Wandering Ginza Butterfly

Un texte signé Philippe Delvaux

Japon - 1971 - Kazuhiko Yamaguchi
Titres alternatifs : Gincho wataridori
Interprètes : Meiko Kaji, Tsunehiko Watase, Shun Ueda, Tatsuo Umemiya

Ancienne loubarde condamnée pour assassinat d’un yakuza, Nami sort de prison après trois ans. Dans le train qui la ramène à Tokyo, elle sauve, sans le vouloir, la vie d’un escroc, poursuivi par trois truands. De retour dans son quartier de Ginza, après retrouvailles avec son oncle, gérant d’un billard, elle trouve du travail comme « hôtesse » de bar et se lie d’amitié avec la patronne (jouée par Akiko Koyama, une actrice régulière de Nagisa Oshima). Celle dernière s’attire vite des ennuis quand le gang Owada décide de faire main basse sur le bar. C’est ce même gang qui poursuivait l’homme du train et qui cherche à étendre sa domination sur Ginza par la force.

L’air de rien, WANDERING GINZA BUTTERFLY s’inscrit dans la continuité du cinéma d’exploitation japonais des ’70. Le passé de yakuza de l’héroïne nous ramène aux « girls delinquent films », lesquels présentent des jeunes femmes dangereuses et à même d’affronter leurs homologues mâles, qui ont éclos à cette période pour faire face mais aussi pour se démarquer des Roman porno concurrents. Le réalisateur Kazuhiko Yamaguchi sera d’ailleurs responsable de quelques titres emblématiques de « girls deliquent » comme DELINQUENT GIRL BOSS: BLOSSOMING NIGHT DREAMS, DELINQUENT GIRL BOSS: WORTHLESS TO CONFESS, ou encore trio SISTER STREET FIGHTER.

Le passage en prison de Nami préfigure évidemment son personnage de LA FEMME SCORPION et des métrages carcéraux de l’époque. Le personnage de Nami renvoie aussi pour partie à celui que jouait son actrice dans un des premiers films de délinquantes : STRAY CAT ROCK : SEX HUNTER (troisième volet de la série cependant, redécouvert en 2009 au Festival Offscreen). Pour le reste, le film poursuit la tradition solidement ancrée du film de yakuza. Salles de jeu, tricherie, prostitution, gangs de rue en sont les éléments constitutifs. A noter que l’affrontement central se fera ici autour d’une table de billard, pour une partie à trois bandes dont des titres de propriétés convoités par le gang formeront l’enjeu. Et si les affrontements sont plus ou moins évités jusqu’à la séquence final, ils ne font que retenir l’explosion paroxystique qui conclut nombre de productions de l’époque. Une fois dégainé, le katana entame alors un ballet de mort qui se doit de décimer une grande partie du casting.

WANDERING GINZA BUTTERFLY ne joue pas dans la même cour que LA FEMME SCORPION qui va rendre célèbre leur interprète Meiko Kaji. Précédent ce dernier de peu, il n’affiche ni la même recherche visuelle, ni la même tonalité de direction d’acteurs. Ici, plusieurs personnages surjouent (la pickpocket Tsome, certains yakuzas…) et les autres souffrent d’une caractérisation insuffisante à les extirper de la production lambda. Figure centrale, Meiko Kaji y est donc nettement moins iconique que dans son titre phare. Par contre, elle sera autrement mieux humanisée, le scénario la dépeignant en quête de rédemption, tentant de se faire pardonner son meurtre auprès de la femme et du fils de sa victime, et apportant son aide ceux à qui elle accorde son amitié.

En dépit d’une ambition sans doute moins élevée que pour d’autres titres ultérieurs de sa star, le film n’en reste pas moins parfaitement regardable et distrayant, grâce à une intrigue convenablement développée sur plusieurs axes de narration et, à défaut de génie, au solide métier de la réalisation.

C’est en outre un titre historiquement intéressant en ce qu’il nous montre les premiers pas de Meiko Kaji à la Toei, où elle va bientôt rayonner, après avoir quitté, à l’issue de STRAY CAT ROCK : SEX HUNTER (Yasuharu Hasebe) et de BLIND WOMAN CURSE (Teruo Ishii), une Nikkatsu qui va se spécialiser dans le « Roman porno ». Kazuhiko Yamaguchi explique que le débauchage de Meiko Kaji de la Nikkatsu était destiné à fabriquer pour la Toei une nouvelle vedette en remplacement de Junko Fuji (la série LA PIVOINE ROUGE aka RED PEONY GAMBLER) qui allait bientôt se retirer du cinéma. Le regard dur de Meiko et ses aventures urbaines tranchaient avec les personnages très féminisés et emprunts de compassion, traditionnellement dévolus à une Junko Fuji alors régulièrement en scène dans des scénarios plus campagnards. Ce renouvellement d’héroïnes a permis à Meiko Kaji d’apporter un vent nouveau aux productions des ’70.

Le film, produit par la Toei, fait partie d’un diptyque qui se poursuit l’année suivante par WANDERING GINZA: SHE-CAT GAMBLER à la distribution duquel se joint Sonny Chiba.

Cliquez ici pour lire l’article sur Wandering Ginza : She-cat gambler


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- Article rédigé par : Philippe Delvaux

- Ses films préférés : Marquis, C’est Arrivé Près De Chez Vous, Princesse Mononoke, Sacré Graal, Conan le Barbare


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