Un texte signé Alexandre Lecouffe

Royaume-Uni - 1971 - Peter Sasdy
Titres alternatifs : Countess Dracula
Interprètes : Ingrid Pitt, Nigel Green, Sandor Elès


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Comtesse Bathoryretrospective

Comtesse Dracula

L’année 1970 marque la fin de l’âge d’or de la firme anglaise Hammer qui aura produit de nombreux chefs d’œuvre du fantastique gothique signés Terence Fisher (FRANKENSTEIN S’EST ECHAPPE, 1957), John Gilling (L’INVASION DES MORTS-VIVANTS, 1966), Roy Ward Baker (LES MONSTRES DE L’ESPACE, 1967) ou Freddie Francis (DRACULA ET LES FEMMES, 1968).La dernière période de la compagnie (1970-1974) avant sa laborieuse reconversion dans la production télé, est marquée par une série de films où violence et érotisme sont décuplés afin probablement de faire de l’œil à un public davantage attiré par des œuvres audacieuses comme LA NUIT DES MORTS-VIVANTS (George Romero, 1968) ou L’EXORCISTE (William Friedkin, 1973). Véritable emblème de la Hammer, le Vampire est alors décliné au féminin et teinté de saphisme dans une « trilogie Karnstein » inspirée du roman « Carmilla » (1871) de Sheridan Le Fanu (VAMPIRE LOVERS de Roy Ward Baker, 1970 ; LUST FOR A VAMPIRE de Jimmy Sangster, 1971 et LES SEVICES DE DRACULA de John Hough, 1972). COMTESSE DRACULA est certainement le film fondateur de cette vogue de « femmes-vampires » et s’inspire quant à lui des crimes de la Comtesse hongroise Erszébet Bathory (1560-1614), reconnue coupable de la mort de centaines de jeunes femmes qu’elle torturait avant de boire leur sang ou de l’utiliser pour ses bains. Le réalisateur Peter Sasdy (UNE MESSE POUR DRACULA, 1969 ; LA FILLE DE JACK L’EVENTREUR, 1971), lui-même d’origine hongroise, passionné par cette figure à la fois historique et légendaire, a de toute évidence puisé à la source du roman de Valentine Penrose, « La Comtesse sanglante » (1962). C’est aussi probablement le cas des réalisateurs ayant fait de Erszébet Bathory leur « héroïne » : Harry Kumel (LES LEVRES ROUGES avec Delphine Seyrig, 1971) ou Jorge Grau (CEREMONIE SANGLANTE avec Lucia Bosé, 1973) entre autres.
A la mort du Comte Nodosheen, son épouse Elizabeth (Ingrid Pitt) devient la maîtresse du Château où vivent aussi le Capitaine Dobi (Nigel Green, LE MASQUE DE LA MORT ROUGE de Roger Corman, 1964), intendant des lieux et amant de longue date de la Comtesse, ainsi que le jeune Imre Toth, fils d’un compagnon d’armes du défunt Comte. La Comtesse, femme vieillissante et aigrie, est attirée par le fringant jeune homme ; elle découvre bientôt que le sang d’une jeune fille lui permet de rajeunir ! Le fidèle Capitaine Dobi est alors chargé d’enlever des innocentes qui seront vidées de leur sang puis de retenir prisonnière la jeune Illona, la propre fille de la Comtesse qui revenait au Château après plus de 15 ans d’absence. Elizabeth, qui a repris l’apparence d’une jeune femme, ne supporte en effet aucune compétition ; elle parvient à séduire Imre en se faisant passer pour Illona. Dans le village, les disparitions commencent à faire parler les habitants…
COMTESSE DRACULA représente une des rares tentatives de la Hammer de conjuguer fantastique gothique et récit pseudo-historique : on se souvient notamment de l’étonnant RASPOUTINE, LE MOINE FOU de Don Sharp avec Christopher Lee (1965). Le film de Peter Sasdy, à l’instar de celui pré-cité, se contente de faire revivre une figure mythique, quasi-légendaire, en simplifiant et en atténuant son véritable impact historique. La Comtesse Bathory, pendant amplifié et féminin d’un Gilles de Rais, prend dans le film les traits édulcorés d’une aristocrate revêche et vaguement cruelle, simplement soucieuse de séduire et de redevenir jeune. Nous sommes donc à mille lieux de la réalité des faits (plus de 600 femmes auraient été sacrifiées !) et c’est plutôt le cadre et l’atmosphère fantastico-gothique qui sont mis en valeur dans le film : les intérieurs baroques du Château (où se déroule la quasi-totalité de l’intrigue) et les rituels macabres qui s’y dissimulent ont toute l’attention du réalisateur. Chaque pièce et chaque recoin se distinguent par leur fastueux décorum aux couleurs chatoyantes (le mauve du lit de la Comtesse, les vitraux multicolores dans sa salle de bains…) et aux éclairages volontairement artificiels qui concourent à faire de l’espace diégétique un lieu purement imaginaire, assez proche de l’univers des contes de fées. Le film en reprend ouvertement la structure narrative, les personnages archétypaux (le Prince Charmant : Imre ; la Princesse captive : Illona et la Sorcière : la Comtesse Elizabeth) et certains motifs stéréotypés (l’importance du miroir comme reflet de l’âme…). De fait, COMTESSE DRACULA s’avère un peu simpliste et prévisible dans son déroulement et ne convoque que de très rares séquences érotiques ou sanglantes ; on retiendra le meurtre assez graphique d’une jeune tzigane dont le cou est transpercé d’une grosse aiguille ou la vision trop furtive d’Ingrid Pitt surprise nue et à demi couverte de sang. Egérie tardive de la Hammer (THE VAMPIRE LOVERS ; THE WICKER MAN de Robin Hardy, 1973…), l’actrice incarne de façon crédible le (double) rôle-titre et apporte à son personnage une vraie dimension lyrique. Indépendante et sensuelle, la Comtesse “Dracula” (l’utilisation du patronyme est purement commerciale) constitue un des premiers et rares exemples dans un “film de vampires” où la femme n’est plus simplement reléguée au rôle de la belle victime (souvent consentante). Si cette vision « féministe » se révèle intéressante en soi, elle ne parvient pas à combler l’aspect superficiel du film auquel il manque la dimension dramatique que le sujet appelait. Seule une scène remarquable où la Comtesse hurle son désespoir de vieillir à nouveau et supplie son amant de lui trouver du sang frais esquisse un semblant d’épaisseur tragique. On se prend alors à rêver de ce que le grand Terence Fisher aurait pu tirer d’un tel sujet et on se contente d’un film toujours plaisant mais sans grand relief.






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Article rédigé par : Alexandre Lecouffe

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