Sueurs Froides en version papier

Au sommaire du numéro 37 : Dossier Val Lewton, Nancy Drew, Biographie de Ulli Lommel, la saga Flower and Snake, la franchise Leprechaun, entretien avec Patrice Herr Sang, Entretien avec Marian Dora.
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Italie, Espagne, Royaume-Uni, France - 1971 - Luciano Ercoli
Titres alternatifs : La morte cammina con i tacchi alti, Nuits d'amour et d'épouvante, Death walks on high heels
Interprètes : Frank Wolff, Susan Scott, Simon Andreu, Carlo Gentili, George Rigaud

Un texte signé Frédéric Pizzoferrato

La mort marche en talons hauts (1971) – giallo de machination

LA MORT MARCHE EN TALONS HAUTS nous plonge immédiatement dans l’action et débute par l’égorgement, dans un train de nuit, d’un type louche. En réalité, il s’agit d’un voleur professionnel, Ernest Rochard, en fuite vers l’Espagne. Après le générique, le métrage se déplace vers Paris où la belle strip-teaseuse Nicole Rochard (Susan Scott), fille de l’Ernest précité, est soupçonnée par la police dans une sombre affaire de vol de diamants. Le père de Nicole aurait, en effet, dérobé une grosse quantité de pierres précieuses. En dépit de ses dénégations, les enquêteurs pensent qu’elle connaît la cachette du magot.

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La Morte Cammina Con I Tacchi Alti (1971) - Music by Stelvio Cipriani


Parallèlement, un inconnu, également persuadé qu’elle recèle les bijoux volés par son paternel, la harcèle. Le tueur s’introduit chez elle armé d’une lame de rasoir et promet de la tuer si elle ne lui révèle pas la cachette des joyaux dérobés. Terrorisée, l’effeuilleuse trouve refuge chez son amant, Michel Aumont, un alcoolique impulsif et violent fatigué d’être considéré comme un souteneur. Le seul indice pour identifier l’agresseur réside dans ses yeux bleus éclatants. Or, après une nuit passée avec Michel, la jeune femme découvre des lentilles de contact azurs dans la salle de bain de son amant. Effrayée et soupçonnant Michel, Nicole se jette dans les bras d’un admirateur, le riche docteur Robert Matthews.

La strip-teaseuse lui demande de l’emmener en Angleterre. Matthews, séparé de son épouse légitime, accepte. Pensant avoir échappé au maniaque, Nicole profite de la vie en compagnie du médecin qui la présente dans le village comme sa femme. Mais Nicole commence à s’ennuyer dans cette bourgade « où le tango est encore considéré comme une danse sulfureuse ». De plus, l’assassin retrouve sa trace…

Sous les titres éminemment « giallesque » de « Death walks on high heel » ou, en version française, de LA MORT MARCHE EN TALONS HAUTS (précédemment NUITS D’AMOUR ET D’EPOUVANTE), se cache une belle réussite signée Luciano Ercoli. Ce scénariste et producteur réalisa 8 longs-métrages entre 1970 et 1977, les trois premiers étant des giallos. Outre celui qui nous occupe ici, le cinéaste livra également PHOTOS INTERDITES D’UNE BOURGEOISE (1970) et LA MORT CARESSE A MINUIT (1971).

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Du giallo de machination de haute volée

LA MORT MARCHE EN TALONS HAUTS développe une construction osée puisque le réalisateur, après un meurtre sanglant liminaire, pose son intrigue afin de présenter ses personnages. Il leur confère ainsi une caractérisation intéressante et travaillée. Les rebondissements, nombreux, maintiennent l’attention : la belle Nicole éprouve les pires difficultés à semer le mystérieux sadique vêtu de noir. Toutefois, il faut attendre mi-parcours pour que surgisse le second (et surprenant !) assassinat, lequel fait bifurquer le long-métrage vers un thriller plus traditionnel mais toujours bien mené. Les « usual suspects » du genre répondent évidemment présent : le mari adultère très riche grâce à la fortune de son épouse, la petite frappe alcoolique, le faux témoin, l’aveugle qui ne l’est pas, le voyeur planqué derrière sa longue-vue,…

Le scénario d’Ernesto Gastaldi s’avère d’ailleurs bien charpenté, ce qui ne surprend guère de la part d’un vétéran du bis italien ayant œuvré sur 120 titres. De MON NOM EST PERSONNE au LE CORPS ET LE FOUET en passant par le giallo à la Sergio Martino au début des années ’70, voici une riche carrière. Néanmoins, tout n’est pas toujours crédible et certains rebondissements paraissent « capilotractés », Gastaldi cherchant à surprendre sans toujours se soucier de vraisemblance. Mais ce « défaut » s’avère inhérent au giallo, à tel point qu’on peut quasiment le considérer comme inévitable, voire responsable de son charme.

Heureusement, l’humour, distillé avec parcimonie, fonctionne agréablement. De plus, le métrage se permet un événement inattendu à mi film, ce qui relance adroitement la machine sur de nouveaux rails. Le final, pour sa part, implique un alibi fabriqué de manière ingénieuse mais qui s’écroule à la suite d’un malheureux concours de circonstance. Cette conclusion se rapproche des récits policiers à l’ancienne et la résolution du « whodunit » retrouve le charme des romans d’antan. Si les policiers ne sont pas toujours des foudres de guerre, l’inspecteur chargé de l’enquête se débrouille néanmoins et parvient à débrouiller l’énigme dans les dernières minutes.

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Une mise en scène inspirée et efficace

Si l’intrigue fonctionne, la mise en scène se doit, pour sa part, d’utiliser à bon escient les artifices coutumiers du thriller italien. Ainsi, Ercoli multiplie les plans « voyeuristes » (par exemple filmés à travers un trou de serrure ou via l’objectif d’une longue vue) et capte les reflets des protagonistes « piégés » par les nombreux miroirs. Ces jolis effets de style donnent une identité personnelle à un métrage qui refuse les éclairages contrastés et les tics empruntés à Dario Argento ou Mario Bava. Ici, nous quittons d’ailleurs les rues ensoleillées d’Italie pour les cabarets sexy de Paris puis le littoral pluvieux anglais.

Jouant sur le voyeurisme du spectateur et proposant une certaine mise en abîme, Ercoli observe son héroïne et se place en témoin de ses ébats, disséquant son intimité au travers de scènes subtilement érotiques livrée en pâture au public. Le cinéaste filme ainsi Susan Scott (TOUTES LES COULEURS DU VICE, EMANUELLE ET LES DERNIERS CANNIBALES,…) au travers de son existence quotidienne mais la pare d’une sensualité brûlante, y compris dans ses actions les plus banales.
On note également la présence de Frank Wolff (IL ETAIT UNE FOIS DANS L’OUEST, LE GRAND SILENCE) qui se suicida d’ailleurs peu après le tournage et incarne ici le médecin décidé à sauver l’héroïne du maniaque lancé à sa poursuite. Simon Andreu (LA CHAIR ET LE SANG), Carlo Gentili (KEOMA) et Luciano Rossi (SALON KITTY) complètent ce solide casting.

Moins réputé qu’un Argento ou un Martino, Ercoli propose avec LA MORT MARCHE EN TALONS HAUTS un giallo solide, plaisant, rythmé, relativement original et jamais ennuyeux en dépit d’une durée conséquente (près de 1h50). Sans être un chef d’œuvre du genre, le métrage s’inscrit dans les belles réussites du thriller italien. A (re)découvrir.

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Bande annonce

Death Walks On High Heels Original Trailer (Luciano Ercoli, 1971)

Extrait

Death Walks On High Heels Clip - Watching through the lens

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Article rédigé par : Frédéric Pizzoferrato

Ses films préférés : Edward aux Mains d’Argent, Rocky Horror Picture Show, Le Seigneur des Anneaux, Evil Dead, The Killer - Ses auteurs préférés - Graham Masterton, Christophe Lambert, Thomas Day, Stephen King, Clive Cussler, Paul Halter, David Gemmell

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