Walled In

Un texte signé Angélique Boloré

France, Canada, USA - 2009 - Gilles Paquet-Brenner
Interprètes : Mischa Barton, Cameron Bright, Deborah Kara Unger, Noam Jenkins

Sam Walczak travaille avec son père dans l’entreprise familiale de destruction. Son travail consiste à préparer celui des mineurs et de permettre à un bâtiment de s’écrouler de la manière la plus efficace possible. D’ailleurs, son père fait montre d’une grande confiance en laissant à sa fille le soin de préparer la destruction d’un imposant édifice construit par un architecte génial, Joseph Malestrazza. Ce dernier est reconnu par ses pairs pour avoir bâti des immeubles qui s’avèrent les seuls ayant résisté à des tremblements de terre.
La jeune femme se rend donc dans ce grand immeuble voué à disparaître, perdu dans un endroit isolé et déserté par tous les habitants, à part quelques irréductibles. Là, elle rencontre Mary, la concierge et son fils Jimmy. Si la mère semble être la gardienne consciencieuse des lieux, sont fils apparaît quant à lui comme un garçon qui a grandi sans père et dans l’ambiance hautement fantasmagorique du bâtiment. Il raconte les diverses histoires qui courent sur l’architecte, son œuvre, l’immeuble lui-même et surtout sur le monstrueux maniaque qui a emmuré des victimes dans la bâtisse. Le coupable serait un ouvrier qui, quand les corps ont été découverts, s’est enfui sans laisser de traces. Au tableau de chasse du tueur figurent le mari de la concierge et l’architecte Malestrazza lui-même.
Sam évolue dans un environnement inquiétant, fait d’ombres et de mystères, de résidents étranges et de secrets. L’ambiance est lugubre. Les niches, aujourd’hui béantes mais qui ont abrité les corps, sont terribles et les fantasmes des personnages troublants. En marquant les emplacements stratégiques des bâtons de dynamite et poussée par la curiosité, Sam découvrira que les victimes sacrifiées à la pérennité du bloc de béton ne sont pas les seuls éléments macabres que la bête cache en son sein.
Ce thriller horrifique joue surtout la carte des émotions liées à l’enfermement, l’étouffement. Le huis clos est transcendé par l’utilisation du bâtiment comme une prison à grande échelle et par les niches des emmurés comme un linceul à taille humaine. Le sentiment de suffocation est encore accentué par les personnages, très étranges et distants, qui s’expriment de manière affectée, mesurée, à l’instar de Mary, la concierge. En effet, quand elle parle, l’unique adjectif qui vient à l’esprit du spectateur est : feutré. On retrouve avec grand plaisir l’extraordinaire Deborah Kara Unger de l’inclassable CRASH de David Cronenberg. Sa classe, son détachement, son mystère naturel siéent à merveille au propos et au visuel fort de WALLED IN.
Le script est tiré d’un roman de Serge Brussolo, auteur prolifique français. Le réalisateur, Gilles Paquet-Brenner est également français. Ainsi, on pousse un cocorico puéril et on s’enthousiasme tout de même pour cette production lisse, conventionnelle et pourtant diablement efficace. Lisse parce que l’image, glacée et sans défaut crée une distance avec le sujet filmé et que cela parasite l’immersion dans les évènements. Conventionnelle car, même si l’histoire est intéressante et suffisamment complexe pour maintenir éveillée l’attention du spectateur, certains passages très convenus gâchent un peu l’enthousiasme. L’exemple le plus marquant est la scène de terreur dans l’appartement « hanté » par les souvenirs de Malestrazza et les méfaits du tueur. Ce passage ressemble à une figure imposée, bien angoissante mais un rien décevante tant elle ressemble à mille autres, sans saveur particulière ni la moindre trace d’audace. Naturellement, ces quelques déceptions n’entachent en rien l’efficacité du produit. Ainsi, si l’originalité n’est pas de mise, le spectateur se laisse cependant volontiers prendre au jeu car c’est bien fait, parfaitement maîtrisé, rythmé et suffisamment joli pour maintenir son intérêt. Et puis nous sommes intrigués par ces personnages troubles. La concierge semble distante, consciencieuse dans son travail et pourtant, elle porte une souffrance touchante et dérangeante. Le garçon, quant à lui, nous semble émouvant au premier abord mais quelque chose reste inquiétant chez lui. Et les mystères de l’histoire titillent grandement notre curiosité.
Nous regretterons simplement le côté un peu timoré et commun de l’entreprise. En effet, dans le livre de Brussolo, Les Emmurés, l’histoire est quelque peu différente. Par exemple, l’héroïne ne ressemble pas Sam, cette femme libérée, portant un nom masculin, faisant un métier d’hommes, bien dans sa peau et actrice de sa vie. Dans le livre, l’héroïne, qui se prénomme Jeanne, est une femme passive qui recherche les hommes forts, virils et violents. C’est un personnage très intéressant, très complexe, mais Jeanne n’a rien d’une égérie de l’indépendance et de l’estime de soi. Elle se soumet à ses amants cruels et subit plus ou moins les évènements. Et puis, le second personnage fort, celui du fils, devient véritablement machiavélique entre les mains de Brussolo. L’histoire s’avère alors plus tortueuse, plus sombre, plus dérangeante. Le roman est donc bien plus profond et riche, que cela soit dans ses personnages et leurs motivations mais également dans l’histoire elle-même. Ainsi, les fans resteront un peu désappointés de constater que ce qui fait l’incomparable richesse de cet auteur ait été occulté. Pourtant, ils se réjouiront que Brussolo soit enfin adapté car si WALLED IN se révèle être un succès, alors d’autres livres de sa ô combien prolifique bibliographie devraient pouvoir avoir accès au grand écran et qui sait, peut-être jusque dans leurs redoutables détails.


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- Article rédigé par : Angélique Boloré

- Ses films préférés : Autant en Emporte le Vent, Les dents de la Mer, Cannibal Holocaust, Hurlement, L’invasion des Profanateurs de Sépultures

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