High Rise
1975, de nouveaux immeubles sont construits en périphérie de Londres dont l’une est terminée et habitée : supermarché, banques, salon de coiffure, salles de sport, piscine, école, 1000 appartements, 2000 habitants et encore plus de possibilités de rencontres et de possibilités sociales.
Écrit il y a une quarantaine d’années, le livre I.G.H. de J.G. Ballard a eu déjà plusieurs tentatives d’adaptation. Tout d’abord par le producteur Jeremy Thomas pour un projet qui aurait été réalisé par Nicolas Roeg dans les années 70. C’est ensuite dans les années 2000 qu’une adaptation faillie voir le jour par Richard Stanley au scénario et Vincenzo Natali à la réalisation. Il a finalement produit un film de Ben Wheatley dont KILL LIST gagna le Grand Prix Hallucinations collectives en 2012. HIGH RISE fut projeté en avant-première pour la clôture de l’édition 2016 du festival.
Initialement un livre d’anticipation, l’histoire raconte comment la vie dans l’immeuble dégénère, et ce à cause de la lutte des classes représentées en plusieurs blocs distincts : plus on habite haut, plus on est aisé. La forte densité entraîne une forte consommation qui fait, entre autres, bloquer les ascenseurs, remplir les vides-ordures et couper l’électricité. La tension monte, les habitants s’accusent entre eux et finissent par s’affronter, en partie en faisant la fête.
L’Architecture Moderne voit ses théories apparaître pendant l’entre deux-guerres et sa mise en place au lendemain de la seconde guerre mondiale. En 1941 est publiée la Charte d’Athènes qui énonce les moyens d’améliorer les conditions d’existence à l’intérieur des villes modernes. Le but est de permettre l’épanouissement harmonieux des habitants selon le travail, l’habitation, les divertissements et la circulation. Jacques Tati a critiqué à plusieurs reprises cette urbanisation moderne et les technologies, jugeant que les inventions doivent accompagner l’évolution de l’Homme et non la devancer. HIGH RISE décrit un immense immeuble suffisant et pouvant accueillir de nombreuses personnes et les services dont ils ont besoin. Le but premier est sa fonctionnalité, on peut y vivre sans y sortir et tout parait idéal à première vue. Mais dans HIGH RISE cela entraîne la dégradation de la vie sociale, et en fait une totale contre-utopie. L’immeuble étant récent, de nombreux problèmes techniques perturbent ses habitants et les contrarient. L’affrontement qui y a lieu précipite l’humain à son aspect primitif, jusqu’à un mini-régime féodal, l’inverse d’une quelconque évolution. Fonctionnant en autarcie (personne d’ailleurs de l’extérieur n’intervient dans l’immeuble), l’immeuble peut être une allégorie de la société en général. Pessimiste, HIGH RISE fait éclater les idéaux de chacun et un nouvel ordre aboutit dans le chaos complet.
Si la rencontre entre le livre et le réalisateur promettait ce chaos tant visible que formel, le film est malheureusement décevant sur ce point. On peut déjà lui reprocher le recours à de nombreux dialogues explicitant les différentes idées du film au lieu de les suggérer visuellement. De même que la verticalité de l’immeuble, primordiale dans l’histoire, est peu représentée. Le plus curieux reste les nombreux montages musicaux illustrant la dégradation de la vie sociale. Jamais immersifs, on se demande si ce choix est de la volonté de Ben Wheatley ou un compromis avec ses producteurs tant on voit de moments fous qui ont bien été filmés mais quasiment pas montrés. Malheureusement, l’immersion marche rarement dans ce désordre trop lisse où la folie reste la même même si les habitants alterne bien fêtes dans de grands appartements et batailles pour, par exemple, un pot de peinture. La musique quant à elle reste plutôt bien choisie, on peut y entendre deux versions de SOS, l’originale d’Abba et une reprise de Portishead au cours du métrage pour illustrer la métamorphose sociale.
Les bons points sont surtout pour les acteurs du film. Les personnages, leurs différentes classes sociales et différentes personnalités, sont bien retranscrites. Le choix de Jeremy Irons, l’acteur le plus expérimenté, est judicieux pour l’Architecte en tant que véritable roi de ce domaine où vivent de plus jeunes acteurs qui montent. On retiendra particulièrement Luke Evans dans le rôle du dingue et imposant Richard Wilder. Il aurait fallu peut-être plus d’attaques au supermarché, d’épopée verticale et de conquête à cheval dans des couloirs assiégés.