Sueurs Froides en version papier

Au sommaire du numéro 37 : Dossier Val Lewton, Nancy Drew, Biographie de Ulli Lommel, la saga Flower and Snake, la franchise Leprechaun, entretien avec Patrice Herr Sang, Entretien avec Marian Dora.
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Angleterre - 2009 - Ben Wheathey
Interprètes : Julia Deakin, Robert Hill, Robin Hill, Michael Smiley

Un texte signé Quentin Mazel

Down Terrace

C’est lors du focus consacré à la nouvelle révélation anglaise, Ben Wheatley que nous avons pu découvrir, pendant l’Étrange Festival, le tout premier long métrage de ce brillant monsieur : DOWN TERRACE.

Une famille de criminels est suivie par la justice de façon bien plus récurrente que d’habitude. Elle se met alors à la recherche d’une taupe.

DOWN TERRACE est le premier film du réalisateur Ben Wheatley. Débutant sa carrière dans le monde de la publicité, Ben Wheatley se fait connaître sur internet grâce à son site Mr and Mrs Wheatley où il met en ligne plusieurs courts métrages. Il se lance ensuite dans la réalisation de quelques épisodes de séries télé produites par la BBC telles que IDEAL, MODERN TOSS… Il passe enfin à la réalisation de son premier long métrage en 2009 avec DOWN TERRACE. Il constitue alors une équipe qui va le suivre jusqu’à aujourd’hui, Robin Hill au montage, Jennifer Brooks à la direction de la photographie, Jim Williams qui compose la musique et bien d’autres. DOWN TERRACE c’est aussi un excellent casting. Composé entre autres de Julia Deakin dans le rôle d’une mère distante, mais absolument consciente de sa condition de criminel. Actrice incroyable que l’on connaît grâce à la série LES ALLUMES créée par Simon Pegg, mais aussi grâce à HOT FUZZ, une autre production où elle joue au côté de monsieur Pegg. Robert Hill, père du monteur « attitré » de Ben Wheatley, dans le rôle du père de famille et de la petite mafia locale, fait preuve d’une élégance de jeux tout à fait admirable. Notons qu’il joue au côté de son fils, Robin Hill qui propose lui aussi une très belle prestation. On retrouve aussi Michael Smiley, qui tenait le rôle de l’un des deux tueurs à gages dans KILL LIST. Il se voit ici donner le rôle d’un tueur à gages. Redondant, direz-vous ? Peut être, mais le rôle lui va tellement bien. La prestation de Smiley reste d’une excise qualité, représentant à lui seul l’humour pince-sans-rire et décalé du cinéma anglais.

Les histoires d’escrocs sont plutôt nombreuses dans le cinéma british. Il suffit, en effet, de dire les simples mots escroc et anglais pour penser à Guy Ritchie, qui en a fait la base de son cinéma. Mais bien d’autres films, issus du pays de Nessie, sont tirés de cet univers comme PETIT MEURTRE A L’ANGLAISE de Jonathan Lynn. D’autres réalisateurs comme Mike Leigh ou Ken Loach en font aussi largement référence même si cet univers n’est pas leur inspiration première.
Revenons à DOWN TERRACE. Comme dans ses autres films, c’est avant tout la sobriété du traitement qui frappe le spectateur. Seulement tourné en huit jours et produit avec très peu de moyen, le film de Wheatley ne cherche pas à décrocher la lune. Il se cantonne à raconter une histoire simple construite autour de ses personnages et fait progresser la narration et l’intrigue par de simples dialogues à l’efficacité certaine. C’est ainsi, avant tout, le travail de simplicité et surtout d’efficacité qui fait briller DOWN TERRACE. Les symboliques, qui éclairent le film, sont alors simplement mis en place dans une construction du suspens.

Filmé en grande partie dans une petite maison de banlieue banale et sans charme particulier, Ben Wheatley met alors en place une réalisation dépouillée où la caméra à l’épaule alterne aux plans fixes. Une prise de possession total de l’espace avec un savoir-faire particulier concernant les hors champs. On ressent chaque couloir exigu, chaque pièce mal agencée, la décoration médiocre, tout y est pour nous faire penser à la maison de nos parents. Filmé de près, DOWN TERRACE frôle parfois des considérations de documentaire et affirme pleinement le désir de mettre les personnages au centre du récit. On se concentre alors sur cette famille qui a construit ses normes, ses codes, ses valeurs à l’opposer de ce que nous connaissons. C’est ainsi, dans une proche banalité qu’évolue une famille qui semble si loin de la réalité normalisée. C’est dans le décalage entre une brutalité froide ou une réalité violente et les commentaires ordinaires voire légers, que Ben Wheatley met en place son humour typiquement british : un mélange entre la dérision et l’humour noir.
On en revient pour finir au thème qui semble cher au réalisateur, la famille. C’est en effet en jouant sur les rapports familiaux et particulièrement sur ceux de parents à enfants, que le film prend cette saveur particulière. Il met en avant des situations banales pour les pousser au paroxysme de leur étrangeté et de leur contradiction. Il arrive ainsi à apporter de « l’exotisme » dans notre quotidien. Entre le drame social et la comédie, Ben Wheatley arrive à créer un somptueux croisement des genres pour un film tout en finesse et humilité.

Monsieur Wheatley montre que l’on peut très largement compenser un faible budget par une rigueur d’écriture et une certaine sobriété de traitement. Une excellente leçon de cinéma qui le propulse largement en tête des nouveaux réalisateurs indépendants.



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Article rédigé par : Quentin Mazel

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