Wolfboy

Un texte signé Sophie Schweitzer

Etats Unis - 2019 - Martin Krejci
Titres alternatifs : The True Adventures of Wolfboy
Interprètes : Jaeden Martell , Chloë Sevigny , John Turturro

Ode à la différence, WOLFBOY adopte la forme d’une fable enfantine pour aborder les problèmes malheureusement toujours actuels du rejet de la différence et de la difficulté d’avoir un physique hors norme. En adoptant le point de vue de Paul, un adolescent de 13 ans affecté par une maladie génétique l’affublant d’une pilosité telle qu’elle lui donne l’apparence du WOLMAN des studios Universal, le film trace une quête existentielle où on croisera la route de personnes voulant exploiter cette différence, mais aussi des personnages différents comme le narrateur qui lui apprendront à accepter sa différence. Ainsi, on rencontre les personnages d’un freak show moderne, une punkette nommée Rose, une adolescente se rêvant star de music-hall et bien d’autres personnages hauts en couleur.

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Critique de Wolfboy réalisé par Martin Krejci
Paul rêve d’ailleurs

Premier long métrage du réalisateur américain Martin Krejci, WOLFBOY est produit par Big Indie Pictures et K Period Media. Il ressemble à beaucoup de films indépendants américains par son récit, sa narration à hauteur de personnage et l’adoption d’un point de vue original :  celui plein des fantasmagories du héros. Ce dernier est campé par un Jaeden Martell méconnaissable sous le maquillage qu’impose la maladie de Paul. Le jeune comédien s’est fait remarquer avec MIDNIGHT SPÉCIAL où il incarnait déjà un petit garçon hors du commun, mais c’est son rôle dans CA qui l’a fait connaitre du grand public. Pour incarner les personnages originaux qu’il va croiser, on retrouve : John Turturro en directeur de freak show inquiétant, Chloë Sevigny en mère absente, et Eve Hewson (THE KNICK, LE PONT DES ESPIONS) en fascinante punkette. On retiendra surtout Sophie Giannamore, tout à fait fascinante en muse et compagne de fugue.

Une épopée fantastique

En effet, Paul choisit de fuguer après une dispute avec son père. Il a reçu une mystérieuse carte lui indiquant un point de rendez-vous où sa mère, l’ayant abandonné quelques années plus tôt, lui expliquera tout. En cours de route, il fait la rencontre de cette adolescente pas comme les autres qui le prend sous son aile, et, de son côté, Paul l’entraine dans une fuite en avant qui n’est pas sans rappeler la série THE END OF THE F***ING WORLD qui dépeint aussi deux adolescents rebelles cherchant à échapper à la normalité banale étouffante de la vie. Contrairement aux héros de la série, nos deux adolescents ont des raisons de s’enfuir. Leur différence et le rejet qu’ils subissent de par la société, l’incompréhension et les échecs de leurs parents nourrissent la colère éprouvée par le héros, soutenu par sa compagne de fugue.

Nos deux aventuriers en quête de réponses

Le film, cependant, ne traite pas le sujet de la fugue et de la recherche d’identité sous le prisme du réalisme. En effet, le fantastique affleure durant tout le film, né de l’imagination débordante du héros qui aimerait aussi bien se voir en prince, en héros de conte de fées, qu’en bizarrerie de la nature. On devine également que cette imagination est une barrière protectrice envers les insultes de ses camarades d’école tout autant qu’un palliatif à l’absence de sa mère. Cette fantasmagorie se retranscrit à la fois dans le silence et le hors champ, mais également dans les intertitres qui proposent des illustrations dignes d’un livre pour enfant. Ces titres séparent le film en segments symbolisés par l’archétype fabuleux de chaque rencontre que fera le garçon.

Suivant le schéma d’un conte de fée

Ce rapprochement avec le conte de fées n’est pas innocent : le film est un récit initiatique adoptant les différents rebondissements qu’intègre Campbell dans le Voyage du Héros. Cela n’est guère étonnant quand on sait que cette analyse des contes de fées et de légendes a été une source d’inspiration pour les scénaristes d’Hollywood. En adaptant ces thématiques à la vie d’un enfant simplement différent, le réalisateur donne de la force au récit, car les épreuves subies par le jeune héros (le harcèlement scolaire, l’abandon parental, la fugue bien sûr, mais également l’acceptation de sa différence et le besoin de connaître ses origines) sont tout à fait réelles.

Un père qui fait ce qu’il peut

Bercée par une musique aux tonalités féériques, la composition de Nick Urata fait parfois penser à celles que composait Daniel Elfman pour Tim Burton. Les images de EDWARD AUX MAINS D’ARGENT nous reviennent forcément en tête. Tout autant que celles de BIG FISH quand notre jeune héros tente d’entrer dans un cirque pour se faire un peu d’argent. Le lien de filiation est renforcé par la photo de Andrew Droz Palermo. En effet, l’image du film est chargée de couleurs vives, plutôt chaudes qui deviennent sombres quand Paul s’engage sur un mauvais chemin et fait de mauvais choix comme fuguer ou brûler quelque chose. Au contraire, quand il est persécuté et subit une situation, la luminosité est forte, comme un soleil insoutenable, mais aussi, comme pour dire qu’il ne peut échapper au regard de l’autre qu’il doit assumer sa différence, car il ne pourra s’en défaire.

Sans être d’une incroyable originalité, WOLFBOY réussit néanmoins son pari et propose un film incarné et passionnant à suivre. Il est touchant par ce qu’il raconte et la manière dont il le fait.


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- Article rédigé par : Sophie Schweitzer

- Ses films préférés : Le bon, La brute et le Truand, Suspiria, Mulholland Drive, Les yeux sans visage, L'au-delà - Ses auteurs préférés - Oscar Wilde, Sheridan LeFanu, Richard Mattheson, Stephen King et Poppy Z Brite

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