Chasse Gardée
Un homme seul arpente les rues d’un monde post-apocalyptique. Un virus a éradiqué la majorité de la population pour en faire une horde de zombies affamés. Cet homme tentera tant bien que mal à vivre une vie normale. Mais ce monde hostile va changer radicalement sa nature profonde. Ca commence quand il retrouve son ancien amour, qui a aussi beaucoup changé depuis…
CHASSE GARDEE est une adaptation assez libre de la bande dessinée Eat Your Heart Out de Kelley Jones, tirée de la série des Zombie World éditée par Dark Horse Comics. Ce moyen-métrage amateur ne dure que 40 petites minutes mais il a beaucoup de choses à dire. Ce n’est pourtant pas évident de prime abord…
En effet, ça commence comme beaucoup de films de zombies. Le décor est rapidement planté, le monde dans lequel vit le héros n’a plus rien de chaleureux. C’est le chaos total. On peut saluer le travail du directeur de la photo et du décorateur, car les décors sont magnifiques pour une production amateur. Ils sont filmés avec justesse et sans trop d’artifices. Là où CHASSE GARDEE innove, c’est dans le traitement de ses personnages. Après une première partie plus basée sur l’action et l’humour noir, le film se concentre sur le héros. On le suit jusque dans ses pensées à travers une voix-off. JE SUIS UNE LEGENDE (la nouvelle et les adaptations au cinéma) n’est pas bien loin, notamment pour le côté introspectif du héros. Mais, héros est un bien grand mot, car il se transforme peu à peu en anti-héros. Peut-on lui en vouloir, quand on vit dans un monde chaotique et écrasant de danger ? Un monde où c’est chacun pour soi, où l’on ne peut que compter sur soi même ? L’interprétation est honorable, elle aide à rendre cette histoire intéressante. Pour certains personnages du film on retrouve un ”patte” typiquement française voire européenne. On remarque cela surtout quand notre anti-héros rencontre un homme qui lui sauve la vie. Cet étranger possède des mimiques et cabotine comme on en a l’habitude en France. Mais ce n’est pas bien grave et ça apporte quelques petits moments de légèreté. Les protagonistes hauts en couleurs ont chacun leur petit grain, rien n’est normal et même les zombies se mettent à faire de la capoeira !
Pour ceux qui ne connaissent pas la bande dessinée, le thème principal de celle-ci est l’histoire que vit le héros avec son amour de toujours ; c’est aussi le cas du film. Et c’est là qu’il prend véritablement son envol. On en vient presque à regretter la courte durée du film tellement on a envie d’en savoir plus. Mais malgré toutes ces scènes plus sérieuses, le film est parsemé d’action, d’humour noir et de quelques scènes gores bien corsées. On nous gratifie du festin habituel de zombies bien affamés, plus des éclats de balles de fusil bien sanglants. Les effets gore sont très jolis et exécutés avec brio. CHASSE GARDEE n’est en aucun cas ennuyant. Les effets spéciaux de maquillage des morts-vivants sont à placer dans le style vieille école, on pense à LA NUIT DES MORTS-VIVANTS de Romero (1968) et sa suite. CHASSE GARDEE se permet d’ailleurs plusieurs clins d’oeils plutôt discrets, ce qui évite le pompage honteux donc se rendent coupables certains réalisateurs.
Tout ça est filmé à la mini-DV. L’image a semble-t-il été retravaillée pour donner une teinte spéciale, on croirait voir un film tourné à la pellicule. Cet aspect 8mm voire 16mm donne de l’ampleur et magnifie une photographie déjà excellente. On oublie parfois le contexte amateur dans lequel c’est tourné, ce qui est très fort. Le travail acharné dont a fait preuve toute l’équipe de tournage est payant pour le spectateur. La gestion de la musique est très importante et là aussi, c’est réussi. Un savant mélange de musique rock/métal et une autre bien plus classique soutient admirablement ce que l’on voit à l’écran.
Difficile de trouver quelque chose à redire avec tous ces atouts. CHASSE GARDEE figure donc, au côté de MAXIMILIANI ULTIMA NOX de Thierry Lopez, dans le firmament du court-métrage amateur. Ces deux films prouvent que le mot ”amateur” ne signifie pas obligatoirement ”mauvais”. Ils nous démontrent aussi que le manque de moyens peut quand même laisser transparaître le talent, et du talent ils en ont.