance d’un tueur en série.

Beaucoup de réalisateurs de films d’horreur français, pour leur premier film, optent pour des métrages sanglants et sauvages, comme LA HORDE et A L’INTERIEUR, entre autres. Robin Entreinger, lui, quand il décide de s’attaquer à une histoire de tueur en série, choisit un traitement allant à l’opposé d’un MANIAC, par exemple. François, le héros, partage cependant beaucoup de choses avec Frank, personnage principal de MANIAC. Les deux hommes aiment suivre les filles dans les rues et ont des envies violentes, des fantasmes à base de sang et de haine. Mais, quand débute VICTIMES, François n’a encore tué personne. Il cherche à lutter contre ses pulsions, et c’est dans ce but qu’il s’ouvre, tout doucement, à un psychiatre. Cette scène, avec laquelle démarre le film, est des plus dérangeantes, car on peut aisément s’identifier au héros. Lourdement timide, il explique au médecin ce qu’il espère en venant le voir. Mais cette séquence rend aussi le film assez peu facile d’accès. En effet, commencer un métrage avec une scène de sept minutes se déroulant chez un psychiatre est on ne peut plus anti-commercial, et pourra rebuter de nombreux spectateurs. Toutefois, ce serait passer à côté d’une approche sobre et diablement intéressante de la genèse d’un tueur en série, et de son combat pour ne pas céder à ses envies de mort et de destruction. Car, très rapidement, VICTIMES développe ainsi sa deuxième thématique : le danger d’entrer dans la tête d’un être humain. En effet, selon l’adage, « quand tu regardes dans l’abîme, l’abîme regarde en toi », le docteur, en pénétrant dans la tête de François, laisse les pulsions de ce dernier entrer dans sa propre tête, le contaminant doucement dans son quotidien. Le scénario et les dialogues du film sont excellemment bien construits et fonctionnent à la perfection. Certes, le rythme est lent, mais cela permet de ne pas faire un virement brutal dans la narration. François bascule doucement, de manière franchement crédible.
Tout n’est, bien évidemment, pas parfait. Si Valentin Bonhomme est très bon, parvenant magnifiquement bien, par ses regards et ses actes, à montrer la dualité qui anime son personnage et les pulsions qui menacent de le submerger, les autres acteurs sont hélas moins bons, en particulier le docteur et sa femme. Cependant, l’intrigue, passionnante, permet d’aller au-delà de ces soucis d’interprétation, et on plonge aisément dans cet univers dont on ne sort pas indemne. De même, la réalisation se révèle parfois approximative, et, dans les lieux publics, les dialogues sont quelque peu noyés dans le brouhaha ambiant ; la faute sans doute au budget microscopique du film. Mais ce défaut n’est pas si grave car, finalement, ce qui se dit est moins important que la manière dont agissent les personnages principaux, peu réceptifs, chacun à leur manière, au monde qui les entoure.
Ces scories n’empêchent ainsi pas d’apprécier ce film, très intelligent, et qui donne envie de suivre la carrière du réalisateur. En effet, presque un documentaire par moment, VICTIMES, glaçant et dérangeant, nous hante encore après le générique de fin. La manière dont il nous fait plonger dans la tête de son dangereux personnage principal et la manière dont nous ressentons de l’empathie pour lui, se révèlent des plus tétanisantes. Présenté en compétition officielle de la 5ème édition du Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg, VICTIMES vaut vraiment le détour, grâce à l’intelligence et à la justesse de son histoire.

Retrouvez nos chroniques du FEFFS 2012.


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- Article rédigé par : Yannik Vanesse

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