Dungeon of Harrow
Sur une île loin de la civilisation vit le Comte de Sade, dans un sinistre château laissé à l’abandon. Il partage sa solitude avec trois personnes : Cassandra, son infirmière et gouvernante ; Ann, la domestique ; et Mantis, son âme damnée chargée des sales besognes. Le châtelain a sombré dans la folie depuis que sa femme a attrapé la lèpre et qu’il s’est cru obligé de l’enfermer vivante dans une pièce des catacombes. Peu de navires ont l’occasion de passer dans les environs, et quand c’est le cas, le Comte fait exécuter par Mantis les curieux venant sur ses terres car il pense avoir affaire à des pirates désireux de s’emparer de ses biens. Un beau jour, un bateau est victime d’un naufrage. Seules deux personnes en réchappent, le capitaine de celui-ci, ainsi qu’Aaron Fallen. Ce dernier est recueilli par Cassandra, tandis que le capitaine est emprisonné et torturé dans une aile du château…
Pat Boyette (1923-2000), après une carrière de journaliste à la radio, devînt par la suite un brillant dessinateur de comics au milieu des années ’50. Il travailla pour la célèbre firme DC Comics en maintes occasions et œuvra également dans des BD renommées parmi lesquelles on peut citer Flash Gordon, The Phantom ou encore Jungle Jim. A la fin des années ’60 et au début des années ’70, Boyette se fît aussi connaître des fans de la BD horrifique grâce à ses travaux dans les revues Creepy et Eery.
L’ambiance de ces bandes dessinées, teintée d’horreur gothique, on la trouvait déjà dans son film DUNGEON OF HARROW, deuxième des trois longs métrages que réalisera Pat Boyette au début des sixties. Point commun de ces trois œuvres tombées quasiment dans l’anonymat, un casting à la limite de l’amateurisme, à l’exception de Lee Morgan que l’on put voir notamment dans LE MONSTRE SANS VISAGE de Fernando Mendez.
A la vision de DUNGEON OF HARROW, le spectateur est amené à penser que le film va s’apparenter à un succédané des CHASSES DU COMTE ZAROFF, le chef d’œuvre de Ernest B. Schoedsack et Irving Pichel tourné trente ans plus tôt. Mais en fait, il n’en est rien, et le film se teinte rapidement d’une atmosphère gothique, dans un huis-clos (la majeure partie de l’action se déroule dans quelques pièces du château) où le maître des lieux, affublé maladroitement du patronyme du Marquis de Sade (alors que rien dans DUNGEON OF HARROW ne respire son œuvre), semble victime d’une malédiction.
Dans l’ensemble, le film souffre du jeu de ses interprètes, trop académique ou outrancier, et des décors et effets spéciaux faméliques, dont on retiendra l’apparition d’une chauve-souris et d’une araignée en caoutchouc. Dommage, car le début sur l’île, lorsque les deux naufragés explorent les lieux et découvrent le cadavre ensanglanté d’une femme qui faisait partie des passagers, était plutôt prometteur, avec une ambiance rappelant alors LE MORT DANS LE FILET de Fritz Bottger.
La suite ne tient malheureusement pas les quelques espoirs entrevus, la faute aux raisons évoquées plus haut et au fait que le film s’étire péniblement pour atteindre quatre vingt dix minutes là où soixante auraient largement suffi pour faire le tour de la question.
Fort heureusement, l’expérience acquise par Boyette en tant que dessinateur sauve la mise par intermittences, et le spectateur est convié à se promener dans les couloirs inquiétants et labyrinthiques du château, dont les candélabres et les toiles d’araignées laissent planer une menace à tout instant. Ainsi, la demi-douzaine de protagonistes égarés dans ce dédale de pièces sombres parvient à maintenir son public en éveil, et l’attente à connaître les ressorts de la malédiction suffit à garantir un minimum de suspense. Le travail sur la lumière et les couleurs accentue l’atmosphère de folie et de décrépitude qui règne dans le film. Un effort qui compense en partie seulement le rythme particulièrement lent de DUNGEON OF HARROW, où les tirades des protagonistes paraissent s’étirer à l’infini. La fin sera toutefois en mesure de plaire aux amateurs de cinéma gothique, et la vision de la main décharnée de la Comtesse de Sade, tentant d’ouvrir la porte de son cachot, peut être considérée comme un moment fort du film.