Vorace

Un texte signé Sophie Schweitzer

Etats-Unis - 2001 - Antonia Bird
Interprètes : Guy Pearce, Robert Carlyle, David Arquette

Le Capitaine John Boyd est récompensé pour un morceau de bravoure réalisé durant la guerre contre le Mexique. Sa hiérarchie ne sachant que faire de lui l’envoie dans un avant-poste isolé dans les montagnes californiennes. C’est dans l’isolation qu’il trouve finalement la paix avec ses souvenirs, parvenant à oublier cette fulgurante bravoure qui en réalité était un accès de rage frénétique suite à l’absorption involontaire du sang de ses compagnons morts.

Un homme d’Église plus mort que vif arrive à l’avant-poste. Il leur explique avoir été piégé dans les Rocheuses avec 5 personnes et qu’ils ont fini par céder au cannibalisme. Les souvenirs de Boyd se réveillent alors. D’autant que le récit du survivant semble concorder avec la sensation étrange qu’il a éprouvée. Serait-il devenu un Wendigo ? La créature décrite par une vieille légende indienne où l’homme qui mange de la chair humaine devient un monstre affamé qui ne trouvera la paix que dans la mort.

VORACE est une production compliquée de la Fox. Antonia Bird est appelée à la rescousse par Robert Carlyle afin de réaliser le film à la dernière minute. Le réalisateur prévu à l’origine ayant abandonné le projet. Antonia Bird n’a donc le choix sur le casting ni sur le production design, en revanche, elle peut insuffler son style dans la mise en scène et le montage. Et le moins qu’on puisse dire c’est qu’elle parvient à donner vie à la folie qui s’empare de ces hommes dans l’isolement des rocheuses. Reprenant des éléments qui avaient été adoucis du script vénéneux de Ted Griffin, Antonia Bird accouche d’un film acide, brutal. Par bien des manières, elle convoque l’image du vampire dans cette adaptation des vieilles légendes indiennes.

VORACE est également basé sur un fait divers écossais de cannibalisme pratiqué par une famille entière. En effet, le personnage campé par Robert Carlyle est écossais et l’endroit où le petit groupe de survivants cède au cannibalisme est une grotte. Ces deux éléments rejoignant ce sordide fait divers qui a inspiré plus que largement le cinéma de genre américain. Notamment Wes Craven pour LA COLINE A DES YEUX. Le film cependant ne fait que s’inspirer de ce fait divers, et d’en faire référence. Le récit s’intéresse plus au personnage de Boyd qui tente de lutter contre ses pires instincts.

Boyd est campé par Guy Pierce qui avec sa barbe de quelques jours, ses cheveux longs et son air déprimé n’est pas sans évoquer le vampire incarné par Brad Pitt dans ENTRETIEN AVEC UN VAMPIRE. Confronté à la folie qui menace de le ronger, Boyd doit faire appel à toute la morale qu’il peut trouver dans ses camarades d’infortune pour résister.

Comme tous les grands récits d’aventure humaine, et de survie dans des conditions extrêmes, VORACE parle avant tout du risque de basculement dans la folie quand l’humanité est confrontée à ses limites. Ici l’isolement, le froid, la famine. Chacun des personnages y réagira différent, et l’esprit d’équipe de la petite patrouille sera mis à mal. Ce portait d’une humanité au bord du ravin, à la limite de la moralité est parfaitement portée à l’écran par son casting assez flamboyant (Jeffrey Jones impeccable en colonel conscient des faiblesses de son équipe, Neal McDoonough impressionnant en soldat à toute épreuve, John Spencer délicieusement sadique).

Mais ce qui vient sublimer le récit c’est la musique de Damon Albarn (BLUR, GORILLAZ) et Michael Nyman (LA LEÇON DE PIANO, BIENVENUE A GATTACA) qui apporte à la fois un petit air champêtre donnant des touches de légèreté. Il y a de l’humour dans la manière dont cette musique est utilisée. À d’autres instants, la musique prend alors un ton plus grave, voire inquiétant, donnant lieu à des séquences de pure folie toute leur intensité. Cela est dû à mon montage aussi brillant qu’audacieux réalisé par Neil Farrell.

VORACE est un petit chef d’œuvre qui n’a malheureusement pas rencontré son succès. Sorti en 1999, soit l’année de sortie de MATRIX et de FIGHT CLUB, il est arrivé au moment où le film de genre vivait une véritable crise. L’ambiance de VORACE à mi-chemin entre RAMBO de David Morrell et des films de genre crépusculaire comme NEAR DARK ou encore THE HITCHER. Même s’il appartient totalement au film de genre crépusculaire, il est sorti trop tard pour bénéficier d’un bon accueil. Oublié, VORACE n’est aujourd’hui malheureusement plus que mentionné lorsqu’on parle de films de cannibales. Ce qui serait dommage de ne le limiter qu’à cela. C’est davantage un film de folie humaine et de basculement de la moralité.


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- Article rédigé par : Sophie Schweitzer

- Ses films préférés : Le bon, La brute et le Truand, Suspiria, Mulholland Drive, Les yeux sans visage, L'au-delà

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