Un texte signé André Quintaine

Japon - 2005 - Junya Sato
Titres alternatifs : Otoko-tachi no Yamato
Interprètes : Takashi Sorimachi, Shido Nakamura

asian-scans

Yamato

Une fois n’est pas coutume, nous allons commencer cet article par un cours d’histoire qui ne devrait pas faire de mal à ceux d’entre vous qui ont abusé de l’école buissonnière… 1939, alors que les Etats-Unis imposent un blocus au Japon pour avoir envahi la Chine, les Japonais attaquent Pearl Harbor, ce qui a pour conséquence de déclencher la Seconde Guerre Mondiale. Quelques années plus tard, les Japonais sont en passe de voir leur pays envahi par les troupes américaines. A ce moment-là, ils décident de frapper un grand coup, même si ce n’est que symbolique… Leur plus grand navire de guerre, le Yamato, qui fait la fierté de leur armement naval, est envoyé pour défendre les côtes nippones. Tous savent qu’il n’a aucune chance de revenir intact. Sur le bateau, les hommes acceptent de donner leur vie pour leur patrie. Si le Japon perd la guerre, cela sera avec bravoure et ce sacrifice permettra au pays de retrouver son honneur, malgré la défaite.
Les Japonais forment un peuple fier et patriotique et il n’est sans doute pas aisé de rester sur une défaite. Evidemment, il n’est pas question de réécrire l’histoire mais ils peuvent peut-être positiver les aspects les plus glorieux, un peu comme ce que nous envisageons de faire avec la colonisation.
YAMATO met en scène des personnages humains qui se battent par amour de leur pays. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ils ne combattent pas pour la conquête de nouveaux territoires, pour exploiter la matière première de ces derniers ou pour asservir les peuples voisins. Non, ils combattent pour défendre leur bien-aimée, leur famille et leur pays, sur le point d’être envahi par les troupes américaines. Si la démarche qui consiste à rendre hommage aux hommes qui ont défendu un pays et sa population est respectable, on aurait aimé que les relents patriotiques soient, quant à eux, restés aux toilettes. Il est évident que ces films aux soit-disant bonnes intentions perdent toute crédibilité dès qu’ils font appel au patriotisme. On aurait ainsi pu trouver la démarche remarquable si les Japonais avaient produit un film contant la résistance de Chinois face aux troupes nippones.
Plus qu’une réhabilitation de ses anciens combattants ou la livraison d’un témoignage historique, on comprend vite que ici, la volonté est avant tout de réconcilier un peuple avec son passé et de lui donner une raison d’en être fier. Comme il est dit dans le film : « certes, nous allons perdre la guerre, mais notre sens du sacrifice attirera la sympathie du monde sur notre nation ». En réalité, on voit surtout de pauvres jeunes garçons endoctrinés jusqu’à la moelle qui s’apprêtent à donner leur vie pour une bande de politiciens aux dents longues. Espérons que les spectateurs nippons, les premières cibles de ce genre de produit de propagande auront vu en ce film la même chose…
Comme toute reconstitution historique qui se respecte, YAMATO est très long puisqu’il dépasse les deux heures de métrage. Il se déroule en 3 parties distinctes. Dans la première, nous avons droit à la présentation des différents et nombreux protagonistes. C’est aussi l’occasion pour le réalisateur de nous donner un aperçu de la vie sur un navire de guerre. Entre le nettoyage du pont et les manœuvres, on s’ennuie ferme. Une bataille viendra rompre la monotonie de l’action, une bataille trop courte qui ne restera pas dans les mémoires et qui annonce, déjà, la déception que l’on ressentira à la vision du final. En attendant cette troisième partie, la seconde suit de plus près chaque troufion alors que chacun sait qu’il va livrer sa dernière bataille, celle qui est sans espoir de retour. Les séparations avec la fiancée ou la mère qui a déjà perdu 3 ou 4 enfants à la guerre sont douloureuses et déchirantes mais n’apportent pas de réels coups de fouet au rythme toujours aussi monotone. Arrive alors la bataille finale, tant attendue. Les tourelles et les canons crachent leur venin sur une multitude d’avions qui remplissent le ciel comme une nuée d’abeilles. Ces derniers ripostent rudement et sans pitié. Le Yamato n’a aucune chance et finira par couler avec la quasi-totalité de son équipage, comme il est écrit dans les livres d’histoire.
Difficile de reprocher au film le classicisme de sa structure. Il est pensé pour le plus grand nombre et doit, par conséquent, le moins possible bousculer les esprits. Il s’agit d’un gros budget et les producteurs prennent un minimum de risque. Inutile donc de chercher une quelconque originalité dans le scénario de YAMATO. En revanche, on pourra être très déçu par le traitement de la troisième partie. La bataille entre les avions US et le Yamato n’est pas à la hauteur des attentes. Tout le monde court en large et en travers, les explosions fusent dans tous les sens, il y a même des membres qui sont parfois arrachés, la tragédie de l’issue inéluctable du Yamato et de ses hommes est palpable… Mais tout cela est réduit en image dans des cadres serrés, trop serrés. C’est bien simple, on ne comprend rien à ce qui se passe à l’écran puisque aucun recul ne nous est offert. Au final, l’action perd de son intérêt, de son intensité, de sa grandeur.
On peut reprocher ce que l’on veut au TITANIC de James Cameron, mais on ne peut pas lui enlever le mérite d’avoir imposé un degré d’exigence plus important lorsqu’il s’agit de montrer en image un navire qui sombre dans l’océan. Le final de YAMATO n’est pas digne des dix années qui le séparent de son prédécesseur. Alors que les explosions fusent de toute part, soudain, nous avons droit à un plan du navire à moitié sous l’eau. Puis, quatre ou cinq soldats tombent à la mer et s’en est déjà fini du Yamato. Peut-être que les auteurs désiraient plus valoriser le sacrifice de jeunes hommes que celui d’un bateau. Néanmoins, le plus grand navire de guerre de son époque méritait lui aussi un peu d’égard.


Votre soif de lecture n'est pas rassasiée ?
Téléchargez les anciens numéros de Sueurs Froides


Inscrivez-vous à la liste de diffusion et accédez au
téléchargement des anciens numéros de Sueurs Froides :
- Une tranche d'histoire du fanzinat français
- 36 numéros de 1994 à 2010
- Près de 1800 films critiqués
Un index est disponible pour chercher un film ou un dossier
CLIQUEZ ICI.

- Article rédigé par : André Quintaine

- Ses films préférés : Frayeurs, Les Griffes de la Nuit, Made in Britain, Massacre à la Tronçonneuse, Freaks

Share via
Copy link