Un texte signé Stéphane Pretceille

USA - 2011 - Charles De Laurizika
Interprètes : Josh Lawson, Emma Lung, Ron Perlman


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PIFFF 2012review

Crave

Intervenant sur des scènes de crimes en qualité de photographe, Aiden, trentenaire, est un solitaire qui n’a de cesse de s’inventer des scénarios où il joue le bon rôle. Sauveur de jeunes filles agressées par la petite délinquance, amant surdoué avec sa voisine ou encore justicier dans un Détroit gangréné par la misère et la violence, ce personnage, cousin éloigné du TAXI DRIVER de Martin Scorsese, s’enfonce progressivement dans un délire schizophrénique. Son amitié avec un flic interprété, toujours avec classe et sobriété, par l’imposant Ron Perlman et sa relation délicate avec sa voisine sont les seuls liens qui le maintiennent à flot, dans la réalité. Ces photos de crimes toujours plus abominables et sa rupture avec sa petite amie, vont entraîner Aiden au bord du précipice, son esprit dérangé contaminant les derniers moments de lucidité qui lui permettaient de faire illusion.

Dans son traitement et son scénario, CRAVE semble proche des drames urbains dans la veine du cinéma américain des années 70 où le personnage principal voit sa raison vacillée soit parce qu’il est victime d’une conspiration généralisée soit parce que son esprit est malade. Pas de théories paranoïaques dans ce métrage, il s’agit simplement d’un trentenaire souffrant de solitude, agressé émotionnellement par son job de photographe pour la police, et qui en pince pour sa petite voisine. L’histoire déroule le schéma classique d’un chagrin d’amour d’un homme mal dans sa peau et avide de reconnaissance. Le climax du film est bien loin de l’explosion de violence ou d’une conclusion glaçante, il se termine en fait-divers qui aurait toute sa place dans un quotidien résumé en une dizaine de lignes. C’est à la fois la limite du propos du réalisateur et sa qualité de maintenir un certain réalisme, le final sanglant attendu n’aura pas lieu, le principe de réalité s’imprime sur les dernières scènes, non pas la vengeance meurtrière d’un Robert de Niro complétement halluciné, mais un simple dénouement ou le personnage s’englue dans la banalité d’un crime ordinaire. On notera cette scène s’inspirant fortement de TAXI DRIVER où de Niro, à la moitié du film, sentant de plus en plus sa raison vaciller, tente avec maladresse, d’exprimer son désarroi à un collège interprété par Peter Boyle et échoue à mettre des mots sur son malaise. Le personnage de CRAVE essaiera lui aussi, auprès de son ami flic, de se libérer des tourments qui le travaillent mais en vain.

Tourné à Détroit, grande ville américaine connue pour son aspect désolé lié à sa désindustrialisation due notamment à la fermeture des industries automobiles, l’œil de la caméra nous dévoile quelques pans de cet univers urbain meurtri. Ici, quelques friches industrielles transformées avec les moyens du bord en appartement où vivent les personnages principaux, là des commerces isolés, cibles faciles des criminels, ailleurs des espaces urbains anxiogènes, sous des échangeurs d’autoroutes, espaces non nommés, à la lisière de la ville. La mise en scène aérée, la lumière et la photographie de Détroit participant efficacement à ce sentiment que les Etats-Unis ont depuis longtemps abandonné cette ville à son sort.

C’est aussi un film drôle, même très drôle, les maladresses du héros avec sa dulcinée, ses scénarios imaginaires où sauvant une belle et jeune inconnue des mains de voyous de manière extrêmement brutale, la demoiselle, d’un regard, convie le héros à une aventure sexuelle en guise de remerciements. Parcourant le film, la relation que le personnage tente d’instaurer avec sa voisine est touchante tant le premier est peu psychologue et la demoiselle snob et conformiste. Le réalisateur étant très à l’aise dans la construction de cette relation, dans les malheurs de son héros, moitié Pierre Richard moitié Travis Bickle (personnage de TAXI DRIVER), on le sent peut-être plus à l’aise dans un registre plus léger, drôle que dans un cinéma névrosé, déséquilibré et violent. CRAVE vaut largement sa sélection au Paris International Fantastic Film Festival de 2012, ses qualités sont multiples, notamment celle d’un réalisateur qui se soucie de vraisemblance et distille avec soins et intelligence des effets gore aussi efficaces qu’inattendus.






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Article rédigé par : Stéphane Pretceille

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