Work of Director: Viktor Alexis

Un texte signé Tom Flener

France - 2004-2010 - Viktor Alexis, Adrian Silvera
Titres alternatifs : (1e Partie)
Interprètes : Viktor Alexis, Audrey Vignaud, …

INCITATUS, le premier métrage de cette compilation, est un bon exemple de la force de Viktor Alexis en tant que réalisateur, et souligne à merveille ses thèmes fétiches. Le court-métrage nous présente deux amis, Leonus et Weltus, qui doivent néanmoins s’affronter pour déterminer qui succèdera au roi et règnera ainsi sur le royaume de Nalgam. Afin de leur donner une raison de se battre, Incitatus, le dieu de leur peuple, fait appel à leurs instincts humains primitifs et envoie une nymphe pour créer la jalousie entre les deux.
Viktor Alexis décide d’introduire cette œuvre avec un court récit pour expliquer le contexte. Ce film, entièrement muet, n’en aurait pas eu besoin. Comme beaucoup des œuvres du réalisateur, INCITATUS reste une expérience forte, même sur un niveau purement visuel. Les motivations des différents personnages ne sont pas toujours claires, n’ont pas besoin de l’être. Ce que Viktor Alexis omet en dialogue, il nous le communique par ses visuels et par une bande-son parfaite. Si la rencontre entre les deux protagonistes et la nymphe est d’une poésie calme, l’affrontement entre les deux guerriers est d’une force qui ne trahit jamais le budget plus que minime dont le réalisateur a dû profiter. En effet, les armures sont construites de bric et de broc, et auraient provoqué le rire dans toute autre situation. Une fois que Leonus et Weltus commencent à se démolir, les mouvements de caméra et la bande-son nous donnent l’impression que la terre tremble sous le moindre de leurs coups. 2500 plans ont été tournés pour INCITATUS, pour 26 minutes de film, et ça se voit. INCITATUS reste ainsi le film le plus abouti de la collection, au niveau technique et de la mise en scène.
INCITATUS contient plusieurs éléments chers à Viktor Alexis, et qu’il a utilisés fréquemment au sein de son œuvre. Ainsi, il montre la nymphe nue, dans l’eau. Ce ne sera pas la seule fois qu’il montre le lien étroit entre le corps de la femme et la nature, le plus souvent à travers l’eau. Viktor Alexis a également tendance à nous montrer des personnages à première vue étrangers au récit. Ainsi, nous voyons se promener au-dessus de la ville un géant en scaphandre. Plus tard, ce géant confronte un autre géant en armure, et leur combat reflète celui de Leonus et Weltus. La signification de ces deux personnages n’est pas très claire, et d’autres métrages de Viktor Alexis sont peuplés par ces créatures, iconiques dans leur seule présence, et tirant une partie de leur force symbolique justement de cette ambiguïté.

HORLA REDUX est une version épurée de LE HORLA, tourné lui en 2008. Viktor Alexis a décidé d’éliminer le début, de nous plonger dans l’histoire in medias res. Il a éliminé une vingtaine de minutes de la version longue, a ôté la plupart du dialogue, et a fait des changements dans la bande-son. Si la version longue représentait déjà une version plus onirique, plus mystérieuse du conte de Maupassant, la version REDUX l’est encore plus. En s’éloignant de cette façon de l’original, Viktor Alexis réussit néanmoins à en faire d’avantage une œuvre personnelle. Moins de Maupassant, et plus de Viktor Alexis, pour être précis. La version longue mérite néanmoins d’être vue, et inclut certaines scènes bien filmées et qui donnaient un atout au récit. Dans sa présente version, HORLA REDUX ressemble encore plus à un poème visuel et trouve ainsi mieux sa place dans cette rétrospective.

BADALAMENTIQUE, malgré son titre suggestif, n’est pas un hommage au compositeur fétiche de David Lynch. Viktor Alexis introduit ce court-métrage avec un texte délibérément mystérieux, néanmoins étrangement poétique et suggestif : « La cité de verre dit à la jeune femme –Reviens– ». Cette jeune femme retourne vers un bâtiment, probablement sa propre demeure. On la voit danser sous la pluie, à moitié nue, et se rouler dans l’herbe mouillée. Finalement, elle se retrouve devant un miroir, caresse son propre reflet, tout à fait ignorante de l’homme qui passe ses mains sur elle par derrière. Si Viktor Alexis a voulu raconter une histoire, elle est délibérément cachée dans ces images d’un érotisme évident. Comme presque toute autre œuvre de cette collection, BADALAMENTIQUE mérite de toute façon plusieurs visionnages, et si finalement on retient surtout une célébration de la forme féminine, il ne faut pas bouder notre plaisir.

LE DOMAINE DES NON-REVENUS nous présente une vision ambiguë de notre monde. Ambiguë car de nouveau obstruée par le talent visuel de son réalisateur et sa volonté de ne pas simplement nous offrir une interprétation sans un travail de réflexion de notre part. Une femme enceinte et son partenaire se retrouvent dans une chambre, tandis que dehors, on entend les bruits et les sifflements de bombes. Une vision dystopique de l’humanité qu’on retrouve dans d’autres métrages de Viktor Alexis. On change de scène, et une jeune fille – la fille du couple ? – se retrouve au milieu d’une forêt, entourée de singes. Contrairement à la scène précédente, on se retrouve ici dans une sorte d’Eden, paisible, loin des corruptions de notre civilisation. Comme dans BADALAMENTIQUE, Viktor Alexis fait ici de nouveau le rapprochement entre le corps féminin et la pureté de la nature.

JONOO FROM CATERWAULER’S VOICES, REZBIRD et BEARICE de KraftiM, ainsi que LULLABY de JOANNE GABRIEL, sont des clips qui accompagnent des pièces de musique et peuvent donc être appréciés sur un plan purement visuel. Le JONOO de KraftiM, d’une durée de 3 minutes, ne présente qu’un seul visuel, changeant lentement. L’intérêt est moindre, mais il faut quand même souligner l’effet hypnotique des images, en accord avec la musique relaxante qui l’accompagne.
REZBIRD montre un scarabée noir qui avance et escalade une surface de sable, tandis que dans BEARICE, un robot observe des machines lors de la moisson.
LULLABY reste surtout intéressant pour la symétrie de la vidéo qui reflète parfaitement celle du chant, et pour les images néanmoins belles qu’a créés Viktor Alexis. Finalement, ces clips restent des œuvres mineures dans cette collection, mais méritent quand même un premier visionnage.

AURORA revisite certains thèmes fétiches du réalisateur. Comme dans LE DOMAINE DES NON-REVENUS, il nous propose ce qui semble être une dystopie. Dans une ville déserte erre un homme (joué ici par Viktor Alexis même). Il trouve une femme, seule, inconsciente, et décide de l’emmener avec lui dans son voyage à travers ce monde dépeuplé. De nouveau, Viktor Alexis crée un lien direct entre la force de la nature et la femme, peut-être encore plus clairement que dans d’autres de ses films. Ici, la survie même de la femme dépend de sa place parmi les éléments naturels.
Comme dans d’autres œuvres, on retrouve ici des personnages qui semblent n’avoir rien à voir avec le récit principal, et dont la présence est plutôt déconcertante. Ainsi, un homme avec un masque de hockey rôde à l’entour, une icone menaçante qui peut aussi bien représenter le côté malsain de l’humanité que le pouvoir destructeur à l’origine de ce monde abandonné. Le moine peut donc être vu comme l’exact contraire, une lueur d’espoir qui annoncerait parfaitement la fin plutôt féérique de ce récit. Cette présence de figures à première vue étrangères au récit est néanmoins une figure de style importante dans les œuvres de Viktor Alexis, et n’ennuie jamais. Au contraire, elle ajoute au mystère de certaines de ses œuvres.

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- Article rédigé par : Tom Flener

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