Sueurs Froides en version papier

Au sommaire du numéro 37 : Dossier Val Lewton, Nancy Drew, Biographie de Ulli Lommel, la saga Flower and Snake, la franchise Leprechaun, entretien avec Patrice Herr Sang, Entretien avec Marian Dora.
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USA - 1974 - Larry Cohen
Titres alternatifs : It’s Alive
Interprètes : John P. Ryan, Sharon Farrell, James Dixon, William Wellman Jr, Shamus Locke

Un texte signé André Quintaine

Le Monstre est Vivant

Réalisé à une époque où le sujet de l’avortement était brûlant, LE MONSTRE EST VIVANT reste, encore aujour-d’hui, un film particulièrement étonnant et politiquement incorrect. S’il est vrai que, dans nos contrées, la Vie devient de plus en plus chère, dans le même temps, on n’hésite pas vraiment à supprimer des enfants dans le ventre de leur mère, bien souvent pour son petit confort personnel.

Des parents mettent au monde un bébé monstrueux qui s’échappe de la maternité et attaque tous ceux qui barrent son chemin… Derrière son titre à deux francs et son prétexte scénaristique hautement racoleur, se cache en réalité un film tout à fait différent du petit film d’horreur bête et méchant auquel on pouvait s’attendre. Cela apparaît évident dès les premières minutes du film où nous faisons la connaissance des deux parents du futur bébé à problème. C’est la nuit, la femme comprend que l’accouchement est pour bientôt. Ils se lèvent tous les deux et se préparent gentiment à prendre la direction de l’hôpital. Dans la réalité, un accouchement est bien plus “stressant” que ce qui est montré à l’écran. Si Larry Cohen (EPOUVANTE SUR NEW YORK, L’AMBULANCE, MANIAC COP et bien d’autres petits chefs-d’œuvres de la série B US) enjolive l’imminence du grand moment, c’est pour souligner que donner la vie est devenu un acte presque banal. Tout le monde sourit, on se croirait chez les Teletubbies. Faire un bébé est devenu quelque chose de facile. Le risque de rencontrer un problème est tellement ridicule que l’on en oublie qu’ils existent. Plus encore, on refuse même que l’accouchement puisse être autre chose qu’un moment merveilleux.

Pourtant, le pire va se produire dans la salle de travail. Le bonheur qui ne faisait aucun doute ne sera pas. Et le bébé, monstrueux, est de plus particulièrement violent. Les médecins et les sages-femmes présents lors de l’accouchement sortent tous les deux pieds devants. Dans la panique, bébé s’échappe et, rapidement, tout le monde est sur les dents. Le pauvre nourrisson se retrouve traqué par la police de la ville au grand complet. Si le sujet du film peut faire sourire, on déchante vite lorsque les acteurs entrent en scène. La sincérité de leur interprétation est palpable et touche profondément. Entre le désespoir de la mère et la fureur du père, on se sent tout de suite très proche d’eux. Rarement des acteurs auront réussi à transcender un film d’une manière aussi évidente. Et le père n’est pas seul lorsqu’il verse finalement des larmes pour son fils au terme d’un film épuisant pour les nerfs. Si LE MONSTRE EST VIVANT est tellement différent d’un petit film d’horreur bête et méchant, c’est véritablement grâce à ses acteurs.

Après la scène d’anthologie de l’accoucement, le couple voit donc son bonheur annoncé s’effondrer devant ses yeux. Chacun décide alors de faire face à son malheur d’une manière différente. La femme sombre lentement dans la folie. Elle est perdue entre son instinct maternel et l’évidence que le reste de la société lui met sous les yeux : son enfant n’a rien d’humain. D’ailleurs, dès le départ, les autorités parlent de leur enfant comme d’un animal. Le mari, de son côté, décide de le rejeter. Il refuse d’en être le géniteur. C’est une honte et tout le monde le lui fait comprendre. A un moment, il pense même que c’est lui qui doit l’abattre pour retrouver sa fierté.
Au fur et à mesure que le film avance, Larry Cohen fait également évoluer la psychologie du Monstre. Il se cache tout d’abord dans l’école où étudie son grand frère, puis, il trouve même le chemin de la maison de ses parents. A ce moment-là, la mère trouve son rejeton et bascule dans l’acceptation de son bébé.

Même si la possibilité d’une mutation due à des médicaments est plus fortement évoquée, le propos du MONSTRE EST VIVANT n’est certainement pas un quelconque message écologiste ou encore de dire que la société engendre ses propres monstres. A travers son film, Larry Cohen met en évidence notre relation vis-à-vis de ce qui est différent. D’abord montrée du doigt, la différence a ensuite été mise à l’écart (dans les hôpitaux, les asiles, les mouroirs…) pour être finalement refusée aujourd’hui. L’avortement est bien au centre de la problématique du film. Dans LE MONSTRE EST VIVANT, on ne nie jamais la monstruosité ou la violence du bébé. Par contre, on montre comment les sentiments des parents peuvent être manipulés par une morale et une société avide d’uniformisation, et pas seulement physique. Que penser d’une société qui préconise la suppression de ses enfants à partir du moment où ceux-ci ne sont pas aussi normaux que ceux du voisin et qu’ils auront plus de difficulté à trouver un(e) petit(e) ami(e) pour aller au bal de promotion de la fin de l’année ou au MacDo ?

Si Larry Cohen délivre ce message aussi clairement et aussi fortement, c’est aussi parce que son film est magistralement maîtrisé. La première scène est un modèle pour tout réalisateur de films d’horreur. Toute la séquence qui amène et qui se conclue par l’accouchement est superbement construite. Après une tension palpable durant toute la moitié du film, LE MONSTRE EST VIVANT se termine ensuite sur un climax magnifique qui donne ses lettres de noblesse au genre en rendant l’horreur touchante et humaine.



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Article rédigé par : André Quintaine

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