L’Amie Mortelle
Nous sommes dans la première moitié des années 80, Wes Craven, ex-réalisateur prometteur du cinéma fantastique (LA DERNIERE MAISON SUR LA GAUCHE en 1972, LA COLLINE A DES YEUX en 1977, LA FERME DE LA TERREUR en 1981, LES GRIFFES DE LA NUIT en 1984, excusez du peu), semble avoir sombré dans une certaine léthargie.
LA CREATURE DU MARAIS, qu’il tourne en 1982, reste sympathiquement bis, par contre LA COLLINE A DES YEUX 2 (1985) est absolument navrant, à l’image des téléfilms qu’il enchaîne alors laborieusement (L’ETE DE LA PEUR avec Linda Blair, en 1978, INVITATION POUR L’ENFER, en 1984, CHILLER, l’année suivante). En 1986, SHORT CIRCUIT, de John Badham, fait un carton. Cette gentille histoire de robot gentil avec plein de bons sentiments gentils engrange les dollars par millions. Craven reprend le concept et, comme il a lu Mary Shelley, y ajoute le mythe de Prométhée, et cela donne : L’AMIE MORTELLE.
Samantha est belle comme un soleil, Paul est beau et intelligent. C’est même un surdoué, et il s’est créé son propre robot : Bibi. Entre ces deux adolescents, c’est immédiatement le coup de foudre. Heureusement, le père de Samantha est alcoolique et violent, il la tabasse et la tue par accident. Paul, inconsolable, décide de greffer le cerveau de Bibi dans le corps sans vie de Samantha. Bien sûr, c’est là que les ennuis commencent…
Bibi devient une femme noire et écrit une chanson (« Tout doucement ») qui fait un tube dans l’hexagone, merci Wes Craven !!! Trêve de plaisanterie, toutefois, il est difficile de garder son sérieux devant cette pelloche involontairement Bis. Dès le pré-générique, durant lequel un acteur (?) cabotin se fait méchamment calmer par Bibi alors qu’il essaye de voler un véhicule, on pouffe de rire. On continue avec une insupportable vision pixellisée censée retranscrire la vue du robot. Rappelons que la vue pixellisée est une constante du film de SF des 80’s (voir, à ce sujet, l’inénarrable ROBOWAR de Bruno Mattei de 1988). Pour accompagner Bibi, dotée d’une voix insupportable, Wes Craven choisit des acteurs expressifs.
Kristy Swanson, l’américaine parfaite (jeune, blonde, poumonnée et jolie), est Samantha. Grande vedette de films pour adolescents (ROSE BONBON d’Howard Deutch, la même année), la petite Kristy essaye de camper cette défunte robotisée en mimant une gestuelle saccadée. A de nombreuses reprises, on peut s’apercevoir qu’elle esquisse un sourire, bien consciente du ridicule de son jeu. Elle est accompagnée par Matthew Laborteaux (rescapé de LA PETITE MAISON DANS LA PRAIRIE) qui joua, en 1974, dans l’excellent UNE FEMME SOUS INFLUENCE de John Cassavetes. Ces deux interprètes continuent aujourd’hui de travailler pour la télé US. Malgré ce casting ciblé, Craven se permet quelques déviances.
Ainsi s’ajoute à l’insipide bluette pour boutonneux une attaque en règle de l’ « american way of life ». Paul est élevé par une mère seule qui galère sévèrement, Kristy subit les foudres d’un père accro à la bouteille, le tout derrière les murs biens proprets d’une petite ville étasunienne modèle. Cette thématique, déjà présente dans le freudien NIGHTMARE ON ELM STREET, est une constante dans sa filmographie, et il la poussera à son paroxysme dans LE SOUS-SOL DE LA PEUR (1991). S’ajoutent à cela quelques scènes gore efficaces, dont celle où une tête explose sous la pression d’un ballon de basket. Malgré tout, cela ne suffit pas à faire un bon film, d’autant plus que le final s’avère des plus ridicules.
DEADLY FRIEND est à ranger aux côtés de SWAMP THING dans la filmographie du roublard Wes Craven. Loin du gros nanar, le métrage échoue surtout à vouloir mixer tous les genres (comédie, drame, histoire d’amour, science-fiction, horreur). En voulant réaliser une bobine calibrée pour les ados, Craven a accouché d’un hybride peu convaincant. On lui pardonne d’autant plus facilement qu’il réalisera ensuite, en 1988, son chef-d’œuvre absolu : L’EMPRISE DES TENEBRES.