Zorro au service de la reine

Un texte signé Nassim Ben Allal

Dans le cinéma populaire européen, le personnage de Zorro apparaît au tout début des années soixante, c’est-à-dire au moment de la diffusion sur les petites lucarnes du vieux continent de la série éponyme produite par Walt Disney. Toujours aussi opportunistes, les producteurs transalpins surfent sur la vague initiée par le père de Mickey pour proposer dès 1962 un ZORRO IN THE COURT OF SPAIN. Le succès est au rendez-vous, convoquant le justicier au masque noir pas moins de huit fois avant ce ZORRO AU SERVICE DE LA REINE tourné en 1969 par Franco Montemurro. Cinquième et ultime film de sa courte carrière de metteur en scène, ZORRO AU SERVICE DE LA REINE n’est cependant pas le dernier opus de son auteur puisque celui demeurera un prolifique réalisateur de seconde équipe. Interprété ici par le grec Spiros Focás, le justicier va servir les intérêts de la reine Victoria.
Sur Hamilton, une île des Bermudes colonisée par l’Angleterre, le gouverneur fait régner la terreur, augmentant arbitrairement les impôts qu’il détourne allégrement et condamne aux travaux forcés ceux qui ne peuvent les payer. Si une voix à le malheur de le critiquer, c’est la pendaison sans autre forme de procès. Heureusement, Zorro veille au grain et libère un homme qui va porter la protestation aux oreilles de la reine Victoria. Décidée à tirer les choses au clair, celle-ci charge l’un de ses conseillers, Lord Percy Moore, de se rendre sur place afin de mener l’enquête. Ce qu’elle ignore, c’est que Percy Moore est un perfide requin, vieil ami du gouverneur de l’île. Lorsque Zorro s’en rend compte, il fédère un groupe de résistants pour renverser le gouverneurs et ses alliés afin de faire éclater la vérité au grand jour. Mais Lord Moore et son gouverneur d’ami ont plus d’un tour dans leur sac.
Toujours aussi bondissant et virevoltant, prompt à défendre les opprimés, Zorro officie cette fois dans une île des Bermudes qui ressemble étrangement à l’Italie du nord. Face à lui, les soldats de sa Majesté armés jusqu’aux dents ont cette gouaille et cette hystérie typiquement transalpine. Tant pis pour la crédibilité, ce n’est pas là ce que le spectateur recherche. Aidé de Pedrito, l’équivalent parlant (et très mauvais comédien) de Bernardo, Zorro, alias Don Suarez se démène pour faire triompher la justice tout en parvenant à séduire une belle qui se trouve être…la nièce de Percy Moore, elle-même convoitée par le gouverneur. Romance, jalousie, aventure et action sont donc au menu de cet opus très divertissant, un brin bavard et un peu trop classique dans sa narration pour remporter tous les suffrages. La mise en scène de Montermurro offre le minimum syndical, Spiros Focás ne convainc qu’avec le masque de Zorro, mais Franco Ressel compose un tel personnage de fourbe qu’il est de toute manière difficile de s’imposer face à lui. Au-delà de ces aspects artistiques, ZORRO AU SERVICE DE LA REINE ne transcende jamais un scénario qui contourne savamment tout engagement politique pour le réduire à un simple affrontement manichéen. C’est bien dommage, car à travers le personnage de Percy Moore, c’est une véritable métaphore de l’humanité et de ses bassesses O combien banales qui pouvait être abordée, face à un Zorro tout noir à l’extérieur mais bien trop blanc et lisse à l’intérieur. Reste une petite bande sympathique et divertissante, idéale pour combler les longues soirées d’hiver.