Election 2
Un an après un premier volet considéré par beaucoup comme le meilleur film du prolifique Johnny To, ce dernier rempile et se surpasse avec son superbe ELECTION 2. Il est fascinant de mesurer à quel niveau d’excellence est parvenu à se hisser ce réalisateur, auparavant méprisé pour son absence de style, et aujourd’hui salué comme un auteur à part entière (ELECTION et sa suite ont eu les honneurs d’une Sélection Officielle à Cannes). On ne peut à cet égard que dénoncer l’opportunisme d’une certaine critique prompte à retourner sa veste et qui parle maintenant de « consécration sur le tard» pour un réalisateur tenu jusqu’ici en piètre estime.
L’idée de base du scénario était pourtant simple : comment l’élection d’un nouveau parrain au sein d’une triade hong kongaise va déclencher une brutale réaction en chaîne (lobbying, kidnapping, trahisons, assassinats, tout y passe…).
Dans cette suite, le fond de l’histoire reste le même. Deux années sont passées, une nouvelle élection doit se tenir. Le parrain sortant, Lok (excellent Simon Yam), est déjà sur les rangs pour sa propre succession. Contre lui, il y a l’ambitieux Jimmy (Louis Koo), homme d’affaire au long cours qui tente de se lancer dans des affaires légales, avec un projet immobilier en Chine. Clamant haut et fort qu’il ne veut pas être un gangster, il va quand même devoir en devenir leur chef s’il veut pouvoir faire des affaires juteuses et légales avec les chinois.
Ne pas avoir vu le premier volet n’est pas forcément handicapant pour comprendre cette suite. Inspiré par la formule « on prend les mêmes et on recommence », Johnny To refait un peu le même film, tout en arrivant encore à surprendre. Notamment grâce à une histoire finalement très couillue, qui s’écarte notablement du polar lambda en flirtant allégrement avec le film politique.
Et c’est à travers le personnage de Jimmy que Johnny To amorce un virage intéressant dans son cinéma, en proposant ni plus ni moins qu’une charge sans fioritures contre la grande hypocrisie que représente le capitalisme à la mode chinoise. Il fallait oser, et Johnny To l’a fait, ici avec une certaine élégance dans la réalisation et une bonne dose de subtilité dans le propos. Car attention, To ne fait pas encore du Mocky, il ne faut donc pas s’attendre à de la dénonciation azimutée omnidirectionnelle, sport extrême qui restera pour toujours la marque de fabrique de notre Jean-Pierre national.
Heureusement pour le spectateur, Johnny To n’oublie pas non plus le genre qui l’a fait connaître. ELECTION 2 reste, en effet, d’abord et avant tout un très bon polar, noir (les scènes nocturnes sont superbes) et racé (pour les plans séquences). Parmi les séquences mémorables, une devrait particulièrement retenir l’attention. Celle où Jimmy passe de businessman propret à tortionnaire sadique avec une promptitude qui fait froid dans le dos. Afin de rallier à sa cause les hommes de Lok, ce bon Jimmy va ainsi dessouder l’un de ceux-là, à coups de maillets dans la tronche quand même, puis hacher menu la dépouille du pauvre homme. Voilà une méthode coué bien percutante, preuve s’il en est que l’appel du pouvoir peut vite se transformer en appel au crime, exigeant son lot de sacrifices morbides… A méditer.