Le Cirque de la peur
Sorti en 1966, LE CIRQUE DE LA PEUR de John Llewellyn Moxey est un krimi germano-britannique. Ce genre cinématographique est le penchant germanique du polar d’enquête à la Agatha Christie avec une plongée toute particulière aux frontières du fantastique. Le terme complet, kriminalfilm, désigne des œuvres noires telles que MAIS QU’AVEZ-VOUS FAIT À SOLANGE ?, LE TUEUR À L’ORCHIDÉE ou encore LA GRENOUILLE ATTAQUE SCOTLANDYARD.
Dans les années 60, le cinéma dit “de genre” s’installe confortablement sur le grand écran. D’un côté, l’effervescence anglaise de la Hammer et la redécouverte des monstres mythiques, de l’autre, l’effervescence italienne des prémices du giallo, plus érotique, avec Mario Bava (SIX FEMMES POUR L’ASSASSIN, LE MASQUE DU DÉMON …). Et, pour couronner le tout, le kriminalfilm qui vient clôturer ce tour du cinéma européen décadent.
Méprisé par la critique, et injustement méconnu, le krimi charme pourtant des centaines de millions de spectateurs entre 1959 et 1972. Tournant principalement autour des œuvres du célèbre romancier Edgar Wallace, ce pan non négligeable du cinéma allemand sait capter le public en lui proposant des films policiers d’une autre composition.
Harry Alan Towers, producteur, scénariste et chef électricien du CIRQUE DE LA PEUR trouve en la personne de John Llewellyn Moxey le réalisateur idéal pour son adaptation du roman THE THREE JUST MAN d’Edgar Wallace. Moxey est issu de la télévision et a tourné plusieurs épisodes de la série EDGAR WALLACE MYSTERIES, il est donc le candidat idéal pour Towers. De plus, il a déjà travaillé avec l’un des membres du casting, Christopher Lee, sur son premier long-métrage LA CITÉ DES MORTS.
LE CIRQUE DE LA PEUR se déroule à Londres, un dimanche matin brumeux, typique de la péninsule. Sur le Tower Bridge, un transporteur de fonds est braqué par des malfrats, l’un des deux convoyeurs est tué, et la bande de malfaiteurs prend la fuite sur la Tamise. Mason, en charge du butin, se rend au lieu de rencontre fixé par le commanditaire du larcin : un cirque suranné, d’une inquiétante étrangeté. Mais celui-ci est aussitôt assassiné par un mystérieux lanceur de couteaux … L’inspecteur Elliott, missionné sur cette enquête, va alors se lancer à la poursuite des billets perdus au coeur de l’oppressant cirque Barberini.
Le film se présente en deux parties : Londres, puis le cirque, les scènes de ville n’étant qu’un prétexte pour lancer l’intrigue sur un registre plus fantastique. Tous les éléments du krimi y sont réunis : la brume, la grisaille, l’humidité, les personnages patibulaires et troubles, Scotland Yard … Tout est là pour que ce kriminalfilm ne se démarque en rien des autres. Quelle est donc sa particularité ? Son casting hors norme réunissant à l’écran deux monstres du cinéma : Klaus Kinski (NOSFERATU, COBRA VERDE, PAGANINI …) et Christopher Lee (LE CHIEN DES BASKERVILLE, LE SEIGNEUR DES ANNEAUX …). Le spectateur aguerri, et qui a rapidement compris le dénouement de l’intrigue, se concentre et s’exalte alors de la possibilité de l’apparition sur un même plan de ces deux géants charismatiques et exigeants.
Bien que tourné en couleurs, le film sort en Allemagne en noir et blanc. La version couleur originale est éditée en DVD en 2006 en Allemagne, mais sous une forme modifiée. La version américaine de 1967, quant à elle, est en noir et blanc, réduit l’œuvre à une heure et cinq minutes, et sort sous le nom de PSYCHO-CIRCUS.
LE CIRQUE DE LA PEUR est, somme toute, une œuvre incontournable du genre. Bien que plutôt classique, elle satisfait les amateurs, et permet d’initier les curieux. À voir en automne par un temps pluvieux, enroulé dans une couverture chaude, un verre de scotch à la main.