Le Grand Alligator
LE GRAND ALLIGATOR représente la dernière pièce du tryptique « exotique » de Sergio Martino après LA MONTAGNE DU DIEU CANNIBALE et LE CONTINENT DES HOMMES POISSONS. Auparavant responsable de plusieurs excellents giallos comme LA QUEUE DU SCORPION ou TORSO et réalisateur attitré du cinéma d’exploitation italien des 70ies avec quelques autres. Le voilà donc aux commandes de cet ersatz des DENTS DE LA MER, artistiquement et techniquement bien en deçà de son modèle.
LE GRAND ALLIGATOR se situe donc dans une région reculée d’Afrique au sein de laquelle un riche promoteur flanqué de sa ravissante assistante inaugure son nouveau complexe touristique. Alors que les premiers touristes s’installent et que le photographe chargé de la publicité s’inquiète du comportement des indigènes à l’égard des Occidentaux présents, le cauchemar va se matérialiser par l’apparition d’un gigantesque alligator, en fait un Dieu malfaisant appelé par la tribu locale des Kumas pour exterminer les envahisseurs et pour que les indigènes retrouvent leur terre.
Soyons clair, dans son traitement LE GRAND ALLIGATOR est un film bourré de clichés révélateurs de son époque.
Ainsi on sera révulsé par ces Occidentaux aux préoccupations méprisantes et par le traitement hyper caricatural réservé à la tribu d’indigènes.
Tandis que les uns déambulent armés de bijoux, ne s’inquiétant que de la qualité de leur bronzage, les autres, inquiets du sort de leur territoire et s’apercevant de l‘idiotie manifeste de l’homme blanc, paradent dans des danses rituelles saugrenues, accompagnées de chants à faire pâlir de honte un ethnologue.
Tout le long du film, ce clash est présent, faisant du « message » du film, s’il y en a vraiment un, quelque chose de plutôt pessimiste. En gros l’homme blanc et l’homme noir sont trop différents et ne peuvent pas vivre ensemble. Quelque part le même sujet est repris dans les films de cannibales réalisés dans la même décennie par Ruggéro Déodato ou Umberto Lenzi. L’idée paraît avoir été bien ancrée dans le cinéma d’exploitation italien de l’époque.
Et à côté de cet affrontement arrive alors le fameux alligator, instrument de la vengeance de la tribu dépossédée. Force est de constater qu’il est plutôt mal fichu et que ses apparitions furtives ne constituent pas le point fort du film.
Alors que Sergio Martino était arrivé avec LE CONTINENT DES HOMMES POISSONS à donner à son œuvre un côté BD très sympathique, ici l’action est peu présente et en tous les cas moins prenante car manquant réellement de personnalité.
Le casting est composé d’habitués du bis européen, et plus spécialement italien.
Mel Ferrer, la star américaine en déclin du film, dans son rôle de promoteur remplit son contrat sans plus et semble assez perdu. Claudio Cassinelli fait la moue tout le long, son appareil photo en bandoulière, tout en tentant de sauver (et d’attraper) la très jolie Barbara Bach, en quelque sorte « le trophée » du film.
Ces trois acteurs étaient déjà de l’aventure du CONTINENT DES HOMMES POISSONS, le nom de Mel Ferrer n’apparaissant d’ailleurs que sur la jaquette.
Ces trois acteurs se démènent donc dans un film franchement pas réussi dont l’intérêt tient en fait dans ce qui se cache derrière le scénario, cette conception d’une société moderne et colonialiste, pilleuse de terres, qui doit fatalement se heurter à un autre monde, pétri de traditions, sans matérialisme aucun et qui lutte simplement pour exister. Un sujet maintes fois repris, d’ailleurs toujours d’actualité, mais rarement développé avec autant de poncifs que dans ce GRAND ALLIGATOR.