Walking Tall

Un texte signé Nassim Ben Allal

Avant dernier film de la longue carrière de Phil Karlson, un solide artisan du cinéma à base de testostérone comme en témoigne ses expériences dans le western et le récit de guerre, WALKING TALL s’inscrit avec une parfaite logique dans la filmographie de son auteur.
Fondé sur l’histoire vraie d’un shérif d’une petit bourgade du Tennessee, lui-même consultant technique sur le plateau, le film connaîtra même deux suites ainsi qu’une adaptation sous forme de série télévisée avant d’être relifté en 2004 par un remake mettant en scène The Rock dans le rôle principal, remake qui sera lui-même suivi de deux séquelles emmenées par Kevin-je suis le Hercule de Sam Raimi-Sorbo. Dans cette toute première version de 1973, c’est Joe Don Baker qui porte l’histoire sur ses larges épaules, comédien qui, s’il ne deviendra jamais une star, confirmera par la suite son talent dans une longue filmographie toujours d’actualité, emplie de second rôles marquants (notamment dans les James Bond époque Pierce Brosnan).
Ancien Marine et catcheur professionnel, Buford Pusser revient s’installer auprès de ses parents dans sa petite ville natale du Tennessee profond. Marié, père de deux enfants, il aspire à une vie tranquille entouré de ceux qu’il aime dans un environnement bucolique et familier. Mais très vite, les choses dégénèrent : Buford se rend compte qu’un petit groupe de truands a mis la main sur sa ville, gangrenant la justice, installant des casinos et lupanars illégaux. Tabassé suite à un accrochage avec cette bande, Buford décide de se présenter aux élections pour devenir shérif et lancer au péril de sa vie une opération « mains propres »…
On ne saura jamais où se situe la frontière entre réalité et recréation hollywoodienne. Toujours est-il que ce WALKING TALL est un film sec et nerveux, quasiment dénué d’humour et qui appuie là où ça fait mal. Perpétuellement sur le fil d’un genre (le vigilant-flick même s’il est ici en uniforme) totalement réactionnaire, Phil Karlson livre un film sans aucun recul, aucune nuance, d’un manichéisme entier mais au final, il faut bien l’avouer, totalement jouissif. Flattant les bas instincts du spectateur, WALKING TALL déborde d’une violence sale qui fait mal, de personnages raides comme la justice (l’interprétation quasi monolithique de Joe Don Baker est à ce titre exemplaire : il ne verse une larme que quand un tueur à gage assassine son chien) ou au contraires fourbes au point de s’attaquer à l’innocente famille de leur adversaire.
La seule leçon que délivre le film est celle du cercle vicieux de la violence : au début, Buford applique sa justice avec un bâton qu’il a lui-même taillé, refusant de porter une arme à feu lors de ses patrouilles. Mais à mesure que le ton monte, il s’autorise à faire parler la poudre, démarrant alors un engrenage funèbre qui lui coûtera beaucoup, excepté la vie. Sans devenir un film à thèse, il demeure toujours regrettable que WALKING TALL ne parvienne pas à faire la part des choses, à prendre du recul sur les évènements réels de la vie de Buford Pusser pour ensuite les scénariser et en tirer, non pas une morale, mais simplement des conclusions objectives. Mal rythmé car manquant de structure (certains évènement arrivent par hasard, comme dans la vie), WALKING TALL ne s’échappe malheureusement pas assez de la réalité pour devenir une fiction à part entière et apparaît ainsi bancal, tant dans sa forme que sur le fond. Reste les envolées de violences magnifique de sécheresse et un casting au top.