Vloody Mary

Un texte signé Patryck Ficini

2011 - Di Orazio Paolo
Titres alternatifs : Gore Metal

En 1990, la revue de fumetti ultra violente SPLATTER fut un peu à l’Italie ce qu’était la collection GORE en France depuis 1985. L’une naquit quand l’autre mourut. Une série d’histoires d’horreur sanglantes au possible, sans aucune concession au bon goût et qui allait infinimement plus loin que le déjà gory DYLAN DOG (à l’époque). Et c’est tant mieux : il est vital que la littérature et la B.D empruntent aussi des chemins de traverse, sans limite, sans censure. Il y a suffisamment d’auteurs policés et respectables. Il faut aussi des rebelles et des hors-la-loi. Quand on sait le talent des auteurs de SPLATTER, scénaristes et dessinateurs, cela ne fait même aucun doute. La grandissima Alda Teodorani fit même ses premières armes dans SPLATTER.
Le responsable de SPLATTER se nomme Paolo Di 0razio, scénariste et romancier. Son célèbre et excellent recueil de nouvelles horrifiques PRIMI DELITTI (12.000 copies vendues !), offert avec SPLATTER, traita le thème de l’enfance meurtrière et choqua à tel point que les censeurs, médias et politiques confondus, s’emparèrent du scandale pour dénoncer cette formidable et assez unique liberté de ton. Les quotidiens évoquèrent « un libro sadico per i bambini » qui enseignait comment tuer père, mère et grand-mère!
Paolo Di Orazio, 24 ans à l’époque, est toujours en activité. Récemment, l’écrivain a tenté l’aventure de SHINIGAMI, un projet éditorial passionnant. Une revue de fumetti d’horreur très ambitieuse, plus intellectuelle et artistique que SPLATTER , souvent barkerienne ou orientalisante (on pense parfois à JUNJI ITO ou HIDESHI HINO). Une façon de traiter un même genre de façon complètement différente, sans se répéter.
Malheureusement, SHINIGAMI, apôtre d’une nécroculture sans tabou, n’a pas rencontré le succès escompté. Il est difficile de percer aujourd’hui sur le marché du fumetto italien. La concurrence est rude : mangas mais aussi multimédia. Assurément, pendant que les jeunes jouent aux jeux vidéos (et dépensent en ce domaine), ils achètent/lisent moins de B.D. Dans le cas particulier de SHINIGAMI, sans doute son ambition même n’a-t-elle pas été comprise. Pour beaucoup, l’horreur est conçue comme un genre fun, rigolo, pour ados et métalleux (ou pour ados métalleux) ; en aucune façon, comme un art majeur, capable de profondeur et d’esthétisme. Ce que tentait SHINIGAMI, avec des fortunes diverses.
L’actualité de Paolo Di Orazio n’en reste pas là, car il est très productif. Comme Tiziano Sclavi (le papa de DYLAN DOG), Di Orazio ne s’occupe pas que de B.D, on l’a compris, il est aussi écrivain. Son dernier roman VLOODY MARY est un roman policier horrifique (les liens entre les deux genres, riches en flics et en tueurs sanguinaires, ne sont plus à démontrer) jusqu’au boutiste, sombre, violentissime par moments mais aussi intelligent et très bien écrit. Un vrai bon morceau de littérature, signe s’il en était encore besoin que Paolo Di Orazio n’est pas n’importe qui.
L’intrigue, telle qu’il nous l’a racontée en quelques mots : « Vloody Mary, une DJ metal, et sa compagne vivent une histoire d’amour et de haine, pendant qu’un assassin tue et dévore ses victimes. Un commissaire suit des traces de sang et de mort qui le portent à Mary… »
Pour Paolo di Orazio, VLOODY MARY est « le début d’une trilogie « orchestrale » (avec de nombreux personnages) que je voudrais exporter dans le reste du monde, parce que je lui ai donnée une âme essentiellement musicale. Je voulais aussi démonter le nouveau masque du vampire et du mort -vivant pour créer quelque chose de primordial qui reporte le lecteur au mysticisme de l’horreur. »
VLOODY MARY parle de metal, de lycanthropes, de cannibalisme et de nécrophilie, entre plein d’autres choses. On y croise notamment un prêtre vampire psychique – une thématique assez peu abordée pour que cela s’avère marquant. Di Orazio dresse même un pont entre fumetto et roman par l’ajout d’une scène dessinée en 3 planches (ce qui, tout en évoquant la célèbre scène manga de KILL BILL, n’a rien de gratuit tant les deux médias ont de points communs dans l’horreur italienne (Sclavi et Teodorani encore, Barbato aussi, par exemple).
Encore quelques mots de Di Orazio pour finir : « Le roman plaît beaucoup aux femmes, spécialement à celles qui n’aiment pas le sang, les métamorphoses et les descriptions horrifiques en général. » (Autant d’éléments dont Vloody Mary n’est pourtant pas avare, peut-être paradoxalement.) « VLOODY MARY est aussi un hommage à moi-même, parce que je me suis transformé en chaque personnage, en utilisant mon quartier comme décor, et quelques zones de Rome particulièrement dégradées ». Un roman de genre, mais aussi un roman personnel, donc.
VLOODY MARY, c’est 190 pages d’horreur adulte. Dans le sens le plus noble du terme.


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- Article rédigé par : Patryck Ficini

- Ses films préférés : Django, Keoma, Goldfinger, Frayeurs, L’Au-delà

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