Un texte signé Alexandre Lecouffe

Italie - 1960 - Piero Regnoli
Titres alternatifs : L'ultima preda del vampiro, The playgirls and the vampire
Interprètes : Walter Brandi, Lyla Rocco, Alfredo Rizo, Maria Giovannini


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retrospective

Des filles pour un vampire

Réalisateur d’une petite dizaine de films (MACISTE DANS LES MINES DU ROI SALOMON, 1964), Piero Regnoli fut surtout un véritable stakhanoviste de l’écriture cinématographique puisqu’on lui doit une bonne centaine de scénarios parmi lesquels on peut citer NAVAJO JOE (Sergio Corbucci, 1966), CROC-BLANC (Lucio Fulci, 1973) ou L’AVION DE L’APOCALYPSE (Umberto Lenzi, 1980). Il est à l’origine historique de la naissance du film d’épouvante italien puisque c’est lui qui rédigera le script de LES VAMPIRES (réalisé en 1956 par Riccardo Freda et Mario Bava), première (grande) œuvre du genre dans le pays. Mais ce n’est que quatre ans plus tard que le fantastique gothique transalpin connaîtra son envol avec la production de longs-métrages prodigieux comme LE MASQUE DU DEMON (Mario Bava, 1960) ou LE MOULIN DES SUPPLICES (Giorgio Ferroni, id.). La même année, Piero Regnoli signe DES FILLES POUR UN VAMPIRE (« la dernière proie du vampire » en v.o.) au budget et à l’ambition artistique bien inférieurs à ceux des deux films pré-cités : il s’agit surtout ici d’accentuer le contenu érotique que tout spectateur digne de ce nom attend d’une intrigue traitant de vampirisme…

Durant un trajet de nuit en car, une troupe de danseuses et son directeur s’égarent et trouvent refuge dans un lugubre château, celui du comte de Kernassy ; ce dernier accepte de mauvaise grâce de les héberger mais les somme de ne surtout pas sortir de leur chambre avant le lever du jour…Cathy, une des danseuses, ne tient pas compte de l’avertissement et est agressée dans la crypte du château ; au matin, son corps sans vie est retrouvé. Bouleversé par cette mort mystérieuse, le groupe apprend par le comte qu’une tempête a détruit le seul pont menant du château vers le monde extérieur. Véra, une autre danseuse, est troublée par les propos du maître des lieux qui lui avoue qu’elle est le sosie d’une de ses aïeules, Margherita. A la tombée de la nuit, dans le jardin de la propriété, Véra constate avec effroi que le cercueil où fut ensevelie Katia est vide ; au même moment, elle aperçoit le comte dont l’apparence a tout de celle d’un vampire…

DES FILLES POUR UN VAMPIRE fait partie des tout premiers films d’épouvante à exploiter une veine « sexy » au sein d’un genre plutôt réputé pour sa chasteté (on ne peut pas vraiment dire que les premiers films de la Hammer à la même époque, en dépit de la présence de quelques généreux décolletés, soient des exemples d’œuvres libertines…). C’est en effet en 1960 (année érotique s’il en fut) que vont sortir plusieurs petites bandes ayant comme thème commun « des filles sexy dans l’antre du monstre » : le gratiné LE MORT DANS LE FILET (film allemand de Fritz Böttger), l’excellent LA MAITRESSE DU VAMPIRE (de Renato Polselli, sorti quelques mois avant le film de Piero Regnoli et également interprété par Walter Brandi) ou plus tard le délirant et exquis VIERGES POUR LE BOURREAU/LE BOURREAU ECARLATE de Massimo Pupillo (1965). C’est donc ici un essaim de jeunes et jolies danseuses qui vient se jeter dans la gueule du loup, un défilé de starlettes en tenues légères qui vient insuffler charme et frivolité dans un espace filmique (un véritable château gothique particulièrement sinistre) qui en est traditionnellement dépourvu. De fait, les déshabillés sont ici particulièrement vaporeux, mettant entre autres en valeur l’anatomie de la romantique héroïne Véra (Lyla Rocco, une ex-Miss Italie), notamment lorsque celle-ci parcourt, apeurée, les passages secrets menant à la crypte qui cache le secret des Kernassy. Plus étonnant, une assez longue scène de strip-tease (effectué par la blonde et pulpeuse Erika di Centa) se déroule dans une des pièces principales du château ; décor gothique, petite pépée dénudée et rythme mambo offrent un cocktail assez étonnant. Plus audacieux, une des protagonistes devenue goule vient hanter les lieux dans le plus simple appareil ; si son corps est voilé par une lumière obscure la plupart du temps, un plan fixe et furtif où elle s’approche de la caméra nous la montre les seins nus, certainement les premiers à apparaître ainsi dans un film fantastique (le plan fut d’ailleurs coupé en France lors de l’exploitation en salles). De manière plus « orthodoxe », l’érotisme est aussi présent à travers le thème du vampirisme où la morsure est assimilée à un acte de désir et d’amour (l’acte en lui-même est d’ailleurs plus suggéré ou aperçu que montré, à l’instar des productions Hammer de l’époque). En fin de compte, alors que l’on pouvait craindre que les éléments « sexy » et modernes incarnés par les danseuses n’apportent qu’une valeur purement décorative voire anachronique au film, ces mêmes éléments coexistent de façon plutôt harmonieuse avec le contexte gothique et ce dernier finit progressivement par les contaminer puis par les absorber totalement. En effet, les personnages appartenant au monde moderne se retrouvent littéralement prisonniers d’un univers qu’ils ont osé pénétrer, celui du mythe et de l’intemporel, celui des vampires et de la malédiction ancestrale. A l’image de ce panoramique circulaire à 360 degrés filmant l’ensemble des protagonistes lors de l’enterrement de Katia, l’espace diégétique est celui d’un monde figé et clos sur lui-même qui s’apprête à « vampiriser » tout élément allogène. C’est en convoquant un univers purement fantastique et en le nourrissant de thématiques qui lui sont propres (le vampirisme mais aussi la métempsychose, le double maléfique, le savant-fou…) que DES FILLES POUR UN VAMPIRE s’impose finalement comme une réussite – certes mineure car il lui manque la stylisation formelle et la direction artistique des chefs d’œuvre de l’âge d’or de l’épouvante à l’italienne.

Merci au regretté fanéditeur Pierre Charles et à ses magnifiques et érudits volumes de Ciné Zine Zone consacrés au cinéma fantastique italien.






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Article rédigé par : Alexandre Lecouffe

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