White Apache

Un texte signé Frédéric Pizzoferrato

Italie - 1986 - Bruno Mattei, Claudio Fragasso
Titres alternatifs : Bianco Apache
Interprètes : Sebastian Harrison, Lola Forner, Alberto Farnese, Charly Bravo

Au milieu des années ’80, le western italien est mort et enterré depuis une bonne décennie et pourtant Bruno Mattei et son compère habituel Claudio Fragasso vont brièvement le ressusciter par le biais de deux films semblables dans leur thématique, WHITE APACHE et SCALPS. Lancés sur une idée de l’acteur vétéran Richard « Ninja Master » Harrison, ces westerns versent bien sûr, Mattei oblige, dans le bis en proposant une dose conséquente de violences et une pincée de sexualité. Pour WHITE APACHE, Richard Harrison réussit même à imposer son fiston Sebastian pour le rôle principal, dommage que ce dernier, en dépit d’un physique musculeux adéquat, se révèle un fort piètre acteur. Inexpressif et paraissant toujours se demander ce qu’il fait là et comment il doit se comporter, Sebastian Harrison échoue à susciter la moindre empathie pour son personnage, pourtant au départ plutôt prometteur et intéressant. Le reste du casting se compose d’acteurs médiocres et généralement dénués de charisme, loin des « sales gueules » patibulaires auxquelles le western italien nous a jadis habitué.
L’intrigue, pour sa part, égrène nombre de clichés mais se laisse suivre sans ennui, le cinéaste insistant dès le départ sur la cruauté et la barbarie pour se démarquer de ses prédécesseurs. Une bande de bandits massacre une petite communauté et ne laisse comme seule rescapée qu’une jeune Blanche enceinte, sauvée par l’Indien Tête Rouge. Si la mère meurt en couches, l’enfant survit, adoptée par une tribu apache et baptisé Shining Sky. Une vingtaine d’années s’écoulent paisiblement et Shining Sky tombe amoureux de la belle Rising Sun. Malheureusement cette idylle suscite la jalousie du frère adoptif de Shining Sky, un certain Black Wolf. Au cours d’une rixe « l’Apache blanc » tue accidentellement Black Wolf et la tribu le condamne à l’exil. Revenu parmi les Blancs, Shining Sky tente de s’intégrer mais les exactions de plus en plus violentes d’une bande de criminels massacrant les Indiens sans pitié obligent le jeune homme à retourner auprès des Apaches. Il tente de sauver Rising Sun et doit fuir pour échapper à la vindicte des Blancs.
WHITE APACHE constitue un western spaghetti sans finesse et très manichéen dans lequel tous les Indiens sont gentils et vivent en harmonie avec la nature (quasiment des hippies avant l’heure) jusqu’à l’arrivée des Blancs qui, pour leur part, sont des ordures (pour les hommes) ou des salopes (pour les femmes). Même la demoiselle éprise du héros dévoile finalement sa vraie nature en affirmant qu’elle « se fiche de voir des Indiens massacrés » avant d’accuser notre brave « Apache blanc » de viol et se délecter des tortures qu’il subit. Bonjour la nuance et la subtilité mais nous sommes quand même dans un film de Bruno Mattei après tout et un film de Bruno Mattei ce n’est pas tout à fait du cinéma. Très prévisible, ce western nihiliste déroule par conséquent une intrigue bien noire et linéaire se terminant sans la moindre surprise et permettant une dose élevée de sadisme à l’italienne.
La mise en scène de Mattei (quoique selon certains il faille surtout créditer WHITE APACHE à Fragasso qui l’aurait presque entièrement réalisé pendant que Mattéi dirigeait SCALPS) accuse, elle, des faiblesses préjudiciables comme ces séquences de combats très mal réglées dans lesquelles les coups passent clairement à côté de leur cible. Les stock-shots animaliers affreux (une constante du cinéaste) s’accordent également fort mal avec le reste du métrage tant leur qualité s’avère douteuse, les plans voulus majestueux d’un aigle volant dans les cieux sont, par exemple, atrocement intégrés. Néanmoins, Mattei assure le service minimum et garde à WHITE APACHE une certaine cohérence en évitant les prises ratées, les scènes foireuses et les raccords hasardeux, parvenant même à emballer quelques plans mettant en valeur les beaux paysages naturels à sa disposition. Le minimum diront certains mais ceux là n’ont sans doute jamais vu certaines productions honteuses torchées à la va vite par un Mattéi filmant en dépit du bon sens (au hasard le diptyque HORROR CANNIBAL).
La violence racoleuse et les passages cruels, incluant de brefs plans gore (en particulier un coup de tomawak en pleine face) et une poignée de viols, sont, eux, typiques du réalisateur qui ne se gêne pas pour donner dans la gratuité et l’exploitation. Néanmoins, l’ensemble reste plus timoré que SCALPS et laissera sur leur faim les inconditionnels de Mattei et de ses excès jusqu’au boutiste.
Concernant la musique de Luigi Ceccarelli, elle alterne le passable et le réussi mais, dans l’ensemble, colle adroitement aux images et porte véritablement l’action, sans génie mais avec une relative efficacité. Un bon point tant une musique caractéristique reste indissociable d’un western réussi.
En résumé, WHITE APACHE poursuite la veine crépusculaire et gore des derniers grands westerns italiens de la fin des années ’70 (et en particulier KEOMA et MANNAJA L’HOMME A LA HACHE) sans en retrouver le panache mais en accentuant encore leur caractère sanglant, désespéré et brutal. L’utilisation d’un narrateur et la présence d’un étrange Indien philosophe commentant l’action à la manière d’une tragédie antique lui donne un cachet particulier mais ne suffisent pas à élever le propos. Au final il ne subsiste qu’une série B (voire Z) pas déplaisante mais à l’intérêt limité (bien inférieur à SCALPS) et dont la vision sera réservée aux inconditionnels du western spaghetti.


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- Article rédigé par : Frédéric Pizzoferrato

- Ses films préférés : Edward aux Mains d’Argent, Rocky Horror Picture Show, Le Seigneur des Anneaux, Evil Dead, The Killer

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