Le chat noir
Le chat noir fait partie d’une collection de 12 petits romans sortis aux Éditions Bel-Air entre 1965 et 1967. Cette série, baptisée Les aventures de Dracula, regroupe des romans populaires traduits en français qui viennent d’une collection italienne bien plus conséquente. Et même si la collection originale, I racconti di Dracula, fait plus largement référence au plus célèbre des suceurs de sang, il ne faut apparemment pas s’attendre à des péripéties vampiriques mais plutôt à des histoires d’extra-terrestres, d’amours mortelles, de fantastique… ou d’épouvante, comme dans Le chat noir.
Le chat noir, écrit sous le pseudonyme de Max Dave (Pino Belli de son vrai nom ou peut-être son frère Carlo Belli on ne sait pas trop bien) se révèle très surprenant. Il commence avec le récit de plusieurs meurtres commis par un couple infernal dans une banlieue anglaise pauvre. L’ambiance est sordide à souhait, merveilleusement campée. Les meurtres s’avèrent très éprouvants pour le lecteur tant ils sont morbides, sadiques et sanglants. John, le fils tue sans cesse et fait disparaître les corps dans des bains d’acide dans l’obscurité de la cave pendant que sa mère acquiesce énergiquement. Très vite, le couple est découvert, mais non sans avoir liquidé plusieurs malheureuses victimes auparavant. Les deux larrons sont condamnés à mort, le lecteur se retrouve un peu déboussolé. Il pensait avoir affaire à une enquête policière mais à moins de la moitié du roman, les serial killers sont mis hors d’état de nuire… Que va-t-il bien pouvoir se passer ensuite ? Eh bien le roman rebondit activement et entre de plain-pied dans un improbable fantastique, énergique et efficace. Le fameux chat noir du titre entre en scène dans un tourbillon sanglant.
En 160 pages, l’action va droit au but, les événements s’enchaînant allégrement et sans détour. Avec des mots simples et sans phrases alambiquées, l’histoire est racontée de manière extrêmement efficace. Cette manière d’écrire, totalement dépouillée et sans fioriture, s’inscrit dans une époque aujourd’hui révolue. Elle conserve ainsi une saveur particulière et tendrement désuète. Le tout se lit ainsi très vite et de manière excessivement jouissive. On redécouvre un trait particulier de cette époque, les quelques publicités pour des marques connues de spiritueux. Celles-ci parsèment le livre et ne peuvent pas se manquer, elles apparaissent en effet en majuscule. Elles apportent une touche drôle et nostalgique, à l’instar des quatrième de couverture vantant les Marlboro des Editions Fleuve Noir.
Dans le même registre on trouve les couvertures, délicieusement passées, mettant en scène d’improbables scènes gentiment érotiques. La couverture de Le chat noir présente ledit félin soufflant la gueule ouverte sur une langue rouge sang, mais aussi une jeune femme couvrant sa nudité d’une étoffe verte… le lien avec le contenu du livre ? Ma foi, la fille on sait pas ! Mais quelle importance, cette couverture est belle et pleine de vie.
Avec son fumet délicieusement désuet, lire Le chat noir se révèle une expérience charmante.