Un texte signé Philippe Delvaux

Italie - 1967 - Antonio Margheriti
Titres alternatifs : Joe l'implacabile, Dynamite Joe
Interprètes : Rick Van Nutter, Renato Baldini, Barta Barry, Santiago Rivero, Maria-Jesus CuadraMaria-Luisa SalaNorman Jordan


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retrospective

Joe l’implacable

Joe Ford, alias le dynamiteur, alias l’implacable, est un mercenaire débonnaire se mettant au service de la loi, et plus précisément du sénateur Senneth, qui l’engage pour escorter un chargement d’or dans une région livrée aux bandits de grands chemins. Pour que l’or passe inaperçu, Joe à l’idée de le fondre et de fabriquer une diligence en or, recouverte ensuite de peinture. Mais les obstacles seront aussi nombreux que les trahisons.

« Hey Joe, what ‘you gonna do with that dynamite in your hand ?” demande le fantôme de Jimmy Hendrix, dubitatif face au film de Margheriti. On lui répondra que si JOE L’IMPLACABLE n’est pas un incontournable du western italien, il n’est pas non plus une œuvre honteuse. Il s’agit d’une petite comédie de série, dotée de gags gentillets mais parfois plombée par des problèmes de rythme.

Antonio Margheriti, le touche-à-tout du cinéma de genre italien sortait de sa féconde période d’horreur gothique et raccrochait au wagon du western italien, par lequel est passée à peu près toute la profession de l’époque. On lui doit plusieurs autre westerns à l’intérêt divers : AVEC DJANGO, LA MORT EST LÀ – un faux Django donc, comme en était coutumier le ciné d’exploitation de ce temps -, où l’on trouvait déjà une mine de souffre, LA BRUTE, LE KOLT ET LE KARATE, réalisé dans la dernière période du western italien, celle de la déliquescence, où l’on cherche à marier les genres pour les renouveler, introduisant ici des éléments de Kung Fu, genre en plein essor. Dans les années ’70, il signe encore LA CHEVAUCHÉE TERRIBLE. Mais le titre de gloire de Margheriti dans le western restera bien évidemment ET LE VENT APPORTA LA VIOLENCE, mélange de western et d’horreur al Italiana parfaitement réussi.

JOE L’IMPLACABLE est donc lui aussi un mélange. Western et comédie cette fois. A l’époque, la tentative, sans être isolée, est encore rare, la mode restant encore aux œuvres sérieuses, voire crépusculaires. Tout changera quelques années plus tard – et pas pour un mieux – avec le triomphe des TRINITA.
Le rapprochement qui nous vient à l’esprit sort du cadre du cinéma pour embrasser celui de la bande dessinée : ce JOE L’IMPLACABLE a des relents de Lucky Lucke (dont, à l’instar de l’évolution du western italien, les premières histoires étaient – un tout petit peu – plus sérieuses, le tout-à-l’humour prenant le pas par la suite).

Mais pour replacer le film dans le contexte du cinéma de son époque, c’est une autre référence qui s’impose : les gadgets à la dynamite (montre ou révolver piégés) font le clin d’œil à la série James Bond, qui marquait depuis quelques années déjà le cinéma et connaissait moult déclinaisons locales en Italie, y compris par ailleurs par Margheriti. Joe n’est-il d’ailleurs pas au service du gouvernement ? Ne séduit-il pas les femmes qui croisent sa route ?… Et les mines ou les caves secrètes de la banque doivent autant au cinéma gothique qu’aux passages secrets et aux repaires du vilain de tout bon film d’espionnage qui se respecte dans le cahier des charges de l’époque. Dernière référence, la diligence en or n’est pas sans évoquer la voiture truffée de drogue, de billets et de diamants du CORNIAUD (1965). Dans les deux cas, nous nageons dans la comédie légère typique des années ’60.

Margheriti ouvre son film par une séquence où Joe, revêtu d’un poncho attend dans la grand’ rue d’une petite ville l’arrivée d’une fratrie de hors-la-loi pour un duel… réglé à coup de dynamite. Le cadrage, le poncho, l’attitude, tout nous rappelle l’iconographie mise en place par l’incontournable Sergio Leone, avant que la dynamite ne fasse exploser la référence et ne nous conduise dans des terres nettement moins sérieuses. Foin de Morricone à la musique, on lui préfère ici un Savina pour une partition soulignant chaque fois que possible la portée comique du projet. On quitte d’ailleurs d’autant plus vite l’univers aride de Sergio Leone qu’une longue séquence voit notre héros fréquenter un bal de la société huppée, dans un décor on ne peut plus italien. C’est d’ailleurs une des scories du film, scorie largement pardonnable et qui participe de nos jours de sa patine, que de voir ce mélange entre l’aride Arizona recréé en Espagne et des séquences visiblement tournées en Italie. Quelques champs-contrechamps se parent dès lors d’une dimension comique involontaire.

Passée cette introduction hors intrigue, mais destinée à poser le film dans le cadre du western de l’époque, en le présentant en rupture tonale, la chanson de générique est intégrée à une séquence de bar, elle est chantée par une des future conquête de Joe… et a pour thème Joe lui-même. Il est évidemment incongru d’entendre une musique pleinement diégétique commenter le personnage principal du film. Aussi est-il dommage que Margheriti n’ait pas creusé plus cette piste. La tradition grecque du chœur antique aurait pu l’y inciter. Un autre gag retient notre attention, lorsque Joe commente le physique avenant d’une jeune demoiselle aperçu dans le reflet d’un miroir, son interlocuteur, regardant le miroir sous un autre angle n’y voit qu’une vieille rombière. Ce jeu sur le point de vue, ouvrant l’humour à d’autres niveaux, reste cependant sans guère de suite.

Débonnaire et désinvolte, Joe est en outre un séducteur invétéré, peu fidèle ou attaché à ses conquêtes. Lesquelles, danseuse de bar ou agent du gouvernement, ne dépassent guère le rôle de faire-valoir du héros. Le cinéma de genre des sixties aimait ses héroïnes belle, un peu cruche, et absolument inintéressantes au point de vue dramatique. Bref, pas d’erreur possible, nous sommes à mille lieux du western américain et en plein dans la culture latine. Pour compléter la galerie des personnages, on retrouve quelques incontournables : le side-kick comique du héros se nomme L’Eponge, eu égard bien entendu à sa consommation d’alcool, et on trouve pour le reste un propriétaire de mine félon, un banquier replet, une cavalerie nécessairement en retard, et bien entendu l’éternelle crapule mexicaine.

On sait que Margheriti affectionnait les effets spéciaux, livrant en début de carrière quelques œuvres de science-fiction. Ici, l’arme de prédilection de son héros lui donne l’occasion de mettre en scène une longue séquence d’explosion, et de l’inondation conséquente, assez réussie. Sergio Leone, qui mettra aussi en scène un dynamiteur dans son dernier western, IL ÉTAIT UNE FOIS LA RÉVOLUTION, saura s’en souvenir en confiant à Margheriti le soin d’en régler les effets spéciaux.

JOE L’IMPLACABLE a été exploité à l’époque en France, mais dans une version tronquée. Trois séquences manquaient à l’appel, dont une relativement longue, et dont l’amputation a sans doute un peu brouillé la lisibilité de l’action. Encore que le leurre des hommes déguisés est rapidement abandonné par le scénario de la version complète. L’édition dvd d’Artus en 2013 restitue enfin le film dans son montage complet, et dans une copie superbe qui plus est.
Le film est signé du pseudo le plus connu de Margheriti, ou plus exactement de la transcription en anglais de son nom : Antony Dawson. Ce procédé, courant dans le cinéma de genre italien des sixties, fonctionne à vrai dire bien pour ce genre américain par essence qu’est le western.

Au final, ce western familial d’aventure, quoique léger, se regarde dans déplaisir. Sans en attendre des merveilles, on y passe un bon moment. Margheriti, s’il n’y a pas dynamité le genre, a au moins le mérite d’avoir soigné sa réalisation, travaillant ses cadrages et sa photographie.






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Article rédigé par : Philippe Delvaux

Ses films préférés : Marquis, C’est Arrivé Près De Chez Vous, Princesse Mononoke, Sacré Graal, Conan le Barbare


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