La Maladie De Hambourg
À Hambourg, de nombreuses personnes meurent de façon inexplicable. Ils tombent comme des mouches et se recroquevillent en position fœtale. Un à un. Victimes d’une mystérieuse maladie qui se répand dans toute la ville, puis dans tout le pays.
Le gouvernement réagit brutalement en stigmatisant les populations immigrées dans un premier temps, puis ensuite en créant des camps de quarantaine pour y enfermer toutes les personnes ayant eu un contact avec un infecté. Vaccinations. Désinfections. Rien n’y fait. La maladie progresse et la folie gagne la population…
C’est donc sur cette base chaotique que LA MALADIE DE HAMBOURG va prendre racine, en s’attachant à la débâcle humaine face au virus. Pour ce faire, on va suivre la tentative de fuite vers un horizon meilleur de la jeune Ulrike (Carline Seiser), du médecin gérontologue Sebastian (Helmut Griem), du vendeur de sandwiches Heribert (Ulrich Wildgruber) et de son ami handicapé Ottokar (Fernando Arrabal, un écrivain et activiste espagnol qui a beaucoup lutté contre le Franquisme).
En l’espace de quelques minutes, Peter Fleischmann va appréhender son film d’une manière volontairement pessimiste et faire une parabole mordante sur la folie humaine.
Qui plus est, le réalisateur prendra un malin plaisir à perdre le spectateur en mélangeant la dure réalité de l’infection (la mort peut frapper n’importe qui, à n’importe quel moment…) avec des éléments oniriques (l’apparition de l’homme au side-car) voire même expérimentaux…
Il est d’ailleurs intéressant de noter que la musique de Jean-Michel Jarre (issue de l’album “Equinoxe”), va elle aussi jouer un rôle dans le côté expérimental de LA MALADIE DE HAMBOURG (Sebastian demandera d’ailleurs souvent à Ulrike si elle aussi, “entend cette musique” lorsque résonne les notes du générique). Une mise en abîme assez audacieuse, s’il en est.
De plus, Fleischmann entretient énormément le flou artistique lorsqu’il traite de la maladie en elle-même : est-ce une bactérie contagieuse (puisque le gouvernement met en quarantaine toute personne ayant été en contact avec un infecté) ? Est ce que c’est un message d’une force supérieure (comme le laisse entendre le mystique Alexander qui communique avec l’au-delà), est ce la nature qui opère une sélection naturelle ou bien est ce que c’est la peur du virus qui provoquerait la maladie, puis la mort des humains (Fritz semblera atteint par la “bactérie” puis se relèvera de sa position fœtale pour s’apercevoir avec étonnement qu’il “n’est pas du tout malade, en fin de compte”) ? On ne le saura pas vraiment, puisque que le réalisateur va inviter le spectateur à s’interroger sur l’existence réelle du virus pour ainsi tenter de comprendre le pourquoi du comment des actions irréfléchies (inconscientes ?) de chacun. Vaste programme, donc.
A partir de là, il est assez difficile d’appréhender totalement LA MALADIE DE HAMBOURG tant le scénario est décousu, aussi bien en ce qui concerne le facteur temps (on n’aura aucune indication quant à la durée du périple d’Ulrike et de ses amis – quelques jours ? Quelques semaines ? Quelques mois ? Des années…?-, que les actes étranges des différents protagonistes (pourquoi Sebastian décide soudainement de faire de la gym devant la télévision en sous-vêtement ? Pourquoi le grand-père d’Ulrike se met à chanter une tyrolienne après l’enlèvement de sa petite-fille ?). Autant de questions qui n’auront jamais de réponses…
Ceci étant, le fil directeur du film se situera dans la valse des galeries de personnages étranges et décalés mises en branle par Peter Fleischmann (de Sebastian, le bon médecin gérontologue jusqu’au transsexuel en passant par Ottokar, l’handicapé en fauteuil roulant et Heribert magouilleur au possible…). Ainsi, les différents protagonistes vont et viennent dans les différents tableaux, se retrouvent et se perdre, vivent et meurent, au travers de leurs choix et de leurs différentes rencontres pour tenter d’échapper au virus… Une manière de démontrer que tout le monde est égal devant la mort, et que nul ne peut échapper à son destin, peu importe son importance sociale, économique et/ou culturelle. Les êtres vivants ne sont donc jamais trop jeunes pour mourir…
De même, LA MALADIE DE HAMBOURG va se permettre une fine analyse des conséquences de l’épidémie au travers d’une société policée et raciste. Une manière de montrer la débâcle humaine sous un angle ironique, fou mais hautement inspiré…
En définitive, malgré une approche totalement anarchique et chaotique – voire même incompréhensible, parfois – LA MALADIE DE HAMBOURG s’avère être un film fort dans l’œuvre de Peter Fleischmann qui signe ici un métrage à part, loin des formatages commerciaux et artistiques du genre. Ainsi, le spectateur se trouve obligé d’interpréter cette bobine d’une manière introspective pour y trouver un sens réel… ou pas.
Au final, même si la formulation est assez bateau, c’est indéniable : LA MALADIE DE HAMBOURG est un film qui ne se raconte pas, c’est un film qui se vit !